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Attentat raté de Notre-Dame : 30 ans de prison pour la djihadiste Inès Madani

La cour d'assises spéciale de Paris a rendu son verdict lundi dans le procès de l'attentat raté de Notre-Dame. Les deux principales suspectes, Ornella Gilligmann et Inès Madani, ont été condamnées respectivement à 25 ans et 30 ans de prison. Voici ce qu'il faut retenir de ce procès.

Rédaction JDD , Mis à jour le
L'appartement d'Amel Sakaou a servi de refuge à Inès Madani et Sarah Hervouët.
L'appartement d'Amel Sakaou a servi de refuge à Inès Madani et Sarah Hervouët. © Sipa

Le verdict de la cour d'assises spéciale de Paris est tombé lundi dans la soirée pour huit personnes dans l'affaire de l'attentat raté de Notre-Dame. Depuis le 23 septembre, cinq femmes étaient jugées pour leur participation à un projet d'attentat à la voiture piégée en 2016. Une affaire symbolique du rôle actif des femmes dans la mouvance djihadiste. Le parquet a requis des peines allant de quatre ans de prison à la perpétuité. Les avocats généraux ont décrit les accusées comme "le visage du djihad au féminin" et le "bras armé" en France du groupe Etat islamique.

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Des peines allant jusqu'à 30 ans de réclusion

Après plus de dix heures de délibéré, la cour d'assises spéciale a condamné les deux principales accusées - Ornella Gilligmann, 42 ans, et Inès Madani, 22 ans - à respectivement 25 ans et 30 ans de réclusion criminelle. Aucune période de sûreté n'a été spécifiée. "Cette peine est excessivement sévère", a commenté l'avocat d'Ornella Gilligmann, Me Laurent Pasquet-Marinacce, pour qui la question d'un appel se pose "évidemment".

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Deux autres femmes, Amel Sakaou et Sarah Hervouët, ont été condamnées à 20 ans de prison chacune et une troisième, Samia Chalel, à cinq ans de réclusion dont un avec sursis. Enfin, deux suspects, Mohamed Lamine Aberouz et Selima Aboudi, étaient jugés pour non-dénonciation de crimes terroristes. Ils écopent respectivement de trois ans et trois ans avec sursis. Inès Madani avait confié à cette dernière qu'elle voulait "tout faire péter". Enfin, le dernier protagoniste de l'affaire, Rachid Kassim, a été condamné à la perpétuité, par défaut car il serait mort en Irak en 2017. Il est accusé d'être l'instigateur des projets d'attentat depuis la Syrie.

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Les faits

Dans la nuit du 3 au 4 septembre 2016, Inès Madani et Ornella Gilligmann tentent de faire exploser une voiture remplie de six bonbonnes de gaz dans la rue de la Bûcherie, située près de la cathédrale de Notre-Dame-de-Paris. Le carburant ne s'enflamme pas, l'attentat échoue. Les enquêteurs remontent la piste des deux femmes grâce à leurs empreintes digitales. Ornella Gilligmann est arrêtée sur une aire d'autoroute avec son mari et ses enfants, en fuite.

Inès Madani trouve refuge dans l'Essonne, dans l'appartement d'une complice Amel Sakaou, guidée par Samia Chalel et Rachid Kassim à distance. Sarah Hervouët les rejoint, sous l'influence, elle aussi, de Rachid Kassim. Ensemble, elles souhaitent préparer une nouvelle attaque.

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Le 8 septembre, apprenant la présence de patrouilles de police à proximité, les trois femmes quittent l'appartement armées de couteaux de cuisine. Sarah Hervouët blesse au cou un policier en civil de la DGSI. Inès Madani est quant à elle blessée aux jambes. Elle aurait crié "tuez-moi!", souhaitant mourir en martyr.

L'ombre de Rachid Kassim

Derrière le projet d'attentat raté et ce réseau de femmes, plane l'ombre d'un homme : Rachid Kassim, propagandiste et recruteur de l'Etat islamique originaire de Roanne. Connu dans le milieu du djihadisme international, il est considéré comme l'instigateur de plusieurs attaques terroristes, dont le meurtre du prêtre Jacques Hamel, à Saint-Etienne-du-Rouvray. Présumé mort en Irak, il est jugé par défaut.

C'est lui qui aurait donné les consignes pour cet attentat à Inès Madani et Ornella Gilligmann. Et c'est encore lui qui aurait conseillé Inès Madani dans sa recherche de point de chute après l'échec de l'attentat. Lors du procès, l'avocat du policier blessé a affirmé que l'homme était "la courroie de transmission entre ce petit monde et l'Etat islamique à Raqqa" en Syrie. Contre lui, le procureur a requis la perpétuité.

