Syrie : accord russo-turc sur un contrôle de la frontière et le retrait kurde
Les présidents Erdogan et Poutine ont décidé du sort de la zone frontalière entre la Syrie et la Turquie.

Erdogan et Poutine peuvent se féliciter. Les présidents turc et russe apparaissent ce mardi soir comme les grands gagnants de la crise syrienne de ces dernières semaines. Les deux hiérarques se sont accordés mardi sur un retrait des forces kurdes du nord-est de la Syrie, pour prendre le contrôle en commun de la majeure partie de cette zone en proie à un conflit entre Ankara et combattants kurdes.
Après six heures de négociations à Sotchi, dans le sud-ouest de la Russie, Recep Tayyip Erdogan et Vladimir Poutine ont décidé dans un premier temps de déployer des patrouilles militaires russes et syriennes dans les secteurs de la bande frontalière bordant la zone où l'armée turque a déclenché début octobre une opération militaire. Ces patrouilles auront pour objectif de « faciliter » le retrait des forces kurdes YPG et leur désarmement dans une zone « profonde de 30 km » le long de la frontière syro-turque.
Puis, « 150 heures » plus tard, des patrouilles communes, cette fois russo-turques, évolueront dans la zone. La Turquie gardera néanmoins la haute main sur la zone située entre la ville de Tal Abyad, qu'elle a prise au début de l'offensive, et celle de Ras al-Aïn, dont les derniers combattants kurdes se sont retirés dimanche. Soit une zone de sécurité d'une longueur de 120 km sous son contrôle direct, sur les 440 qu'elle réclamait à l'origine.
Redur Khalil, l'un des commandants des Forces démocratiques syriennes (FDS, dominées par les combattants kurdes) a pour sa part assuré que le retrait de « tous nos combattants et forces sécuritaires de la zone d'opérations militaires allant de Ras al-Aïn à Tal Abyad » avait été achevé. Un état de fait dû à l'accord signé par les FDS avec le régime de Bachar-al-Assad la semaine dernière actant la « reddition » des Kurdes au régime syrien.
Les Kurdes réduits à la portion congrue
« Historique et décisif » - la Turquie et la Russie contrôleront ainsi la majeure partie de la frontière turco-syrienne. « Avec M. Poutine, nous avons conclu un accord historique », a insisté le président turc. » Ces décisions sont selon moi très importantes, voire décisives, et vont permettre de régler une situation très tendue », a pour sa part dit son homologue russe.
Dans un appel téléphonique passé à Vladimir Poutine, le président syrien Bachar al-Assad a pour sa part estimé que « ceux qui ont des desseins séparatistes étaient responsables des événements qui se sont produits », faisant ainsi allusion aux Kurdes, qui ont dû apprécier.
Le raïs syrien a en outre rappelé « son total refus de toute invasion de terres syriennes sous aucun nom ou sous aucun prétexte ». Bachar al-Assad a répété à maintes reprises qu'il rétablirait au final le contrôle de son gouvernement sur l'ensemble du territoire de la Syrie. Le président turc appréciera lui aussi.
La trêve a expiré
Alors qu'une trêve fragile en vigueur depuis jeudi, négociée entre Ankara et Washington, a expiré mardi à 19 heures, les présidents russe et turc, des acteurs centraux du conflit syrien, sont parvenus à ce compromis pour éviter la reprise de l'offensive militaire turque suspendu par un cessez-le-feu.
Depuis le 9 octobre dernier, cette opération a provoqué le déplacement de centaines de milliers de civils dans le nord de la Syrie. L'opération turque « s'achève, et tout va dépendre maintenant de la mise en œuvre des accords, notamment sur le retrait des forces […] des unités kurdes », a relevé le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov.
Le retour des réfugiés ?
Dans le mémorandum signé également ce mardi à Sotchi, Poutine et Erdogan se sont par ailleurs entendus pour faciliter le retour « volontaire » en Syrie de réfugiés, la Turquie disant vouloir que deux millions d'entre eux retournent en Syrie dans la zone de sécurité qu'elle est en passe de mettre en place. Le chef de l'Etat russe a quant à lui insisté sur la lutte contre le « terrorisme », citant le groupe Etat islamique, les pays occidentaux et la Russie craignant qu'une opération militaire turque n'aboutisse à la libération des milliers de djihadistes détenus par les Kurdes.
Si ces négociations entre les deux puissances militaires de la région ont eu lieu, c'est aussi parce que Moscou a de facto freiné l'avancée turque, en encourageant depuis le 9 octobre un dialogue entre le régime de Damas et les Kurdes. Appelées à la rescousse par les Kurdes, les forces syriennes, accompagnées de patrouilles militaires russes, avaient repris certaines zones sous contrôle kurde, contrecarrant ainsi les plans d'Ankara de constituer une « zone de sécurité » de 444 km le long de sa frontière avec la Syrie.