Entretien avec les critiques Noël Herpe et Michel Ciment, à l'occasion de la rétrospective consacrée au cinéaste André Cayatte au "Film Festival Lumière" à Lyon
- Noël Herpe Écrivain, cinéaste et historien du cinéma
- Michel Ciment Critique de cinéma, écrivain, producteur de radio
Mercredi-ciné
Longtemps honni par les cinéastes et critiques de la Nouvelle Vague, André Cayatte (1909-1989), a droit à un hommage au Film Festival Lumière 2019 de Lyon. L’auteur des Amants de Vérone (1949) , de Mourir d'aimer (1971), du Passage du Rhin (Lion d’or à Venise en 1960), de Justice est faite (Ours d’or à Berlin, en 1951) ou encore de Nous sommes tous des assassins (prix spécial du jury à Cannes, en 1952), critiqué pour ses “films à thèse” est le premier cinéaste français à avoir ausculté les mécanismes de la justice de son pays. A l’occasion d'une rétrospective à Lyon du 12 au 20 octobre et de la sortie en DVD de ses films les plus emblématiques, Tewfik Hakem s’entretient avec les critiques Noel Herpe et Michel Ciment, fervents défenseurs du cinéma d’André Cayatte.
Michel Ciment
Cayatte avait d'excellentes critiques - ayant eu deux fois le Lion d'Or au Festival de Venise - la critique française savait apprécier ses films, mais il est vrai qu'il a fait partie de ces cinéastes déboulonnés par Les Cahiers du Cinéma au nom d'une prise de pouvoir future de la Nouvelle Vague, comme René Clément, René Clair, Henri-Georges Clouzot, de grands cinéastes qui ont été néanmoins démolis.
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Noël Herpe
Il faut voir qu'il y avait un côté idéologique dans tout ça, Cayatte était un représentant de la gauche engagée, faisait des films de témoignages, des films sociaux, des films à thèse a t-on dit - une étiquette qu'il réfutait. Il est certain que Truffaut qui, à l'époque, était de droite, dans une vision élitiste et formaliste du cinéma, plutôt esthète, ne pouvait que rejeter ce cinéma-là.
Cayatte est un homme engagé, et il le montre dans ses films d'après-guerre en revenant sur cette période, en parlant de l'antisémitisme, en mettant en scène des personnages de retour des camps. Qui a cette époque-là parlait de l'antisémitisme dans son cinéma ? Personne.
"Cayatte a le courage de revenir à brûle-pourpoint dix ans après sur ces années terribles, de sortir les cadavres du placard et de remettre tout sur la table"
Il y a une chose qui m'a touché chez Cayatte, depuis ce temps où j'ai vu ses films, c'est qu'il a un sens du récit extraordinaire, c'est un grand auteur de mélodrames qui sait tenir en haleine son spectateur, qui déploie la scène judiciaire comme une scène de mélo à l'intérieur du cinéma des années 50, comme une scène où tout d'un coup, une société en perte de repères refait lien à travers le récit, le grand récit mélodramatique.
Michel Ciment
Le cinéma de Cayatte reste du bon cinéma, il n'est en rien manichéen, il implique le spectateur, le titre n'est pas pour rien : "Nous sommes tous des assassins". Cayatte interroge le spectateur, lui demande de se mettre à la place du personnage, de voir ce qu'il ferait lui. C'est déjà un questionnement, c'est rare à l'époque. Ensuite, lorsqu'on voit qu'un nouveau sondage dit que 57% des Français sont pour la peine de mort, Cayatte lui, était contre la peine de mort - ce sont donc des sujets qui sont extrêmement passionnants, et d'autre part, c'était un très bon directeur d'acteurs. Il y a des performances d'acteurs remarquables dans ses films.
Le rôle de Positif qui a consacré ce mois-ci dix pages au cinéma de Cayatte, ce n'est pas d'être dans un manichéisme critique, c'est de donner la parole à la vraie critique. Il faut en finir avec ces guerres de religions insensées et qui ont beaucoup nui à de grands artistes.
Programmation musicale
Bande annonce du film Mourir d’aimer réalisé par André Cayatte, en 1971 .
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Tino Rossi, Tango d’un soir ( 1946 )
Actualité
Les films de la rétrospective, à Lyon du 12 au 20 octobre 2019
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