C'est la déroute pour Kraft Heinz et son ketchup emblématique. Le groupe a perdu plus de 15 milliards de dollars depuis le début de l'année. Il n'a pas su saisir les nouvelles attentes des consommateurs, friands de produits moins sucrés et moins caloriques. Une lacune que les experts expliquent par une politique extrême de réduction des coûts, oubliant que la R&D et le marketing sont des piliers de l'industrie agroalimentaire. 

Le numéro cinq mondial de l’alimentation est en mauvaise passe. Et c’est un euphémisme. En seulement neuf mois, Kraft Heinz a perdu 15 milliards de dollars. Une enquête fédérale de la Securities and Exchanges Commission (SEC) a également été ouverte sur les pratiques comptables de l’entreprise. Le 8 août dernier, l’action a même chuté de 8,6 % à Wall Street.
Suppression d’emplois et fermeture d’usines
Cette situation, certains experts l’expliquent par la politique agressive du fonds d’investissement brésilien 3G Capital, à l’origine de la fusion entre Heinz, connu pour son ketchup emblématique, et Kraft Foods, qui détient des marques comme les cafés Maxwell ou les macaronis Mac & Cheese célèbres aux États-Unis. 3G Capital a mis en place un système de réduction extrême des coûts. Il a supprimé près de 5 000 emplois et annoncé la fermeture de six usines de Kraft Heinz depuis la fusion.
Surtout, il a appliqué, de manière extrême, la stratégie "budget à base zéro" qui consiste à initier tous les ans un nouveau budget sans tenir compte de l’ancien, en remettant en question les priorités de l’année précédente. Chaque dépense, même si elle n’est pas nouvelle, doit être justifiée. "Le modèle de 3G est de racheter des entreprises, en extraire des synergies en coupant les coûts. Mais ils sont allés beaucoup trop loin en réduisant des dépenses qui sont essentielles sur ce secteur aujourd’hui : le marketing et la R&D", juge Laurent Grandet, analyste et directeur consommation et distribution chez Guggenheim Partners, dans les Echos.
Les produits ne plaisent plus aux consommateurs
Kraft Heinz paye chèrement son immobilisme. Les goûts des consommateurs ont changé. Les produits alimentaires trop transformés, caloriques ou gras, dont le ketchup est l’incarnation parfaite, n’ont plus la cote. "J’ai longtemps vécu dans un monde confortable de vieilles marques à gros volumes", a reconnu le cofondateur de 3G Capital lors d’un symposium du Milken Institute en Californie, repris dans Capital. "Nous les achetions en pensant qu’elles dureraient toujours, il suffisait de se concentrer sur l’efficacité de notre gestion… Et puis, tout à coup, nous voilà disruptés".
Seule note positive, le ketchup bio et sans sucre ajouté affiche de bons résultats. Un nouveau ketchup avec 25 % de légumes ajoutés, 25 % moins de sucre et sans sirop de maïs vient d’être également d’être lancé pour pousser les enfants à manger des légumes. Mais peut-être que le groupe a trop tardé à capter les tendances du marché. "Kraft Heinz paye une stratégie des années 90 où l’économie était financiarisée à l’extrême", résume un expert.
Marina Fabre, @fabre_marina

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