Si en entendant le mot "consigne", vous pensez aux bouteilles en verre lavées et réutilisées, vous avez tort. Le gouvernement, qui défend son projet de loi économie circulaire, veut mettre en place une consigne qui concerne la collecte des bouteilles plastiques pour les recycler. Un "non sens écologique" qui "légitime le plastique" selon les sénateurs et une appellation dévoyée pour les associations environnementales qui veulent d'abord appuyer sur le réemploi, moins énergivore et plus propre que le recyclage.
C’était une des mesures emblématiques du projet de loi économie circulaire. Le retour de la consigne, annoncé dans le discours de politique générale d’Édouard Philippe en juin, était même qualifié de "symbole" par la secrétaire d’État à la transition écologique Brune Poirson. C’est pourtant LA mesure que les sénateurs ont rejetée lors de l’examen du projet de loi le 26 septembre. Mais de quoi parle-t-on réellement ?



La consigne, renvoie, dans l’imaginaire des Français, aux bouteilles en verre collectées pour être réutilisées après lavage. Or, la consigne proposée par le gouvernement est toute autre. D’abord, elle ne concerne pas le verre mais exclusivement les bouteilles en plastique et les canettes. Ensuite, selon le projet de loi qui sera examiné à nouveau par les parlementaires en novembre ou décembre, le consommateur doit s’acquitter d’une consigne de 15 centimes qu’il récupérera lorsqu’il rendra sa bouteille dans les points de collecte. Ce système, déjà mis en place dans une dizaine de pays européens est vivement critiqué par les associations environnementales.



Recycler plutôt que réemployer un "non-sens écologique"



"Utiliser le terme de consigne apporte beaucoup de confusion. Ici, il ne s’agit pas de favoriser le réemploi mais le recyclage. Or pour limiter les déchets et le gaspillage il faut d’abord réemployer, sinon, on reste dans une société du tout jetable", avance Anne-Fleur Hug de Zero Waste France. Et, surprise, c’est aussi l’avis des sénateurs qui ont vu dans cette mesure un "non sens écologique". "Le gouvernement veut une consigne sur les bouteilles plastiques pour les recycler. C’est tout à fait néfaste. C’est un recul en matière d’écologie car ça légitime le recours à la bouteille plastique" a dénoncé sur Public Sénat, Hervé Maurey, président centriste de la commission de l’aménagement du territoire.



En réalité le gouvernement veut s’appuyer sur cette consigne pour atteindre son objectif de 100 % de plastiques recyclés d’ici 2025. "Chaque année, en France, 200 millions de bouteilles, de canettes ou de briques se retrouvent dans la nature. Sur les 16,7 milliards que nous consommons, 7 milliards ne sont pas recyclés", a expliqué Brune Poirson en ouverture des débats.



Les collectivités territoriales lésées au profit des producteurs de plastique ?



Surtout, les collectivités territoriales craignent d’être lésées par ce nouveau système de consigne. Aujourd’hui, ce sont elles qui collectent et revendent les déchets aux recycleurs. À l’avenir, les sénateurs craignent que les grands producteurs de plastique ne profitent de ce système. Une idée d’autant plus ancrée que ces derniers, comme Coca-Cola, soutiennent la mesure du gouvernement. "Le lobby des gros recycleurs effraie les collectivités en leur faisant croire qu’avec un système de consigne elles perdront de l’argent. Pourquoi ? Car ils profitent du système qui permet de se faire de bonnes marges et d’exporter discrètement des déchets à l’étranger", a dénoncé Brune Poirson sur France Inter. La secrétaire d’État a évalué à 12 millions d’euros la perte pour les collectivités, ce qui correspondrait à 1 % du coût total de gestion des déchets.



"La question de qui paye quoi ou qui va collecter les déchets n’est clairement pas la bonne. La vraie question c’est comment on va faire pour favoriser le réemploi et sur ce sujet, le gouvernement et les parlementaires sont passés à côté", dénonce Anne-Fleur Hug de Zero Waste France. L’association propose de financer des laveuses ou de mettre en place des quotas réemploi pour progresser concrètement vers le réemploi du verre. Puis, lorsque ces mesures seront sécurisées, passer à un système de consigne mixte de réemploi et de recyclage. 
Marina Fabre, @fabre_marina 
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