Marseille : le policier du GIPN racontait tout à la sœur d'un voyou

Le policier a assuré avoir trop parlé au prétexte que sa compagne d'alors était "jalouse" et qu'il voulait "la rassurer".

Le policier a assuré avoir trop parlé au prétexte que sa compagne d'alors était "jalouse" et qu'il voulait "la rassurer".

Photo F.S.

Marseille

Le fonctionnaire assurait la protection du maire de Marseille. Il était jugé pour violation du secret professionnel. Sept mois de prison ferme requis

A-t-il réellement pris la mesure de ce qu'il faisait ? Le président Fabrice Castoldi n'a de cesse de lui poser la question et de la lui reposer, sous des angles d'attaque différents. Qu'est-il donc passé dans la tête de Frédéric, ce policier d'élite du GIPN, âgé de 39 ans ? Un solide gaillard qui n'a pas compris qu'il mettait en danger ses collègues de travail et tous ceux qu'il était censé protéger.

Car, de novembre 2012 à octobre 2013, il était le compagnon de la soeur de Bruno Vitobello, un homme connu dans le banditisme marseillais. Une idylle qui lui aurait obscurci le jugement, au point de raconter tout et n'importe quoi à sa chérie, au risque de faire capoter des enquêtes. C'est en février 2013 que la "police des polices" a finalement été saisie, alertée par la commissaire d'Aubagne qui s'étonnait de ce qu'une perquisition dans une affaire de stups avait avorté dans le quartier sensible du Charrel. Certains des résidents savaient manifestement que les "cagoulés" allaient intervenir. Plus de 22 000 communications ou SMS échangés en dix mois ! Frédéric était "amoureux" et même très amoureux. Il ne cachait rien à sa compagne. L'ennui, c'est que Bruno Vitobello, connu pour détention d'armes, mais également soupçonné d'avoir monté en 2012 un projet d'assassinat contre le juge Charles Duchaine - ce qui vaudra au magistrat une protection rapprochée pendant plusieurs mois - n'était pas un enfant de choeur. Le président pointe cette proximité avec celui qu'il qualifie de "truand notoire".

Il protégeait Jean-Claude Gaudin

Le policier répond de "violation du secret professionnel". Une violation d'autant plus grave qu'il protégeait alors le maire de Marseille Jean-Claude Gaudin, mais aussi le Premier ministre espagnol ou encore un chef d'État africain. Le président lui rappelle qu'au-delà de la "légèreté", c'est bien "une infraction pénale". "Si c'était à refaire, je le referais pas du tout", assure à la barre le policier mis en cause, au GIPN depuis 2010. Sur les écoutes téléphoniques, il fournit dans le détail son emploi du temps à sa compagne. "Quand vous lui dites que vous surveillez M. Gaudin, pourquoi vous le faites ?", insiste le président. "Elle était jalouse. Je voulais la rassurer. Je partais tôt, je rentrais tard...", réplique-t-il.

Le policier a entre-temps écopé d'une sanction disciplinaire : quinze jours sans solde et une interdiction de grade pendant dix ans. Dans l'un de ses SMS, il confesse pourtant qu'il sait. Il sait que la confusion des rôles est préoccupante : "Je sors avec la soeur d'un voyou." Un voyou qu'il dit pourtant ne jamais avoir rencontré, sauf à l'avoir croisé un jour à l'hôpital. "Le GIPN surveille pendant deux jours le juge Duchaine et l'un des membres présents est le compagnon de la soeur d'un voyou, ironise à peine le président Castoldi. Quelqu'un ferait un roman là-dessus, on lui dirait : tu as fumé la moquette ! Ou alors vous avez une conception dégradée de l'exercice de vos fonctions ?" Pourtant, le policier ne cache pas à la barre qu'il aime son métier : "J'aime l'intervention, j'aime l'adrénaline. Le GIPN, pour moi, c'était l'aboutissement de ma carrière." Le procureur Ahmed Chafai ne manquera pas de souligner que l'affaire est "sensible", que le prévenu "s'est autorisé des choses, et pas seulement professionnelles".

"La veille de l'opération programmée au Charrel, pourquoi le couple échange-t-il 240 communications ?", relève le magistrat. Pour lui, le prévenu a "trahi" son corps d'origine. Il a réclamé dix mois de prison, dont trois avec sursis. En défense, Me Jennifer Attanasio dira "la naïveté" de son client, tentera de convaincre le tribunal de son "absence de malveillance ou de quelque intention de nuire". Son seul défaut ? "Il parle trop", plaidera-t-elle. Jugement le 15 octobre.