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Aux USA, le droit de tuer

En Floride, un homme qui a tué son gendre par erreur n’est pas poursuivi par la justice. Sidérée, notre chroniqueuse se demande si cette légitimité de supprimer son prochain n’altère pas profondément les rapports humains

Image d'illustration. — © keystone-sda.ch
Image d'illustration. — © keystone-sda.ch

Il y a des faits divers qui sidèrent. Souvent, ils viennent des Etats-Unis. Car, oui, même si «the greatest nation on earth» n’est plus si greatest que ça, les USA aiment toujours faire les choses en grand. Ou en solitaire. Comme la justice, par exemple. Dans le plus pur style shérif domestique. C’est ce qui a valu à un sexagénaire résidant en Floride de tuer son beau-fils d’un tir de pistolet en pleine poitrine. Comment? A travers une méprise aussi totale que malheureuse, rapporte le journal 20 minutes. Un homme de 32 ans souhaitait faire une surprise à son beau-père, qui fêtait son anniversaire. Venu exprès de Norvège pour l’occasion, Christopher Bergan a frappé à la porte familiale, puis s’est caché dans un buisson et, quand Richard Dennis a ouvert, le jeune homme a surgi et «a sauté sur lui en faisant un grand bruit». Il n’aurait pas dû, car son beau-père lui a tiré dessus. Et l’a tué sur le coup.

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Pourquoi une telle réaction? Parce que le même jour, Richard s’était disputé avec un membre de sa famille qui, lui aussi, avait tambouriné à sa porte et ne voulait plus décoller de sa propriété. Lorsque son gendre s’est manifesté, le sexagénaire a pensé que l’indésirable était revenu et – c’est là que le fait divers sidère – a légitimement considéré qu’il pouvait allumer l’importun de son gun justicier. Tellement légitimement d’ailleurs que le meurtrier ne sera pas poursuivi par la justice, puisque, comme l’a déclaré le shérif du comté de Santa Rosa où s’est déroulé le drame, «on ne peut pas reprocher grand-chose à M. Dennis. Je pense qu’il s’agit juste d’un horrible accident qui n’aurait jamais dû arriver.»

La Floride, «the Gunshine State»

Bien sûr, en termes de gravité, ce fait divers n’est rien à côté des fusillades massives dans les écoles ou les lieux publics. Mais il raconte bien cette relation décomplexée que l’Américain moyen entretient avec le droit de tuer. Aux USA, à commencer par la Floride, un Etat appelé «the Gunshine State» en raison du nombre élevé de résidents possédant une arme à feu (plus de 30%), on a l’intime conviction que faire la justice soi-même est OK. Y compris si cette justice entraîne la mort. Certes, la NRA (National Rifle Association), le puissant lobby des armes à feu, joue un rôle dans ce sentiment. Et la tradition de la conquête de l’Ouest explique aussi ce phénomène qu’il faut toujours contextualiser. Tout de même. Difficile d’imaginer que le rapport quotidien à l’autre ne soit pas altéré par cette légitimité de pouvoir supprimer aussi facilement son prochain.

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