Emmanuel Macron raconté par son ancien patron

Dans « Des princes et des gens », l'ancien secrétaire général de l'Élysée, Pierre-René Lemas, brosse un portrait piquant de celui qui fut son adjoint.

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Pierre-René Lemas, ancien secrétaire général de l'Élysée, brosse un portrait peu flatteur de son ancien collaborateur Emmanuel Macron.

Pierre-René Lemas, ancien secrétaire général de l'Élysée, brosse un portrait peu flatteur de son ancien collaborateur Emmanuel Macron.

© MEIGNEUX/SIPA / SIPA

Temps de lecture : 4 min

La rumeur affirme que, dans les dîners en ville, François Hollande ne présente pas autrement Emmanuel Macron que comme son « ancien collaborateur », secrétaire général adjoint de l'Élysée entre 2012 et 2014. À l'évidence, il y a une blessure qui n'a pas cicatrisé chez l'ancien président socialiste et qui se vérifie aussi auprès de ceux qui lui sont restés fidèles – le mot prend ici tout son sens. L'ancien secrétaire général de l'Élysée, Pierre-René Lemas, fait partie de ceux qui n'ont pas oublié ce que d'aucuns, et d'abord les hollandais, jugent être une « trahison » et d'autres un coup de maître. Dans son livre récemment paru, Des princes et des gens (Seuil), qui retrace son parcours de haut fonctionnaire avec moult réflexions et anecdotes, il consacre un chapitre à Emmanuel Macron, qui est d'autant plus féroce qu'il est… mesuré. C'est un haut fonctionnaire qui parle, qui a recruté l'ancien banquier de Rothschild pour le compte de François Hollande. Il ne faut donc pas s'attendre à une très grande frontalité, même si sous les mots percent la critique habile et le procès en trahison. Et déjà dans l'intitulé du chapitre : « Macron dans les couloirs du palais ». Pas au secrétariat général de l'Élysée, pas dans son bureau du palais, mais dans les couloirs. On devine l'intrigant, le manœuvrier, qui guette les va-et-vient et pratique les messes basses, la dague à la main.

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Emmanuel, qui ne joue pas le jeu

En prélude, Lemas dresse le portrait du collaborateur idéal, qui exerce un « métier ingrat », avec beaucoup de travail, d'heures passées dans des bureaux et sous-pentes, pour peu de reconnaissance. Un sacerdoce. Un sacrifice. Puis, poursuit-il, il existe une autre espèce de collaborateur, qui finit « par être grisé par ce pouvoir plus laborieux qu'ostensible » en raison d'une « proximité supposée avec le chef de l'État ». Les conseillers de ce genre « paradent. Ils exagèrent. Un déjeuner avec des journalistes, une citation pas trop anonyme, un portrait esquissé dans un journal du soir et les voilà sur un nuage, sous l'œil sarcastique de leurs collègues de bureau ». La fréquentation d'Emmanuel Macron, deux ans durant, lui fait dire ces mots lourds de sens : « J'ai appris depuis de nombreuses années à conduire une équipe. Mais, au sommet de l'État, je ne suis plus sûr que ce mot soit juste. » Il brosse ensuite plus directement le portrait de son ancien adjoint, à « l'impatience souriante ». Il a décelé chez lui cette aptitude à toujours se mettre en avant lors d'un reportage sur l'exercice du pouvoir dans lequel l'acteur principal devait être François Hollande, ses conseillers faisant office de figurants, sauf « Emmanuel, qui ne joue pas le jeu, se met en scène et trouve si bien la lumière… » Selon lui, un collaborateur veut d'abord exister « dans le regard du chef, être reconnu pour ses efforts, son travail, sa fidélité ». Le regard de Hollande, Macron s'en moquait. Il voulait exister hors les murs du palais. L'ancien secrétaire général loue néanmoins les qualités, largement reconnues, de celui qui fut son adjoint, qu'il décrit comme « brillant, intelligent, drôle souvent, désinvolte en apparence, doté d'une force de travail peu commune ». Maître, également, dans l'art « des synthèses brillantes et des métaphores piquantes : une négociation avec l'Allemagne était une mesure de tango, la taxation des plus riches, Cuba sans le soleil… »

Le président lui pardonnait tout

Puis, un jour, se fait entendre « la rumeur légère, une prise de distance à mi-chemin entre la déloyauté et le détachement, avec, si on a du talent, des anecdotes cruelles ou des traits d'esprit appuyés qui amusent et intriguent la presse et les dîners en ville ». Et enfin l'action : « Il était de tous les voyages et, en coulisses, de beaucoup de réunions. Il recevait discrètement des ministres. Le président lui pardonnait tout. (…) Il était sans doute ailleurs, tendu vers d'autres ambitions avec, dans l'antichambre de son bureau, et jusque dans l'escalier, une longue file de rendez-vous : tous les industriels, banquiers et responsables économiques que le président n'avait pas le temps, ni souvent le goût de recevoir. Emmanuel les écoutait patiemment leur donnait le sentiment de les avoir entendus. » Un élu En marche ! a un jour comparé, en privé, Macron à Kaa, le serpent hypnotiseur dans Le Livre de la jungle. Par sa description, Lemas semble valider l'image. « Quand il vous regardait avec ses yeux bleus fixés dans les vôtres, le visage impassible, vous écoutant avec attention, écrit-il, vous pouviez avoir le sentiment qu'en cet instant rien d'autre n'était plus important et que votre propos méritait cet intérêt exclusif. » Le même Macron, si on lui tenait tête, pouvait « vous jeter un regard fixe et froid ».

Et Pierre-René Lemas de conclure ainsi le portrait : « À la réflexion, je ne suis pas certain que le président d'aujourd'hui aurait longtemps supporté Emmanuel au sein de son cabinet. » En effet. Avoir un conseiller qui lui ferait de l'ombre, c'est paraît-il sa hantise…

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Commentaires (61)

  • grewillor

    Je vous remercie et à mon tour, je vous souhaite une excellente fin de week-end !

  • Filou60

    Un livre sur le "livre de la jungle" bien vu.
    Le regard bleu hypnotique fonctionne mieux en petit groupe que fasse à la masse des électeurs a priori circonspecte.

  • cafe noir

    Une autre arme de ceux qui savent qu'ils ont tort, à part la calomnie, c'est l'insulte. Je n'ai nullement l'intention de vous suivre dans ce domaine. Vous avez été incapable de trouver autre chose que des messages où j'exprime mon point de vue, ce qui a l'air de fort vous irriter. Il est clair que ce que vous vous permettez (faute d'arguments) de liquider d'une expression ridicule (idolatrie bla bla bla) n'est autre que le fait de tenir des propos qui ne vous plaisent pas : qui ne pense pas comme vous se fait insulter. Défendre son point de vue, ne vous en déplaise, n'est pas être idolatre (voir dictionnaire). C'est pas glorieux, je ne peux que le répéter. Je ne lis plus vos messages, faites-en autant.