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Le Moulin-Rouge a 130 ans : ça c'est Paris

Catherine Schwaab , Mis à jour le

Le Moulin-Rouge fête 130 ans de nuits blanches. 60 girls y attirent le monde entier. Découvrez les coulisses de ce monument parisien. 

Alerte rouge place Blanche ! Trente-trois danseuses du plus célèbre des cabarets mettent le feu au pavé pour Paris Match, le 25 septembre.
Alerte rouge place Blanche ! Trente-trois danseuses du plus célèbre des cabarets mettent le feu au pavé pour Paris Match, le 25 septembre. © Vlada Krassilnikova / Paris Match
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Faux cils et body très précieux : Claudine (à g.) et Cara sont aux commandes du numéro « Number Girls ».
Faux cils et body très précieux : Claudine (à g.) et Cara sont aux commandes du numéro « Number Girls ». © Vlada Krassilnikova / Paris Match
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Axelle et Nicolas, deux solistes de french cancan, en pleine conversation
Axelle et Nicolas, deux solistes de french cancan, en pleine conversation © Vlada Krassilnikova / Paris Match
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Entre deux tableaux, c’est détente pour Claudine et Megane.
Entre deux tableaux, c’est détente pour Claudine et Megane. © Vlada Krassilnikova / Paris Match
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Sous les diamants, des corps en or : Martine, Courtney et Mathilde dans les loges.
Sous les diamants, des corps en or : Martine, Courtney et Mathilde dans les loges. © Vlada Krassilnikova / Paris Match
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Souple jusqu’au bout des griffes : le numéro de La Tigresse est aujourd’hui interprété par une danseuse ayant succédé à Vlada.
Souple jusqu’au bout des griffes : le numéro de La Tigresse est aujourd’hui interprété par une danseuse ayant succédé à Vlada. © Vlada Krassilnikova / Paris Match
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Un guide de charme pour les coulisses : Vlada, notre photographe, ancienne danseuse soliste de la troupe.
Un guide de charme pour les coulisses : Vlada, notre photographe, ancienne danseuse soliste de la troupe. © Vlada Krassilnikova / Paris Match
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De g. à dr. : Rhylee (australienne), Martine (norvégienne), Jesse (australienne), Claudine (irlandaise), Isabelle (irlandaise) et Courtney (australienne). Costumes et paires de chaussures sont chaque année confectionnés sur mesure.
De g. à dr. : Rhylee (australienne), Martine (norvégienne), Jesse (australienne), Claudine (irlandaise), Isabelle (irlandaise) et Courtney (australienne). Costumes et paires de chaussures sont chaque année confectionnés sur mesure. © Vlada Krassilnikova / Paris Match
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Alerte rouge place Blanche ! Trente-trois danseuses du plus célèbre des cabarets mettent le feu au pavé pour Paris Match, le 25 septembre.
Alerte rouge place Blanche ! Trente-trois danseuses du plus célèbre des cabarets mettent le feu au pavé pour Paris Match, le 25 septembre. © Vlada Krassilnikova / Paris Match
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Faux cils et body très précieux : Claudine (à g.) et Cara sont aux commandes du numéro « Number Girls ».
Faux cils et body très précieux : Claudine (à g.) et Cara sont aux commandes du numéro « Number Girls ». © Vlada Krassilnikova / Paris Match
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Axelle et Nicolas, deux solistes de french cancan, en pleine conversation
Axelle et Nicolas, deux solistes de french cancan, en pleine conversation © Vlada Krassilnikova / Paris Match
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Entre deux tableaux, c’est détente pour Claudine et Megane.
Entre deux tableaux, c’est détente pour Claudine et Megane. © Vlada Krassilnikova / Paris Match
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Sous les diamants, des corps en or : Martine, Courtney et Mathilde dans les loges.
Sous les diamants, des corps en or : Martine, Courtney et Mathilde dans les loges. © Vlada Krassilnikova / Paris Match
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Souple jusqu’au bout des griffes : le numéro de La Tigresse est aujourd’hui interprété par une danseuse ayant succédé à Vlada.
Souple jusqu’au bout des griffes : le numéro de La Tigresse est aujourd’hui interprété par une danseuse ayant succédé à Vlada. © Vlada Krassilnikova / Paris Match
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Un guide de charme pour les coulisses : Vlada, notre photographe, ancienne danseuse soliste de la troupe.
Un guide de charme pour les coulisses : Vlada, notre photographe, ancienne danseuse soliste de la troupe. © Vlada Krassilnikova / Paris Match
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De g. à dr. : Rhylee (australienne), Martine (norvégienne), Jesse (australienne), Claudine (irlandaise), Isabelle (irlandaise) et Courtney (australienne). Costumes et paires de chaussures sont chaque année confectionnés sur mesure.
De g. à dr. : Rhylee (australienne), Martine (norvégienne), Jesse (australienne), Claudine (irlandaise), Isabelle (irlandaise) et Courtney (australienne). Costumes et paires de chaussures sont chaque année confectionnés sur mesure. © Vlada Krassilnikova / Paris Match
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Place Blanche, en plein après-midi, les touristes n’en croient pas leurs yeux : sortant du Moulin-Rouge, un bataillon de géantes presque nues, coiffées d’immenses plumes rouges, envahit le pavé. Des barrières de métal bloquent l’espace, l’échafaudage Paris Match est en place, la photographe aussi. « On a dix minutes. » Dix minutes généreusement offertes par la mairie pour bloquer la circulation. Elles sont 33 filles en faux cils, string de pierreries et talons. Concentrées, silencieuses tandis qu’autour d’elles le public applaudit, s’extasie, photographie avec des cris de joie. C’est là qu’on saisit la discipline militaire du « Moulin ». Sue et Joe, deux anciennes danseuses de la maison, en tenue de baroudeuse, rythment les poses. Alignement impeccable, figures synchronisées, mouvement calibré, trois, quatre « tableaux »… c’est dans la boîte ! Les petites fesses font demi-tour et rentrent au Moulin dans un chatoiement de plumes. Circulez ! Les vigiles rangent les barrières et la foule, le nez dans le portable, se persuade que, non, on n’a pas rêvé. Pour mettre au point les poses, elles n’ont eu que dix minutes en salle de répétition au sous-sol », explique Vlada Krassilnikova, notre photographe, qui fut aussi une danseuse soliste au Moulin pendant dix ans.

