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Xavier Bertrand sur l'islamisme : "Emmanuel Macron ne mesurait pas à quel point la situation est grave"

Dans une interview au JDD, le président (ex-Les Républicains) des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, accuse Emmanuel Macron d'avoir "perdu deux ans" face à l'islam politique.

Hervé Gattegno etChristine Ollivier , Mis à jour le
Le président des Hauts-de-France Xavier Bertrand dans son bureau à Lille.
Le président des Hauts-de-France Xavier Bertrand dans son bureau à Lille. © Eric Dessons/JDD

Face au danger islamiste, Xavier Bertrand appelle Emmanuel Macron à "changer" et met en garde contre le risque d'affrontements dans la société. Le président (ex-Les Républicains) des Hauts-de-France accuse le locataire de l'Elysée d'avoir "perdu deux ans" dans la lutte contre l'islam politique. Dans un entretien au Journal du Dimanche, il livre plusieurs propositions : modifier la Constitution pour interdire les listes communautaristes ou obliger les agents publics à prêter serment de respecter la laïcité. En voici quelques extraits.

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Lire aussi - Pourquoi Emmanuel Macron tient Xavier Bertrand à l'œil

Que pensez-vous du discours d’Emmanuel Macron après l'attaque de la préfecture de police à Paris ?
C'était un discours fort, nommant clairement "l'hydre islamiste ". Mais ce sont surtout d'actes forts que nous avons besoin. Il faut mettre un coup d'arrêt à la propagation de l'islam politique. Ce qui se joue, c'est la cohésion républicaine. Sur ce sujet, nous avons tous péché par ignorance, naïveté ou lâcheté. C'est un échec collectif. Les provocations des radicaux, les intimidations et les attentats remettent en question notre mode vie. Pour tout cela, ce doit être l'affaire du président de la République.

Faut-il une "société de vigilance", comme Macron le souhaite?
Attention à ce terme. Que cela ne se traduise pas par de la méfiance à l'égard de l'ensemble de nos compatriotes musulmans. C'est à l'Etat de protéger, d'agir et d'être implacable. Il peut mobiliser la société, mais la responsabilité de l'Etat et de son chef ne se délègue pas et ne se partage pas.

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Nous avons perdu deux ans. L'islam politique, lui, a continué à avancer

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Avec cette attaque, une nouvelle étape a-t-elle été franchie?
Le cœur régalien a été atteint. Il y aura un avant et un après. Cela ne suffit plus de dire : "La République doit cesser de reculer." Il faut qu'elle regagne du terrain et qu'elle mène une guerre contre l'islamisme qui gangrène notre pays. J'appelle à une offensive républicaine.

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Que proposez-vous?
Agir sans attendre. Par exemple, nous savons que l'interdiction de la burqa n'est pas respectée partout. Pour qu'elle le soit, pas besoin de nouvelle loi : il faut soutenir les policiers. Et il est invraisemblable que l'Etat ait tant attendu pour interdire la scandaleuse manifestation de ­Gonesse [Val-d'Oise], en soutien à celui qui a tué quatre policiers. C'est tout de suite qu'il fallait le faire!

C'est de la faiblesse?
C'est de la faiblesse et de l'inconscience. Pas besoin non plus de nouvelle loi pour expulser des imams étrangers, prêcheurs de haine. Pourquoi si peu d'expulsions, alors qu'il y a 150 mosquées salafistes en France? Je demande aussi au président de la République d'engager, dès ce mois d'octobre, des procédures d'expulsion pour les inscrits au fichier FSPRT [fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste] qui sont expulsables. Ça représente plusieurs centaines de personnes et permettrait aux forces de police de se concentrer sur les enquêtes les plus importantes. Le gouvernement doit aussi sortir de ses contradictions.

