“Trois mois avant l’attaque contre Charlie Hebdo, Stéphane Peu, maire adjoint de Saint-Denis, a fait une découverte troublante. La ville avait l’intention d’indemniser une fondation saoudienne après une expropriation dans le cadre d’un plan de réaménagement urbain, jusqu’à ce que le ministère des Finances l’informe que les actifs de cet organe de bienfaisance étaient gelés en raison de ses liens présumés avec Al-Qaida.”

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Le Financial Times utilise cet exemple pour illustrer le débat sur l’efficacité des services de renseignement dans la lutte contre le terrorisme :

Ce qui a le plus déconcerté M. Peu fut de découvrir que même les services de renseignement en charge de la zone de Saint-Denis ne savaient rien de cette affaire. ‘La fondation figurait sur la liste noire de l’ONU, mais ils n’avaient jamais enquêté sur quoi que ce soit à son sujet’, dit-il.”

La fin du réseau de terrain

La réforme de 2008 conduite par Nicolas Sarkozy, rappelle le FT, cherchait à rationaliser les services de renseignement du pays en fusionnant les renseignements généraux (RG) et le contre-espionnage (DST) pour former la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI devenue la DGSI), ce qui devait permettre une meilleure surveillance de la menace islamiste. Mais un nombre croissant d’experts du renseignement regrette qu’elle ait finalement mené “à la disparition du vaste réseau d’agents de terrain qui avait mis un demi-siècle à se constituer – et dont on aurait bien besoin aujourd’hui pour contenir la menace intérieure du djihadisme.”


A Saint-Denis, le maire adjoint confirme qu’“avant la réforme, il y avait 20 officiers” chargés de la ville. “Ils connaissaient tout le monde. Aujourd’hui, il n’y a plus personne pour se balader dans les rues, voir un peu ce qui se passe dans les mosquées, discuter avec les uns et les autres, avec les concierges.”

Signaux faibles

La critique, explique le journal, se concentre sur la trop grande attention portée aux “‘signaux forts’ venus des sphères supérieures de la nébuleuse terroriste au détriment des ‘signaux faibles’ venus de la base, du terrain”.

L’ancien directeur du renseignement intérieur, Bernard Squarcini, interrogé par le Financial Times, n’est pas totalement d’accord : le problème n’est pas de capter ou pas les ‘signaux faibles’, mais de les faire parler, de leur donner du sens. Selon lui :

Nous réussissons à avoir beaucoup de tuyaux. La question est plus de savoir comment les analyser. Nous avons besoin de psychologues, d’universitaires, d’experts en religions, de bons analystes pour être en mesure de repérer le moment où l’un d’entre eux devient dangereux.”