Afin d’accélérer le rythme de ses légions, grandement remis en question lors la bataille de l’Allia, l’Empire romain voulait à tout prix améliorer les routes. La première voie appelée via Appia ou voie Appienne fut alors construite en -312 par Appius Claudius Caecus pour relier Rome à Capoue. De nombreuses voies furent construites dans le sillage de la via Appia, marquant une véritable révolution dans la construction.

Le point commun entre les voies romaines c’est qu’elles étaient toutes d’une grande rectitude. Les érudits de l’époque s’appuyaient en effet sur les philosophes et mathématiciens grecs. Entre autres, ils se sont inspirés des travaux de Pythagore qui prônait en tout point la ligne droite, la perpendicularité et le principe du carré. Ainsi, les prouesses routières des Romains découlent en grande partie des influences grecques.

Les voies romaines figurent bel et bien parmi les vestiges de l’Empire car elles ont été construites sans l’aide des techniques modernes. Les tracés ne nécessitaient pas d’échelle et le matériel de construction était archaïque comparativement aux engins disponibles de nos jours. Néanmoins, les voies romaines sont à la fois parfaitement rectilignes et incroyablement durables.

Les trois catégories de voies romaines

Au cours des siècles, la construction des routes avait légèrement évolué d’une région à une autre. Les voies romaines avaient pour priorité d’alléger les marches des troupes. Au fil du temps, elles étaient devenues plus ou moins accessibles à l’ensemble de la population selon les catégories et types de routes. Les voies romaines se divisaient en trois catégories : via munita, via glareae et les chemins de terre. Cette dernière était souvent des routes secondaires construites par des piétons et au fil du temps avec des chariots. La deuxième catégorie était des voies composées essentiellement de gravier à la surface. La via munita était la plus exceptionnelle car les voies étaient faites de pavés. Cette troisième catégorie attire l’attention car certaines ont survécu jusqu’à notre époque.

Les types de routes étaient liés aux statuts des individus qui pouvaient les utiliser. La via publicae ou voie publique était accessible à tout le monde. Quant aux via militares, elles étaient réservées aux militaires et aux représentants de l’Etat. La via privatae était l’apanage des individus haut placés et des gens fortunés. Les servitudes de passage à ces routes privées dépendaient des choix des propriétaires.

Les travaux des arpenteurs

Avant les travaux de construction, les études préalables des arpenteurs étaient essentielles. Ces derniers étaient chargés de déterminer la direction précise reliant un point de départ (Rome) à un point d’arrivée (Capoue). Leurs travaux étaient différents d’une région à une autre selon certaines conditions (géologique, climatique, topographique…).

Leur objectif principal sous l’influence des travaux de Pythagore était de tracer une route la plus droite possible. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles les voies romaines se caractérisent par une grande rectitude. Afin de mener à la perfection leurs missions, trois instruments étaient primordiaux pour les arpenteurs : la groma, le chorobate (une grande règle de près de 6 m) pour le calcul de niveau et la dioptre pour le nivellement de la route.

La groma, qui est l’ancêtre de l’actuelle équerre d’arpenteur, attire particulièrement l’attention car elle permettait d’aligner des jalons sur une grande distance afin d’assurer la rectitude des routes. Elle est composée de quatre branches et pourvue de cinq fils à plomb qui permettaient de tracer des lignes perpendiculaires à partir d’un point central. Toutes les données, du traçage aux différentes distances en passant par les degrés de nivellement, étaient consignées sur un document central.

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La structure de la via munita

Les données préalablement récoltées et les marqueurs (provenant de la groma) établis par les arpenteurs serviront pour la suite de la construction. Une phase d’ameublement de la voie tracée était généralement requise. Pendant cette étape, les charrues servaient à labourer le terrain. Ensuite, les esclaves et/ou les légionnaires creusaient le sol. La profondeur dépendait de la structure interne (zone marécageuse, pierres calcaires, silex…). Pour un sol typique, la tranchée nécessaire se situait entre 1 à 2 mètres.

