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Histoire

Quand la RDA moribonde fêtait son dernier anniversaire

Le 7 octobre 1989, Le régime communiste est-allemand entend bien fêter en grande pompe le 40e anniversaire de la RDA. Mais le pays va mal et ses habitants osent désormais prendre la parole et descendre dans la rue gâchant la fête des apparatchiks qui rejette toute réforme.

Manifestation dans les rues de Leipzig, en ex-Allemagne de l'Est, en octobre 1989.
Manifestation dans les rues de Leipzig, en ex-Allemagne de l'Est, en octobre 1989. AFP/DPA
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Le palais de la République a été bichonné. Tout est préparé en détail depuis des mois. Le bâtiment au cœur de Berlin doit accueillir la soirée officielle célébrant le quarantième anniversaire de la RDA. Les partis frères des autres pays communistes ont fait le déplacement, du Roumain Nicolae Ceausescu au Bulgare Todor Jivkov en passant par le Polonais Wojciech Jaruzelski sans oublier des dirigeants proches du régime est-allemand de par le monde comme le chef de l’Organisation de libération de la Palestine Yasser Arafat ou le président nicaraguayen Daniel Ortega. Et bien sûr, Mikhaïl Gorbatchev, secrétaire général du parti communiste soviétique, grand vainqueur à l’applaudimètre durant la grande parade militaire à travers Berlin-Est comme le soir à l’entrée du palais de la République pour la soirée de gala. À son passage, la foule scande « Gorbi, Gorbi » mettant ses espoirs dans le réformateur soviétique au pouvoir depuis quatre ans. Ces images ne sont pas montrées à la télévision est-allemande. La RDA reste hermétique à toute réforme. Le chef idéologue du régime Kurt Hager l’a expliqué de façon imagée, mais claire dans une interview deux ans plus tôt : « Vous sentez-vous obligé de refaire votre appartement parce que votre voisin pose de nouveaux papiers peints ? » Pourtant la RDA ressemble de plus en plus au Titanic et les festivités pour le quarantième anniversaire du régime communiste ressemblent à un chant du cygne.

Les manifestations se font plus nombreuses

L’économie va mal. Le rejet du système au sein de la population augmente, les manipulations des résultats des municipales en mai sont documentées par des groupes dissidents, de plus en plus d’Est-Allemands déposent des demandes pour quitter le pays, d’autres préfèrent ne pas attendre et profitent de l’ouverture du rideau de fer en Hongrie pour gagner l’Ouest. Depuis un mois, des manifestants osent descendre dans la rue à Leipzig et bravent la peur complice du régime. Peur de perdre son emploi ou peur physique après la brutale répression en Chine en juin. Mais à Plauen, en Saxe, ils sont 20 000 ce même 7 octobre à réclamer des réformes sous une pluie battante avant que la police ne disperse brutalement les manifestants.

À Berlin, la journée commence par une parade militaire après le défilé, la veille, de 100 000 membres des jeunesses communistes. Les médias occidentaux sont présents. Les autorités sont sur les dents. Tout le monde est conscient que quelque chose peut se passer. En fin d’après-midi, sur Alexanderplatz, la grande place au cœur de Berlin-Est, plusieurs centaines de jeunes se rassemblent. On peut entendre des slogans comme : « La Stasi (la police secrète) dehors », « Liberté » ou « Démocratie ». Les manifestants se mettent en branle et se dirigent vers le palais de la république et sont arrêtés à quelques encablures de là par les forces de l’ordre. Ils ne crient plus comme peu de temps auparavant « nous voulons partir », mais « nous voulons rester » signifiants au régime qu’il devra composer avec eux au lieu de se débarrasser de ces gêneurs en les expulsant vers l’Ouest.

L'heure n'est pas à la fête

Dans le bâtiment, Gorbatchev ne répond pas aux attentes des manifestants. Le numéro un soviétique ne veut visiblement pas gâcher la fête d’un Erich Honecker, le dirigeant est-allemand, malade, pour qui ce quarantième anniversaire constitue l’apogée de sa carrière. Honecker a peut-être déjà compris que ses jours au pouvoir sont comptés. Dans son discours, il saute cinq pages laissant de côté des passages où il évoque à demi-mot la nécessité pour la RDA de se réformer. Le musicien Stefan Hermlin qui se produit ce soir-là décrit une scène révélatrice : la grande table officielle se vide très vite. À un moment, seul Erich Honecker y est encore assis. Tout un symbole. Dix jours plus tard, il est contraint à la démission.

► À écouter aussi : RDA : ce pays qui n’existe plus (1/2)

Dans le palais de la république, des invités observent nerveux les manifestants près de là. Les officiels sont visiblement nerveux. La soirée a des traits surréalistes. Ironie de l’histoire, le dessert du menu de gala est baptisé « surprise » (en français dans le texte). Gorbatchev reprend l’avion dès vingt heures. L’invité de marque parti, le chef de la police secrète, Erich Mielke, décide de passer à la manière forte. Les manifestants sont refoulés, la foule dispersée. Mais ils restent encore nombreux à gagner le quartier bohème de Prenzlauer Berg. Plus tard, de nombreuses arrestations violentes viendront brutalement mettre un terme à cette journée particulière. Au total, 3 500 personnes sont interpellées ce jour-là dans l’ensemble de la RDA.

Le quarantième anniversaire du régime a été gâché. Deux jours plus tard, le gouvernement est-allemand s’inclinera devant la foule à Leipzig. Un mois plus tard, le mur de Berlin tombe. Un an plus tard, l’Allemagne sera réunifiée. La RDA ne fêtera pas son 41e anniversaire.

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