Histoire d’une notion. Lors des récentes marches pour le climat, d’étranges pancartes ont surgi dans les rues de France. « Pubis et forêts, arrêtons de tout raser » ; « Ma planète, ma chatte, sauvons les zones humides », proclamaient-elles.
Des slogans relevant à la fois de l’écologie et du féminisme – autrement dit : de l’écoféminisme, un mot-valise qui s’invite de plus en plus fréquemment dans le débat des idées politiques. Des intellectuel(le)s de premier ordre s’en réclament, des manifestations sont menées en son nom, des ouvrages entiers lui sont consacrés.
Pourtant, il y a quelques années encore, le terme, qui désigne le lien théorique existant entre l’oppression des femmes et la destruction de la nature, était quasi inconnu en France. Un paradoxe, puisque c’est dans ce pays qu’il fut forgé pour la première fois, il y a près d’un demi-siècle, sous la plume de l’écrivaine libertaire Françoise d’Eaubonne.
Née en 1920, dans une famille bourgeoise désargentée, membre du Parti communiste jusqu’en 1956, cette militante convaincue établit très vite une synthèse entre lutte de classe et lutte féministe. Plus âgée que la plupart des militantes du Mouvement de libération des femmes (MLF) des années 1970, cet électron libre s’engage activement pour le mouvement homosexuel, et se passionne très tôt pour la problématique environnementale. En 1974, elle publie Le Féminisme ou la mort. Le mot « écoféminisme » y apparaît pour la première fois.
La singulière frilosité de la France à envisager l’articulation entre écologie et féminisme
« En postulant que la même matrice idéologique a conduit à la domination des hommes sur les femmes et au saccage de la nature, [elle] dénonce non seulement l’organisation sexiste de la société, mais surtout lui impute la responsabilité de la destruction de l’environnement », résume Caroline Goldblum, auteure du récent ouvrage Françoise d’Eaubonne et l’écoféminisme (Le Passager clandestin, 2019, 132 p., 10 euros).
« Des valeurs longtemps bafouées »
A l’opposé des valeurs de destruction masculines, Mme d’Eaubonne estime que « les valeurs du féminin, si longtemps bafouées (…), demeurent les dernières chances de survivance de l’homme lui-même ». Au pays du féminisme constructiviste fondé par Simone de Beauvoir (« On ne naît pas femme, on le devient »), cette position teintée d’essentialisme passe mal. Elle explique en partie l’oubli dont a pâti l’œuvre de cette pionnière de la décroissance, et la singulière frilosité de la France à envisager l’articulation entre écologie et féminisme.
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