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Au total, elles sont soixante girls. Soixante « plus belles femmes de Paris ». Donc du monde. Et c’est vrai. Qu’elles soient grimées et parées pour la scène ou qu’on les croise en coulisses, en jean et sans maquillage, ces filles ont une allure. Un port de tête, une vivacité gestuelle, un sourire spontané. Quelque chose de la Parisienne fantasmée. Ça n’est pas un hasard. Depuis plus de soixante ans (voire depuis 1889, naissance du lieu), la fille du Moulin-Rouge, ça n’est pas celle du Paradis latin, ni celle du Crazy Horse. Elle obéit à une charte à la fois précise et intuitive. C’est une image intemporelle, entre féminité distante, sex-appeal sophistiqué et pulsion joyeuse.

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« On ne veut pas des clones, insiste Jean-Luc Péhau-Sorensen, directeur de la communication depuis vingt ans. On veut des personnalités différentes, mais qui s’inscrivent harmonieusement dans la troupe. Et, le plus important, on veut un sourire rayonnant et naturel. Cela, c’est essentiel. » Il oublie les seins, naturels eux aussi, autre condition. Bon, on peut accepter une poitrine artificiellement réduite, mais pas question d’arborer des « boules » qui se voient immédiatement sous les lumières. Toutes ne dansent pas topless. Seulement la moitié. C’est comme elles veulent et, surtout, selon leur morphologie. Il y a des grandes, de 1,85 mètre, et des moyennes, de 1,75 mètre. On distribue les costumes en fonction des corps. Par exemple, les lionnes pour les grandes, les clowns pour les moyennes. Toutes doivent respecter une norme physique fondée sur leurs mensurations, leur photo et leur poids, avec le droit d’osciller de 2 kilos au-dessus ou en dessous, pas plus. Surprise… ces dernières années, ce sont les trop maigres qu’il faut recadrer !