Une voie romaine située près de Raon-lès-Leau
Francis MONTIGNON / Creative Commons

En profondeur de la tranchée se trouve le sol nu, aplani et éventuellement tassé. Il y a ensuite le statumen qui est un amas de cailloux. Au-dessus de cette couche se trouvent les audits qui sont composés de moellons agrégés par du ciment romain. A quelques centimètres de la surface figurent les nucleus qui sont des débris de poterie agrégés par du ciment fin. A la surface se trouve le dorsum qui est généralement formé de grosses pierres emballées le plus étroitement possible.

Force est de souligner que la structure varie d’une région à une autre selon les disponibilités des matériaux environnantes (structure géologique). La voie pavée à Pompéi est l’exemple typique de la via munita de l’Empire romain. Afin de lutter contre les intempéries, le centre de la route devait obligatoirement être bombé pour que les eaux puissent s’écouler vers les fossés de drainage. Ces derniers se situaient sur les deux côtés et servaient également de source de matériaux de remblai pour l’entretien.

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Les aménagements de la via munita

Concernant la taille de la via munita, elle devait généralement avoir une largeur minimale de 2 mètres et demi. Sur les côtés, le long des routes, se trouvaient les bornes militaires afin de connaitre les distances de kilométrages exactes. Ce sont des colonnes cylindriques hautes de 2 à 4 m et de 50 à 80 cm de diamètre. Sur ces bornes figuraient les cités auxquelles la route était reliée. Elles dévoilent désormais des informations importantes sur les dates de création et de réparation des routes.

Les arpenteurs rencontraient des fois des difficultés sur leurs chemins. Il s’agissait entre autres des montagnes et des cours d’eau qui nécessitaient des aménagements spéciaux. Si en général, les routes contournaient ces obstacles, il arrivait que d’autres constructions soient nécessaires. Les différents ponts (de pierre, de bois, de bateaux…) étaient utiles pour les cours d’eau. La construction des tunnels était également nécessaire dans certains cas.

Les avantages des voies romaines

A part qu’elles sont désormais des vestiges de l’Antiquité servant de lieux touristiques de prédilection, à l’époque les voies romaines servaient aux déplacements des légions. Elles étaient également utilisées par les commerçants en parallèle avec les voies fluviales et maritimes. Le développement économique de l’Empire romain découlait des échanges rapides et sécurisés entre la capitale et ses provinces.

L’existence des relais et des auberges permettait également aux militaires et voyageurs de récupérer. Au fur et à mesure des constructions des voies, des lieux de détente s’étaient formés le long des routes. Elles avaient contribué à la création de villes entières. Les points de passage stratégiques, sur les ponts et les portes de villes, permettaient d’entretenir les routes. Les militaires détachés de leur légion étaient souvent à la charge de ces endroits. Ils assuraient également la sécurité le long des routes.

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Les problèmes des voies romaines

Bien qu’il existait des groupes de légionnaires le long des routes, les voleurs trouvaient des moyens pour se frayer un chemin vers les voyageurs. Les accidents sur une voie peu fréquentée entrainaient une nuit à l’extérieur des zones sécurisées. La circulation sur les routes était autorisée seulement pendant la journée, soit une distance moyenne de 35 km par jour. La construction des voies romaines avait permis l’expansion de l’Empire mais elle avait également provoqué son déclin. Les grandes invasions Ostrogoths, Huns, Wisigoths avaient en effet emprunté ces routes pour infliger des attaques lourdes de conséquences pour les légionnaires. Quoi qu’il en soit, ces voies romaines, à l’instar de la via munita, figurent parmi les constructions d’antan dont s’inspirent les ingénieurs contemporains.

Image illustrant l’article de Stephen Seibel / Shutterstock.com.

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ARNOULD
ARNOULD
4 années

Merci pour cet article que j’ai particulièrement apprécié. C’est la première fois que je commente un article du site c’est dire.

JEAN-MARC Wibart
JEAN-MARC Wibart
4 années

Travail bien documenté, félicitations de la prt d’un professeur de lettres classiques actuellement à la retraite.