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Nous sommes en guerre contre le terrorisme islamiste, il faut donc un budget de guerre

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Quelles contradictions?
La sécurité et la lutte contre la radicalisation sont des priorités. Mais ce ­gouvernement diminue de 10% le budget de fonctionnement et d'investissement de la police. Nous sommes en guerre contre le terrorisme islamiste, il faut donc un budget de guerre. Par ailleurs, une loi votée en 2017 prévoyait le rétrocriblage, c'est-à-dire la prévention de toute radicalisation d'agents en service dans la fonction publique régalienne. L'instruction ministérielle de mise en œuvre n'a toujours pas été publiée. Le ministre de l'Education, Jean-Michel Blanquer, a dit qu'il était préférable de ne pas être voilée pour accompagner les sorties scolaires. Alors pourquoi le gouvernement s'est-il opposé à l'Assemblée nationale, dans le cadre de la loi sur l'école, à un amendement en ce sens?

Il n'est peut-être pas nécessaire d'inscrire ce principe dans la loi…
Alors on continuera à laisser les radicaux provoquer la République et la saper. Provocation après provocation, intimidation après intimidation, ils gagnent du terrain et des consciences. La loi Avia s'attaque aux contenus haineux sur Internet et les réseaux sociaux. Les plateformes qui montrent comment se radicaliser doivent être visées. Aujourd'hui, Google, Facebook voire Apple se contentent du strict minimum et leurs prétendus efforts contre l'islamisme sont une vaste mascarade. Par exemple, ­Eurofatwa, une application qui tient un discours antisémite inspiré des Frères musulmans et qui montre comment se radicaliser, est toujours référencée sur Apple et disponible sur Google. S'ils refusent d'agir, je suis favorable à une amende qui peut s'élever à plusieurs millions. Si ça ne suffit pas, étudions la possibilité de faire bloquer techniquement ces contenus dans notre pays.

Couper Facebook et Google en France?
Sans aller jusque-là, bloquons les contenus. N'oublions pas qu'avant la mosquée c'est l'imam Google ou YouTube qui conduit à la radicalisation. Nous devons nous protéger. La question se pose aussi dans les entreprises. Certaines ont mis en place une charte de la laïcité. La loi doit leur donner une légitimité, au même titre qu'un règlement intérieur d'entreprise. Enfin, il faudra compléter la Constitution pour contrer l'islam politique qui veut tester et affaiblir la République, notamment à l'occasion des élections.

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On n'a pas le droit de confondre les islamistes et l'ensemble des musulmans

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Vous avez proposé d'interdire les listes communautaristes…
Oui, car ces listes veulent placer les lois religieuses au-dessus des lois de la République, en faisant pression sur les municipalités. C'est possible avec nos lois actuelles. Quand j'ai fait cette proposition, M. Castaner a répondu : "Le droit ne le permet pas." Mais un responsable politique est là pour agir, pour modifier le droit s'il le faut, sinon il ne sert à rien et il s'en va. S'il le faut, ­complétons l'article 4 de la Constitution sur les partis politiques, pour préciser qu'ils doivent respecter, aussi, le principe de laïcité. Détaillons dans la Constitution ce qui a trait à la laïcité, notamment l'égalité femmes-hommes. Exigeons des agents de la fonction publique de souveraineté de prêter serment. Manquer à la laïcité deviendra immédiatement un motif de révocation. Si le Président veut mobiliser la nation, alors ces modifications devraient être soumises aux Français par référendum.

Que faire face au port du burkini?
Président de région, j'ai pris mes responsabilités : un aquaclub s'était vu imposer par le défenseur des droits d'accepter le burkini. Cela contrevenait à la charte de la laïcité de la Région. Il est revenu sur sa décision. Nous devons être intransigeant sur la laïcité avec les subventions publiques. Ma région a suspendu la subvention à la radio Pastel FM car ses programmes étaient confessionnels avec comme invité Tariq Ramadan .