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Au début du XXe siècle, derrière la salle de bal, le jardin du Moulin-Rouge où trône un immense éléphant. A l’intérieur, les loges des danseuses et, pour 1 franc, un spectacle de danse du ventre.
Au début du XXe siècle, derrière la salle de bal, le jardin du Moulin-Rouge où trône un immense éléphant. A l’intérieur, les loges des danseuses et, pour 1 franc, un spectacle de danse du ventre. © DR

Quand le rideau se lève, même les plus blasés sont subjugués : un scintillement rose fuchsia vous emporte dans un tourbillon de courbes, de jambes et de chansons. En français, attention ! Les mélodies se célèbrent à 98 % dans la langue de Mistinguett, cela aussi fait partie des obligations. Pas question de coller à la tendance anglo-saxonne, même si la moitié du public est étranger. Le Moulin-Rouge n’a pas à s’adapter. Juste respecter les codes du music-hall.  En clair : plumes et paillettes, chorégraphie de cabaret – signée Bill Goodson sur une revue intitulée « Féerie » depuis 1999 – et lignes mélodiques mémorisables. « Et pas de message sociologique, c’est du divertissement pur ! » Non, ni #MeToo ni #BalanceTonPorc ne vont infléchir les ballets ! D’ailleurs, ces messieurs sont en minorité : un tiers de danseurs. Pas mécontents ; certains tombent amoureux de leur partenaire. A force, on les comprend. L’affaire se corse quand la partenaire change. Certains succombent à la tentation et, forcément, ça jette un froid dans la chaleureuse ambiance familiale. Contrairement à ce qu’on imagine, les filles du Moulin-Rouge n’épousent pas forcément des milliardaires. De toute façon, une fois « en civil », ceux-ci ne les reconnaissent même pas. « Et on n’aime pas dire où on travaille, nous confient-elles. Ça intimide les garçons ! » Horaires obligent, elles se mettent en ménage avec un des serveurs ou un des maîtres d’hôtel. Elles ont le choix : ils sont cent vingt, tous impeccables, triés sur le volet. Discipline à tous les étages. Et ambition. Que l’on soit danseuse, technicien ou serveur, au Moulin, on peut progresser.

En vidéo : les coulisses d'une photo exceptionnelle

Il y a mille costumes, une douzaine par artiste, chacun fait main et sur mesure…

Mais il faut le souligner : les filles envieuses ne font pas de croche-pattes. Elles ont entre 18 ans et la trentaine, cela crée une alchimie positive. Les plus âgées, celles qui ont dix, douze ans de maison, comme Audrey, Esméralda ou Amy, ont un ou deux enfants, un compagnon, une routine fondée sur l’entretien du corps. Peu ou pas d’alcool, un sommeil fractionné : nuit courte et sieste l’après-midi. Ce sont elles qui réconfortent les plus jeunes. Ou les recadrent. La plupart n’arrivent pas à aller se coucher à 2 heures du matin, quand l’adrénaline, galvanisée par les deux spectacles, est encore au top. Alors on va guincher, dîner, se lâcher un peu, parfois jusqu’à 6 heures du matin… Mais Audrey, maman d’un petit garçon de 5 ans et demi, veille. Elle est la « capitaine » de quatorze danseuses. Et balise, aussi bien sur scène que dans les loges. « Quand je repère une faiblesse dans les enchaînements, je fais répéter entre les deux spectacles. » Oui, entre le premier show de 21 heures et celui de 23 heures, les filles ne se reposent pas. Elles continuent l’échauffement, recalent un duo, leur coiffe ou leur harnais de 12 kilos… et quand il a une défaillance, elles courent à la réparation : trois couturières qui savent tout faire sont à disposition de 16 à 23 heures.

