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An improvised memorial for the victims of the Stalin's Great Purge placed near a burial pit in the woods of Sandarmokh. 
Located next to the Belomorkanal, which was constructed almost entirely by forced labour of Gulag prisoners, these woods served a place for mass executions in 1937-38, when more than 9000 people of 58 nationalities where executed on the pretext of the anti-Soviet activity.
MARIA TURCHENKOVA

Russie, la mémoire mutilée du goulag

Par  (Sandarmokh, Carélie, envoyé spécial)
Publié le 11 octobre 2019 à 13h12, modifié le 13 octobre 2019 à 10h25

Temps de Lecture 21 min.

Sous le couvert dense de la forêt noyée dans les fougères, la métaphore paraît particulièrement bien choisie : « Ici, on n’a pas installé de mémoriaux. Ils ont poussé », chuchote Irina Flige, présidente de la branche pétersbourgeoise de l’ONG Memorial. Elle désigne la végétation sombre où seules percent de petites taches de couleur – modestes portraits fixés sur le tronc des immenses pins de Carélie, frêles croix de bois plantées dans le parterre de mousse épaisse, surmontées d’un toit à la manière du Nord russe.

Sandarmokh, un concentré du système répressif

Ici, dans les bois de Carélie, à la frontière avec la Finlande, on a beaucoup tué. En 1937-1938, au plus fort de la Grande Terreur stalinienne, Sandarmokh fut un lieu d’exécution important. Environ 9 000 personnes y furent fusillées, enterrées dans 236 fosses communes qui, quatre-vingts ans plus tard, façonnent encore le paysage. Ces trente dernières années, les ossements ont été exhumés et identifiés. Sandarmokh est un concentré du système répressif et cannibale soviétique. En octobre 1937 y furent transportés puis exécutés 1 111 détenus des îles Solovki, le premier camp du goulag, situé dans la mer Blanche ; on y trouve aussi, surreprésentés, les membres des minorités nationales de l’empire soviétique (Ukrainiens en tête, Caréliens, Finnois, Baltes, Géorgiens, Arméniens…) ; des travailleurs du chantier du canal de la mer Blanche, le Belomorkanal, qui passe à quelques encablures, furent également assassinés à cet endroit.

Peu à peu, à mesure que le destin des victimes émergeait des archives, leurs descendants sont arrivés. Chacun a honoré, comme il le voulait, dans une harmonieuse anarchie, la mémoire de son disparu. Qui en clouant un petit portrait à un arbre, qui en érigeant une croix. Plusieurs centaines de modestes monuments parsèment les bois, rappels émouvants des destins brisés dans l’anonymat de la forêt.

« C’est un lieu de mémoire unique », souffle Mme Flige, qui représente cette ONG de défense des droits de l’homme formée pour faire la lumière sur les crimes du communisme. Unique, car les lieux où sont honorées les victimes du goulag se comptent en Russie sur les doigts de la main ; unique, aussi, par la minutie avec laquelle a été documenté le processus d’extermination ; unique, enfin, car la transformation de Sandarmokh en lieu de mémoire s’est faite hors du contrôle de l’Etat, à l’initiative de simples citoyens, d’une « communauté humaine née dans la douleur ».

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