Alain L., 56 ans, a été condamné à trois ans de prison, dont le moitié avec sursis, par le tribunal correctionnel de Toulon pour des maltraitances au préjudice d'un adolescent âgé de 15 ans, entre le 18 février et le 13 mars 2019.
Cet aide-soignant était en poste à l'hôpital San Salvadour, un établissement de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), basé à Hyères. "J'ai honte de ce que j'ai fait, je reconnais les faits", a-t-il déclaré à la barre du tribunal.
La victime, atteinte de troubles neurologiques importants, était dans l'incapacité de dénoncer les faits. Ce sont ses parents qui ont révélé son martyre après avoir dissimulé une caméra, pendant une semaine, dans la chambre d'hôpital occupée par leur fils.
"Yvan (son prénom a été modifié) était beaucoup plus distant, plus renfermé, a témoigné le père de l'adolescent qui pense avoir aussi décelé "de la tristesse" chez son fils. On pressentait qu'il se passait quelque chose..."
Depuis qu'il avait été placé dans un autre service, le garçon présentait des ecchymoses sans que l'hôpital ne soit en mesure de fournir des explications.
"La direction nous a dit: "sans éléments probants, on ne peut rien faire"", ont affirmé les parents de l'adolescent pour justifier leur démarche: "J'ai pris l'initiative de dire [à mon mari], "on va mettre une caméra"", a indiqué la mère de Yvan.
Des scènes dégradantes et humiliantes
Les images diffusées - à huis clos - dans la salle d'audience du tribunal montrent l'aide-soignant s'en prendre au garçon chaque nuit. Le patient, alors qu'il était sous tranquillisants, était réveillé "brutalement" chaque soir par Alain L.
Yvan, qui porte une couche, a été tiré de son lit pour être changé à même le sol. L'aide-soignant l'a également empêché de dormir en plaçant son visage sous la lumière.
Un autre soir, Alain L. a élevé le lit (à hauteur réglable) de Yvan de sorte que celui-ci, assommé de neuroleptiques et s'accrochant au drap qui dépassait, ne parvenait pas à se coucher. "Tu vas faire le mur des pompiers, allez vas-y!", lui lançait alors son tortionnaire.
"Yvan est capable de s'opposer, là il ne l'a pas fait, a souligné l'avocate de ses parents. Il ne l'a pas fait parce qu'il avait peur."
Une "perversion inqualifiable"
L'aide-soignant a expliqué qu'il privait le jeune patient de sommeil pour que celui-ci se réveille le plus tard possible. Le tort de Yvan? Il réveillait, avec "ses balbutiements", ses voisins de chambre parfois à 4 heures du matin...
Le comportement de l'aide-soignant relève d'une "perversion inqualifiable", selon les médecins qui ont visionné la vidéo. La direction a mis à pied son employé (actuellement en arrêt maladie) dès qu'elle a eu connaissance de ces images.
"Ce n'est pas digne d'un homme." Le procureur Jean-Jacques Gauthier a dénoncé "un comportement inhumain" et a comparé le prévenu à "un barbare". "Soignant ça?, a-t-il lancé en pointant Alain L. du doigt, c'est une plaisanterie!"
Un soignant dépressif au bord du burn out
En défense, Me Jonathan Haddad, a fait le portrait d'un aide-soignant en proie à "un syndrome dépressif depuis 2001", "un homme au bord du burn out [affecté] dans un service le plus difficile", après trente ans d'une carrière sans tâche.
"On ne le voit pas être maltraitant avec les autres patients, [avec Yvan] il n'y a jamais eu de coups", a souligné l'avocat toulonnais.
Le tribunal a assorti la condamnation du quinquagénaire de plusieurs obligations. Il devra suivre des soins, travailler et indemniser les victimes. Le préjudice de Yvan a été évalué à 8.000 euros, celui de ses parents à 4.000 euros chacun.
Alain L. est en outre frappé d'une interdiction définitive d'exercer une activité en lien avec des personnes vulnérables.
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