1954, Line Renaud (en noir) est à l’affiche du célèbre cabaret.
1954, Line Renaud (en noir) est à l’affiche du célèbre cabaret. © DR

Il y a mille costumes, une douzaine par artiste, chacun fait main et sur mesure… Avec les accessoires, le budget est colossal. Et pourtant, au fil des ans, les matières ont changé. Et pas toujours pour le meilleur. Marie, directrice des costumes, se désole. Ses émissaires parcourent les marchés pour trouver des matières premières qui tiennent la route. Et elles sont à la peine. Si les harnais sont un peu plus légers, la fibre de carbone n’a aucune résistance, la mousseline actuelle se déchire, les paillettes et les brillants se délavent au pressing. Heureusement qu’il y a Swarovski. « Swarovski, c’est la qualité ! » Cri du cœur de toutes ces dames qui cousent les strass un à un. D’ailleurs, vu le prestige – et le chèque – de ce gros client, la maison autrichienne vient sur place présenter ses collections et, selon les besoins, les modifie ou les complète.

5. 1970, dans la salle, Ludmila Tcherina, Salvador Dali et Amanda Lear.
5. 1970, dans la salle, Ludmila Tcherina, Salvador Dali et Amanda Lear. © DR

Comme Chanel, la famille Clerico – propriétaire du Moulin-Rouge – a décidé que, pour protéger la qualité de son show, il fallait engager de gros moyens. Deux maisons, des joyaux de notre savoir-faire, ont été rachetées : le chausseur-bottier Clairvoy, situé à cinq minutes à pied, rue Fontaine, et le plumassier Maison Février, nerf du spectacle avec ses boas en autruche, ses longues plumes de faisan et ses coiffes en plumes de coq dont le fameux « rouge Moulin-Rouge », exclusif. « On n’a pas le droit de le vendre à nos autres clients ! » Maxime Leroy connaît tout de la plume. Il a travaillé chez les plus grands créateurs, de Jean Paul Gaultier à Vuitton. Savez-vous qu’il faut six étapes pour torsader un boa ? Que certaines plumes doivent être matifiées pour bien accrocher la lumière ? Et que le Moulin-Rouge a abandonné les dispositifs électroniques pour revenir à l’humain, au traditionnel « poursuiteur lumière » ? Le progrès, dans ce légendaire cabaret, Editte Février, la patronne, n’y croit qu’à moitié… Elle adore les animaux mais s’arrache les cheveux : à cause de la protection des espèces, la convention de Washington interdit désormais certaines plumes, comme l’aigrette ou le nandou. Ah, les écolos ! Marie grince aussi des dents quand elle découvre que tel maquillage corps salit désormais les costumes parce qu’un fixateur a été interdit, ou que telles paillettes perdent leur éclat, dépouillées de leur ancien vernis. Sans parler des allergies de ces demoiselles. Il faut recouvrir jusqu’aux crochets des jupes. « Nos filles, on les bichonne… »

Elles le valent bien. Pour accéder au Moulin, elles ont passé des castings impitoyables. Fanny Rabasse, attachée de presse depuis vingt-quatre ans : « A l’étranger ou à Paris, il y a jusqu’à 120 candidates par audition ! » Moins de filles de l’Est, car il paraît que le niveau de formation a baissé. « Une majorité d’Américaines, d’Anglaises, d’Australiennes, et des Françaises, toutes formées à la danse classique, c’est une condition. » Le soir de notre venue, un mardi, le cabaret affichait complet à 95 %. Pour autant, les directeurs de l’établissement ne s’endorment pas sur le seau à champagne. Ils sillonnent, infatigables, les autres cabarets de Paris, Las Vegas, Londres, Berlin… A 150 ou 250 euros la soirée, nulle capitale ne sait offrir ce rêve. La menace n’est pas tant la concurrence que le contexte. Il se chuchote que, depuis « l’affaire des gilets jaunes », Paris manque de touristes. 

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