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Cinq prénoms malmenés par la langue française

Le tatoue de Denys de La Patelliere avec Louis de Funes 1968 Rue des Archives/mention obligatoire©Marcel Dole/

Un «fesse-mathieu», «en voiture Simone»... Nombreuses sont les expressions à corrompre nos prénoms. Connaissez-vous leur histoire? Le Figaro vous propose de le découvrir.

«Avoir un Jules», «faire son Joseph» ou «son Jacques»... Nombreuses sont les expressions à corrompre nos prénoms! «Coiffer Sainte-Catherine» signifie «pour une femme, arriver à l’âge de vingt-cinq ans en n’étant pas mariée». «Être Gros-Jean comme devant» a pour définition «ne pas être plus avancé qu’auparavant ; éprouver une désillusion», lit-on dans les colonnes du Larousse. Florilège.

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Un fesse-mathieu

À l’origine, un «fesse-mathieu» désignait une personne «qui prête sur gage», lit-on sur Le Trésor de la langue française. Par extension, l’expression caractérise à présent une «personne avare».

Mais comment ce prénom a-t-il fini par désigner un tel vice? Rappelons d’abord que l’expression fait ici référence à Saint Matthieu, apôtre du Christ et l’un des quatre évangélistes. «Selon la tradition, il fut prêteur ou changeur avant de se convertir et d’être martyrisé en Éthiopie (ou en Perse, selon d’autres sources)», ainsi que le note Gilles Henry dans son Petit dictionnaire des expressions nées de l’Histoire.

Ainsi les usuriers furent-ils surnommés les «confrères de saint Matthieu». À l’origine, donc, un «fesse-mathieu» désigne un «usurier». Et «fesser mathieu», «prêter usure». Du Fail, auteur du XVIe siècle et des Contes, précise qu’un «fesse-mathieu était celui qui battait Mathieu sur les fesses pour lui tirer de l’argent».

Précisons tout de même qu’il existe une autre interprétation de l’expression qui nous occupe: «fesse-mathieu» serait «une corruption de «Fête-mathieu». Un jour lors duquel les huissiers du Châtelet faisaient une quête après la messe. Dans les deux cas, le lien avec l’avarice est clair...

Marie couche-toi là

Il n’est pas inhabituel de croiser des expressions peu flatteuses dans lesquelles se trouve le prénom Marie. Une «Marie j’ordonne» s’emploie pour qualifier une femme autoritaire ; une «Marie-bon-bec» désigne une femme bavarde.

La formule, peu élégante, de «Marie couche-toi là» signifie, ainsi que nous le lisons dans Le Trésor de la langue française, une «femme facile, débauchée». Faut-il y voir une référence à Marie-Madeleine, la prostituée, personnage de l’Évangile et ancienne prostituée repentie aimée du Christ? Celle dont le prénom est à l’origine de l’expression «pleurer comme une Madeleine»...?

En voiture Simone!

«En voiture Simone, c’est moi qui conduis, c’est toi qui klaxonnes!» Là encore, la formule n’est pas très heureuse... Mais de quelle Simone parle-t-on? Eh bien d’une certaine Simone Louise Pinet de Borde des Forest qui, en 1929, «étonna son monde en passant son permis de conduire et même en participant à des courses automobiles», ainsi que l’écrivent Jean-Loup Chiflet et Marie Deveaux dans leur ouvrage #Balancetonmot. Ainsi naquit l’expression «en voiture Simone» prononcée lorsqu’une femme prenait le volant.

Faire le coup du père François

À savoir «prendre en traître» ou «utiliser une manœuvre déloyale», ainsi que le précise Georges Planelles dans son ouvrage Les 1001 expressions préférées des Français. Attestée dès 1868, l’expression «faire le coup du père François» revenait à «détrousser le péquin moyen qui avait l’audace et l’imprudence de se promener la nuit dans des rues mal éclairées».

Ainsi, l’on alpaguait le promeneur avant d’engager la conversation pendant qu’un complice «jetait autour du cou une courroie à boucle sans ardillon, disposée de façon à faire le nœud coulant», décrivent Sylvie Claval et Claude Duneton dans Le Bouquet des expressions imagées. La victime était alors étranglée alors que le premier malfaiteur lui vidait les poches. La fameuse «courroie» était surnommée «père François» du nom du bandit qui s’en servit le premier, précisent les auteurs.

D’autres y voient une allusion au célèbre lutteur qui vécut à la deuxième moitié du XIXe siècle et que l’on surnommait «le Père François» ou encore, «le Terrible Savoyard». «Il était notamment connu pour ses étranglements qui étaient l’une de ses techniques favorites», explique Philippe Gaillard dans son Histoire des expressions populaires françaises.

Se faire appeler Arthur

Comprendre: «se faire gronder, réprimander». D’où vient cette étrange formule? En réalité, il existe deux hypothèses. «Elle daterait de la Seconde Guerre mondiale», propose Georges Planelles, dans une France occupée où le couvre-feu a lieu dès vingt heures. Ceux qui ne respectent pas l’horaire se font réprimander par les patrouilles allemandes qui, en indiquant le cadran de leur montre, rouspètent: «Acht Uhr!» C’est-à-dire: «huit heures!».

La seconde hypothèse indique que l’expression daterait de 1920 et «serait liée l’argot où un arthur désignait un proxénète, sans qu’on sache vraiment pourquoi», note l’auteur. «Malheureusement, rien n’indique pour quelle raison ces deux prénoms ont été utilisés de manière ironique dans ces deux expressions similaires.»

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8 commentaires
  • Paulk

    le

    Rachid, Mustapha, Mohamed et d'autres en font partie??

  • Photo73

    le

    Ou "déshabiller Pierre pour habiller Paul", qui déplait fortement à mon frère Pierre, Paul c'est moi. :-)

  • yurigarka

    le

    Je vais chanter Ramona ou relecteur du Figaro.

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