Entre les Nymphéas de Monet et La Nuit étoilée de Van Gogh, le MoMA passe pour un temple de l’art moderne. Mais peut-il encore se prétendre musée “moderne” pour autant ? Grâce au projet d’expansion et de rénovation que les visiteurs pourront découvrir à la réouverture du musée le 21 octobre, il peut, estime Holland Cotter, critique d’art pour The New York Times.

Alors que le MoMA inaugure ce lundi une remarquable extension architecturale de son bâtiment – 47 000 mètres carrés pour un budget de 450 millions de dollars –, ce renouveau donne l’occasion au musée de réaffirmer sa mission modernisatrice, écrit le quotidien new-yorkais :

Il va enfin se transformer, certes prudemment, en une institution vivante, ancrée dans le XXIsiècle, et cesser d’être ce monument à la gloire d’une histoire obsolète – blanche, masculine et nationaliste – qu’il était progressivement devenu depuis son ouverture, en 1929.”

Retrouver un esprit pionnier

Si les expositions temporaires ne se limitaient pas aux canons d’Amérique du Nord et d’Europe occidentale, le succès du MoMA avait paradoxalement contribué à éclipser son esprit pionnier dans la collection permanente, explique le critique. Le nouveau MoMA retrouve l’esprit de laboratoire qui orientait les acquisitions à la création du musée et intègre des identités plurielles dans sa collection : les femmes, l’Asie, les Afro-Américains, l’Amérique latine.

Au-delà de l’ouverture vers d’autres horizons géographiques et identitaires, cette impulsion que le critique qualifie de “modernisme plus” se traduit aussi par une remise en question de l’agencement des œuvres. Le nouvel itinéraire bouscule l’ancien ordonnancement par média, selon une succession de mouvements artistiques en -isme (cubisme, impressionnisme, surréalisme) caractéristique du MoMA. Si l’organisation reste plus ou moins chronologique, “les cloisons entre les disciplines, autrefois très rigides, sont tombées” : peinture, sculpture, photographie, cinéma et architecture se retrouvent côte à côte. “Mais rassurez-vous, chaque discipline garde son propre espace”, précise le critique, visiblement inquiet de l’accueil qui attend cet accrochage plus fluide et interdisciplinaire.

Faire dialoguer les génies

Les conservateurs du musée élaborent une nouvelle approche dans les galeries : un accrochage par thèmes qui favorise les échanges, les regards croisés et la juxtaposition de célèbres chefs-d’œuvre avec des œuvres méconnues du grand public. Les œuvres de Jackson Pollock, Frida Khalo, Andy Warhol, “toutes ces œuvres que les gens viennent voir au MoMA, perche à selfie en main”, se mêlent au travail d’artistes qui, selon Cotter, “devraient être les chouchous des amateurs d’art mais ne le sont pas, du moins pas encore”, comme Greta Bratescu, Garciela Carnevale ou Ibrahim El-Salahi. Un parti pris réussi, selon le New York Times.

Certaines “rencontres de génies artistiques” ont tout particulièrement marqué le critique. Parmi eux, une galerie qui “souligne la dimension politique problématique de l’œuvre de Picasso” en confrontant Les Demoiselles d’Avignon“avec ses corps féminins disloqués et ses appropriations colonialistes” – à une peinture de l’artiste afro-américain Faith Ringgold qui rappelle la violence des relations interraciales à travers une fusillade explosive, commente-t-il :

La plupart des puristes vont trouver ce rapprochement sacrilège ; personnellement je trouve que c’est une idée de génie.”

Parmi les autres innovations prévues, le New York Times cite la création de galeries d’exposition donnant sur la rue, accessibles gratuitement. Le musée s’engage aussi à mettre en place une “rotation régulière des œuvres ainsi qu’un renouvellement des collections”, afin d’exploiter une plus grande partie des œuvres conservées dans la réserve. “Cette flexibilité, et il faut le dire, offre également la possibilité de revenir en arrière, au cas où ces nouvelles installations seraient jugées un peu trop modernes pour le bon fonctionnement du musée”, précise néanmoins le quotidien new-yorkais. Seule la réaction du public, à partir de lundi, pourra en décider.