Des versions contradictoires

Tout au long du procès, les versions d'Inès Madani et d'Ornella Gilligmann ont divergé, chacune rejetant sur l'autre la responsabilité des opérations. Les deux femmes s'étaient rencontrées sur Internet trois mois avant l'attaque, Inès Madani se faisait alors passer pour un homme djihadiste , Abou Junayd. Sous le charme, Ornella Gilligmann, mère de trois enfants, divorce religieusement de son mari d'alors et se lance dans cette histoire à distance.

A la barre, la jeune femme a raconté qu'elle s'était rendue à Paris pour consommer cette union et qu'elle y avait rencontré Inès, présentée comme la soeur du djihadiste. C'est "Abou" qui lui aurait demandé d'acheter des bonbonnes de gaz.

Se sentant piégée, Ornella Gilligmann aurait fait échouer délibérément l'attentat, a assuré son avocat pour sa défense. Ses proches ont abondé, la décrivant comme une personne fragile, manipulable et avec des connaissances suffisantes en mécanique pour ne pas se tromper de carburant. Ornella Gillgman a, elle, toujours nié son appartenance à l'Etat islamique. Pourtant dès 2014, elle avait essayé de se rendre en Syrie.

Les avocats généraux ont requis 25 ans de réclusion pour cette mère de famille assorti d’une période de sûreté de deux-tiers. "Je demande pardon et je demanderai pardon toute ma vie à tous ceux qui ont été victimes du terrorisme", a-t-elle déclaré lors de ses derniers mots avant la délibération des juges.

La dérive djihadiste d'Inès Madani

A l'autre bout du banc des accusés, Inès Madani a toujours soutenu qu'Ornella Gilligmann était à la tête des opérations. Pourtant, c'est elle que les procureurs ont désigné comme cerveau du projet. C’est elle qui est ciblée par la réquisition la plus lourde : 30 ans assorti d’une période de sureté des deux-tiers. Elle a déjà été condamnée en avril à huit ans de prison pour avoir incité des individus à rejoindre la Syrie et à commettre des attaques en France et en Belgique entre mars 2015 et juin 2016.

Si Inès Madani a toujours reconnu les faits, son avocat avait justifié sa dérive radicale par une suite d’événements tragiques : mal-être, décès de sa grand-mère, agressions sexuelles et mauvaises fréquentations. La création du personnage "Abou Junayd" était pour elle un moyen d'avoir avant tout "un contact humain". "J’avais des projets de mort à l’époque ; aujourd’hui j’ai des projets de vie", s’est justifiée l’accusé lundi lors de la dernière matinée du procès. Avant d’exprimer de la honte et "beaucoup de regrets".

Des profils atypiques

Outre ces deux protagonistes de l'affaire, trois autres femmes étaient également jugées pour leur implication dans ce réseau.

Sarah Hervouët tout d'abord, auteure des coups de couteaux qui ont blessé un policier, le 8 septembre 2016. Jeune femme radicalisée, elle avait tenté de rejoindre la Syrie en mars 2015. Cette habitante du Var s'était voilée intégralement et avait tenté à de nombreuses reprises de se marier avec des djihadistes tels que comme Larossi Abballa , auteur du meurtre d'un policier et de sa femme à Magnanville ou encore Mohamed Lamine Aberouz, jugé dans cette affaire et mis en examen pour complicité dans le double assassinat de Magnanville. 20 ans de prison ont été requis contre la jeune femme, qui a indiqué "accepter sa condamnation et sa peine."

La logeuse, Amel Sakaou, n'a pas souhaité se défendre ni assister au procès. Elle a été décrite comme fortement radicalisée par l'administration pénitentiaire, mais a toujours nié avoir accueilli les deux jeunes femmes sur demande de Rachid Kassim. Elle a également nié avoir ordonné à Sarah Hervouët de s'attaquer au policier. Si les avocats généraux ont réclamé une peine de 20 ans, Amel Sakaou encourt la réclusion criminelle à perpétuité.

Enfin, dernier membre du "commando", Samia Chalel. En lien avec Rachid Kassim et Inès Madani, elle aurait permis à cette dernière de trouver un point de chute après l'attentat raté. Le parquet a requis 10 ans de réclusion contre la jeune femme. Durant le procès, elle a reconnu "une fascination pour les djihadistes" indiquant, elle aussi, être tombée sous le charme d'Abou Junayd, l'avatar d'Inès Madani sur internet. "Je voulais juste faire l'intéressante" a ajouté l'accusée. Lundi, elle a reconnu les faits et "accepté sa condamnation".

 

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