La "société de vigilance" ne désigne-t-elle pas comme suspects tous les musulmans?
On n'a pas le droit de confondre les islamistes et l'ensemble des musulmans. Je m'opposerai fermement à tout amalgame de ce type. Et rappelons aussi que la France n'est pas islamophobe. Nos ennemis, c'est l'islam politique, la radicalisation et le terrorisme. Une laïcité forte protège chacun dans l'exercice de sa liberté de conscience. Quant aux signalements auxquels fait allusion le Président, 70.000 ont été faits aux autorités ces trois dernières années pour de supposés cas de radicalisation. Quelles suites ont été données? Bien souvent le problème est là. L'islam politique est un danger majeur qui remet en cause les fondements de notre société. Mais cela n'a clairement pas été la priorité d'Emmanuel Macron jusque-là, parce que ce n'est pas sa grille de lecture de la société. Nous avons perdu deux ans. L'islam politique, lui, a continué à avancer.

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Emmanuel Macron est plutôt libéral, moi, je suis fermement républicain

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Quelle est sa "grille de lecture"?
Concernant la place de la religion dans la société, un responsable politique est plutôt libéral ou plutôt républicain. Emmanuel Macron est plutôt libéral, moi, je suis fermement républicain. L'islam doit s'adapter à la France, pas le contraire. Au fond, jusqu'à cette semaine, il ne mesurait pas à quel point la situation est grave et que les intégristes ont une stratégie claire : provoquer une guerre des civilisations. On est en guerre, monsieur le Président. Alors il faut changer. N'oublions pas, aussi, de tarir la source de recrutement. Rien ne peut excuser qu'on prenne les armes contre ses compatriotes. Rien. Comme Manuel Valls, je refuse le principe d'excuse sociale. Mais dans trop de quartiers il est facile pour les radicaux de recruter. Nous devons sortir nos concitoyens de la misère et de la colère. Cela passe par le retour de l'autorité, des services publics, de l'emploi, de la République sous toutes ses formes.

Comment faut-il, selon vous, réorganiser l'islam de France?
L'urgence, c'est d'interdire les financements étrangers pour les mosquées, et que tout passe désormais par la Fondation de l'islam et pas par des pseudo-instituts de formation. Emmanuel Macron doit remettre à plat notre relation avec l'Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie. Quand on est partenaire de la France, on ne soutient pas les ennemis de la République française.

Qu'avez-vous pensé du débat sur l'immigration?
Déjà, faisons bien attention à éviter tout amalgame avec vos questions précédentes. Un débat pour quoi faire? Cela fait deux ans et demi qu'ils sont au pouvoir! Assez parlé, qu'ils prennent des décisions. Que font-ils sur le droit d'asile, trop souvent détourné de son objet? Sur la définition de quotas, le dernier décret pour définir nos besoins sur l'immigration professionnelle a été signé en 2008, lorsque j'étais ministre du Travail. Et qu'attend-on pour confier toutes les frontières de l'espace Schengen à Frontex, avec des gardes-frontières européens efficaces?

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Un ministre de l'Intérieur doit rassurer les Français. Incontestablement, ce n'est pas le cas de M. Castaner

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Comment rendre effectives les reconduites à la frontière?
Les obligations de quitter le territoire français (OQTF) ne sont pas appliquées parce que les laissez-­passer consulaires ne sont pas accordés. Un spécialiste me confiait qu'en 2017 même pas 8% des Maliens expulsables étaient repartis. Or le Mali est un pays soutenu économiquement et militairement par la France. Emmanuel Macron doit dire à ses homologues : "Si vous n'établissez pas les laissez-passer consulaires, il n'y aura plus aucun visa d'entrée pour aucun de vos ressortissants, ni même d'aide." Vous allez voir que les choses vont changer aussitôt.

Y a-t-il un problème Castaner?
Un ministre de l'Intérieur doit rassurer les Français. Incontestablement, ce n'est pas le cas de M. Castaner. Au Président d'en tirer les conséquences au risque de se fâcher avec ses amis.

Gérard Collomb, qui s'était inquiété d'un "face-à-face" dans la société en quittant le ministère, était-il meilleur?
J'aurais aimé qu'il prenne des mesures pour éviter ce face-à-face. Un ministre n'est pas un commentateur. Un jour, des gens ne supporteront plus de baisser la tête en rentrant chez eux. Les affrontements sont programmés si on n'agit pas de façon très ferme et résolue.

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