CHRONIQUE «LE FIL VERT»

Abidjan : «A cause du changement climatique, l’intensité et la durée des pluies ont changé»

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Face au changement climatique, le ministre-gouverneur de la capitale économique ivoirienne, Robert Beugré Mambé, détaille comment sa ville se prépare au bouleversement des pluies.
par Aude Massiot
publié le 15 octobre 2019 à 7h04

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Aujourd’hui, rencontre avec un acteur de la transition écologique pour décrypter les enjeux environnementaux.

Avec plus de 4 millions d'habitants et une superficie de 2 200 kilomètres carrés pour son district, Abidjan, capitale économique de la Côte d'Ivoire et carrefour de l'Afrique de l'Ouest, fait face à différentes conséquences du dérèglement du climat. Rencontré à Copenhague, lors du sommet des villes du C40, le ministre-gouverneur d'Abidjan, Robert Beugré Mambé, explique les mesures mises en place par les autorités pour s'adapter.

Comment ressentez-vous les effets du changement climatique dans votre ville ?

Notre pluviométrie est habituellement d’environ 2 000 millimètres d’eau par an. Depuis un moment, les ouvrages que nous avons dimensionnés pour évacuer les pluies subissent le changement climatique. Par exemple, ceux dimensionnés pour absorber des fortes pluies qui tombent normalement tous les deux ou trois ans doivent maintenant y faire face tous les ans. A cause du changement climatique, l’intensité et la durée de ces précipitations ont aussi changé. Avant, elles duraient une heure à une heure et demie. Maintenant, elles persistent plusieurs jours. Les inondations deviennent plus fréquentes. A Abidjan, nous avons 25% de la population qui vivent dans des quartiers inadaptés à l’occupation humaine. Ce sont des quartiers d’habitat précaire. Grâce à des financements de l’Agence française de développement, nous allons les rénover ou les déplacer s’ils sont sur des zones inondables ou à très forte pente.

Abidjan étant située sur la côte, êtes-vous affectés par la montée du niveau des océans ?

Nos mesures montrent que la hausse n’est pas conséquente. Par contre, l’érosion côtière est très forte parce que les vagues le long de la ville mesurent entre 1 mètre à 1,5 mètre. Elles balayent le littoral et le rongent à une vitesse qui commence à nous inquiéter. Le gouvernement cherche des financements pour protéger le littoral. Quand l’économie était florissante, on anticipait beaucoup plus et on construisait tous les équipements nécessaires avant que les habitants ne s’installent sur un terrain. Après la crise des matières premières, il y a cinq ans, et celle militaro-politique de 2010-2011, notre capacité d’anticipation a reculé. Depuis, on se rattrape et on enregistre une croissance économique de 8% en moyenne.

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La qualité de l’air est-elle problématique à Abidjan ?

Oui. Heureusement, la ville de Nice nous a équipés d’appareils de mesure de la pollution aérienne et des nuisances sonores dans de nombreux points de la ville. Cela nous soulage énormément. Le gouvernement a aussi décidé de limiter l’âge maximum des véhicules usagés importés dans le pays. Avant, il suffisait qu’ils roulent pour qu’ils soient autorisés. La limite est maintenant de cinq ans d’ancienneté. Le gouvernement a aussi décidé de développer le volume de transport collectif. Nous sommes un des seuls pays en Afrique à bénéficier d’une société de transports publics, calquée sur le fonctionnement de la RATP en Ile-de-France. Elle possède 800 bus et vise les 2 000. Nous avons aussi lancé la construction d’un métro, dont le président Macron est venu poser la première pierre fin 2017. Troisième volet de notre politique : le développement des déplacements sur la lagune. Actuellement, plus de 80 000 passagers sur les voies lagunaires. On évalue aussi la possibilité de construire des tramways, et notre rêve : installer un téléphérique.

Les pays les plus pollueurs vous aident-ils assez financièrement à faire face au dérèglement climatique ?

Je ne peux pas dire oui. Mais des Etats, qui ne sont pas parmi les plus émetteurs de CO2, comme la France, nous aident. Récemment, le Japon a accepté de financer en partie la construction de grands carrefours pour désengorger le trafic routier dans la ville. D'autres pays nous aident à travers des partenariats public-privé. On a des amis fidèles comme la Banque mondiale, la Caisse française de développement, l'Agence japonaise de coopération et quelques acteurs chinois. Nous avons toujours besoin d'investissements. L'avenir de l'Europe se trouve en Afrique. Ces investissements permettent aux Ivoiriens de garder des emplois et de rester dans le pays.

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