Berlin propose d’établir une zone de sécurité sous contrôle international dans le nord de la Syrie

Pour qu’une intervention militaire soit légale au regard du droit international, il faut qu’elle soit demandée par un pays agressé ou autorisée par une résolution du Conseil de sécurité ou motivée par la légitime défense.

Dans le cas des opérations de la coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis, l’Irak avait donné son consentement pour mener des actions contre l’État islamique [EI ou Daesh] sur son territoire.

Quant à la Syrie, l’affaire est un peu plus compliquée. Ainsi, la France a invoqué la légitime défense « collective » pour justifier son intervention sur le sol syrien. Mais les choses ont été facilitées par la résolution 2249, adoptée à l’unanimité par le Conseil de sécurité des Nations unies en novembre 2015.

Considérant que Daesh constituait une « menace mondiale d’une gravité sans précédent », ce texte demandait aux États membres à « prendre toutes les mesures nécessaires sur le territoire se trouvant sous le contrôle de […] Daesh, en Syrie et en Irak, de redoubler d’efforts et de coordonner leur action en vue de prévenir et de mettre un terme aux actes de terrorisme commis en particulier » par ce groupe terroriste.

Dans ces conditions, quelle peut-être la légalité de l’opération « Source de paix », lancée par la Turquie afin d’intaurer une zone de sécurité dans le nord de la Syrie pour protéger sa frontière d’éventuelles incursions des milices kurde syriennes [YPG] et pour y installer des réfugiés syriens?

« Nous avons eu l’occasion d’exprimer à nos interlocuteurs, la position de la Turquie concernant l’opération Source de Paix. La Turquie n’a aucun objectif territorial à l’étranger, et l’opération cible les groupes terroristes. Cette opération relève de la légitime défense et est un droit naturel. La Turquie mène l’opération dans le cadre du droit international, des accords des Nations unies », a fait valoir Abdulhamit Gul, le ministre turc de la Justice.

Son homologue à la Défense, Hulusi Hakar, a répété, le 19 octobre. « L’opération Source de Paix a été lancée dans le cadre du droit de légitime défense et la Turquie respecte l’intégrité territoriale des pays voisins mais ne veut pas d’organisations terroristes à ses frontières », a-t-il dit.

Pour rappel, même si elles ont payé un lourd tribut au combat contre Daesh [11.000 tués, nldr], les YPG, par ailleurs composantes essentielles des Forces démocratiques syriennes [FDS], sont considérées comme terroristes par Ankara, en raison de leur proximité avec le PKK [Parti des travailleurs du Kurdistan], une organisation à l’origine d’une sanglante guérilla en Turquie.

« Beaucoup de gens se battent bien quand ils se battent avec nous. […] Vous savez, quand vous avez 10 milliards de dollars d’avions qui bombardent à 15 km de votre ligne de front, c’est beaucoup plus facile », a cependant commenté le président américain, Donald Trump, au sujet du combat livré par les Kurdes syriens, avec le soutien de la coalition anti-jihadiste.

Quoi qu’il en soit, en Allemagne, on estime que l’opération menée par la Turquie dans le nord de la Syrie n’est pas légale du point de vue du droit international.

« Nous ne pensons pas qu’une attaque contre des unités kurdes ou une milice kurde est légitime au regard du droit international », a en effet déclaré Heiko Maas, le ministre allemand des Affaires étrangères, sur la chaîne de télévision ZDF, le 20 octobre. « S’il n’y a pas de base légale pour une telle invasion, alors elle ne peut pas être en accord avec le droit international », a-t-il insisté.

Pour le moment, la Turquie a accepté de faire une pause de cinq jours dans ses opérations, qu’elle mène avec des groupes rebelles syriens qui n’ont pas forcément bonne presse….

Et, alors que cette trêve va expirer ce 22 octobre, la ministre allemande de la Défense, Annegrett Kramp-Karrenbauer a proposé de créer une zone de sécurité sous contrôle international à la frontière entre la Syrie et la Turquie. Cela permettrait, a-t-elle expliqué à l’agence DPA, de poursuivre la lutte contre l’EI ainsi que le processus constitutionnel initié par les Nations unies en Syrie. Et d’ajouter qu’elle ferait part de cette idée lors d’une prochaine réunion de l’Otan.

Seulement, même si elle assuré s’être coordonnée avec la chancelière allemande, Angela Merkel, Mme Kramp-Karrenbauer s’est attiré des critiques au sein de son propre gouvernement, lequel compte des conservateurs de la CDU/CSU et des sociaux-démocrates du SPD.

Ainsi, Heiko Maas, qui est social-démocrate, a regretté de ne pas avoir été préalablement mis au courant de cette proposition. Proposition au sujet de laquelle il a émis des doutes.

« Il y a aussi et cela est incontestable une certaine confusion parmi nos partenaires » après cette proposition, a dit M. Maas. Et, de toute façon, a-t-il relevé, « en raison de la situation actuelle |dans le Nord de la Syrie), il n’y a pas de discussion entre les partenaires [de l’Otan] sur la mise sur pied d’une zone sécurisée internationale. » Et d’ironiser : « La diplomatie du sms […] conduit rapidement à la diplomatie du SOS. »

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