Océan Indien : ces îles Éparses si convoitées

Publicité

Océan Indien : ces îles Éparses si convoitées

Par
Emmanuel Macron sur l'île de Grande Glorieuse, située à quelque 250 km au nord-est de Mayotte et à 220 km de Madagascar. Ce haut lieu de la diversité marine fait partie de l'ensemble des îles Éparses.
Emmanuel Macron sur l'île de Grande Glorieuse, située à quelque 250 km au nord-est de Mayotte et à 220 km de Madagascar. Ce haut lieu de la diversité marine fait partie de l'ensemble des îles Éparses.
© AFP - Jacques Witt / Pool

Repères. Emmanuel Macron a mis le pied sur Grande Glorieuse. Visite inédite d'un Président français sur cette île qui fait partie des îles Éparses de l'océan Indien. L'Elysée assure s'être concerté avec les autorités malgaches, qui revendiquent depuis les années 70 ce territoire "extrêmement stratégique".

L'image fera date : un président de la République française sur Grande Glorieuse, une des îles Éparses de l'océan Indien. Deux heures d'escale à l'occasion du premier voyage d'Emmanuel Macron dans la région. Le chef de l'Etat a lui-même qualifié cet ensemble, dont la souveraineté française est contestée par Madagascar, d'"extrêmement stratégique". Présumées riches en hydrocarbures et administrées par la France, quatre îles Éparses et leurs eaux environnantes sont revendiquées de longue date par Antananarivo. L'île Maurice réclamant un autre de ces territoires : Tromelin, où des esclaves malgaches avaient miraculeusement survécu après avoir été abandonnés par leurs geôliers français.

Les îles Éparses

Elles sont cinq îles et atolls de l'océan Indien : l'île Europa (la plus grande : 30 km2), l'île Bassas-da-India (un atoll en formation de moins de 1 km2, que la mer recouvrait presque entièrement à marée haute en 2010), l'île de Juan-de-Nova, l'archipel des Glorieuses, composé de Grande Glorieuse et de l'île du Lys (600 m de diamètre mais qui avait été photographiée depuis l'espace par Thomas Pesquet !), et Tromelin, la seule située hors du canal du Mozambique, une petite île plate de 1 km2, située à 535 km au nord-est de La Réunion. Les eaux de ces territoires sous juridiction française, à la faune et à la flore remarquables et qui regorgeraient d'hydrocarbures, représentent un total de 640 400 km2 (soit environ 6% du territoire maritime français). La France possédant le deuxième domaine maritime au monde, après les Etats-Unis.

Publicité

L'archipel des Glorieuses, où s'est rendu Emmanuel Macron, se situe à 253 km au nord-est de Mayotte et à 222 km de Madagascar. Ses terres émergées représentent environ 7 km2, avec des eaux sous juridiction française qui s'étendent sur 43 762 km2, "classées parc naturel marin depuis 2012" a expliqué à l'AFP Évelyne Decorps, la préfète des Terres australes et antarctiques françaises. Les îles Éparses constituent en effet depuis la loi du 21 février 2007 le cinquième district de ces TAAF, après avoir longtemps été officiellement qualifiées de "territoires résiduels de la République".

Infographie publié en juillet 2014
Infographie publié en juillet 2014
© AFP - P. Pizarro / M. Merino, sr / dmk / ahu

Un ancien conflit territorial avec Madagascar et l'île Maurice

L'Elysée a bien assuré que la visite historique d'Emmanuel Macron avait été préparée avec les autorités malgaches. Car ces lointains bouts de terre sont au coeur d'épineuses tractations diplomatiques depuis des années. Le président de la République de Madagascar Andry Rajoelina faisait encore rimer fin mai dernier le destin de ces îles avec "identité nationale". Les deux dirigeants avaient alors annoncé la mise en place d'une commission mixte pour aboutir à une solution consensuelle d'ici juin 2020, date du 60e anniversaire de l'indépendance de Madagascar. Perspective qui a provoqué des critiques et interrogations de certains parlementaires et a donné lieu à un communiqué du Rassemblement national.

Pour afficher ce contenu Twitter, vous devez accepter les cookies Réseaux Sociaux.

Ces cookies permettent de partager ou réagir directement sur les réseaux sociaux auxquels vous êtes connectés ou d'intégrer du contenu initialement posté sur ces réseaux sociaux. Ils permettent aussi aux réseaux sociaux d'utiliser vos visites sur nos sites et applications à des fins de personnalisation et de ciblage publicitaire.

Les îles Éparses ont été administrativement rattachées à Madagascar quand la Grande île est devenue colonie française en 1896. Et à la veille de l'indépendance (le 26 juin 1960), elles ont été rattachées par décret au ministère des Dom-Tom à Paris, au grand dam des Malgaches. De Gaulle avait alors mis en garde le Quai d'Orsay : 

Les îles et îlots peuvent revêtir pour nous une importance réelle, notamment en ce qui concerne nos expériences atomiques. Je n’approuve donc pas qu’on introduise Madagascar en quoi que ce soit qui se passe dans ces îles, notamment en ce qui concerne la météo.

Car "en 1960, lors des négociations qui précèdent l’indépendance, les dirigeants de Madagascar remettent en cause la souveraineté française sur les îles, en s’appuyant sur le principe de contiguïté pour que ces îlots soient reconnus comme des dépendances naturelles", rappelle une étude du Centre d’études stratégique de la marine (CESM)

Saisies en 1976 par le Président malgache, les Nations unies lui donneront raison par deux résolutions non contraignantes, adoptées en 1979 et 1980. L'ONU demande au "gouvernement français d’entamer sans plus tarder des négociations en vue de la réintégration des îles Glorieuses, Juan de Nova, Europa et Bassas da India, qui ont été séparées arbitrairement de Madagascar" et met notamment en avant "la nécessité de respecter scrupuleusement l’unité nationale et l’intégrité territoriale d’un territoire colonial au moment de son accession à l’indépendance".

Ces condamnations, comme celle de l’Union africaine et de la conférence des pays non alignés n'ont pas changé la position de la France, jusqu'aux déclarations d'Emmanuel Macron et d'Andry Rajoelina. "Au prix d’arrangements discrets, le sujet n’est jamais revenu à l’ordre du jour des Nations unies", racontait cet été la journaliste Laurence Caramel, envoyée spéciale du Monde sur place. Peu avant, sur RFI, le ministre des Affaires étrangères malgache Naina Andriantsitohaina rappelait toutefois une réunion onusienne en 2016 et soulignait désormais le besoin de coopération entre les deux pays :

Puisqu’il faut être franc, Madagascar, aujourd’hui, n’a pas les moyens de sécuriser cette zone. (...) Donc, effectivement, il y a besoin de travailler en commun - la France et Madagascar - pour que cette zone soit sécurisée avec le peu de moyens que nous avons, nous.

Île "dépourvue d’eau potable et balayée par des alizés qui rendent toute culture impossible, qui ne peut être abordée que dans des conditions difficiles" et qui "ne présente pas d’intérêt économique", selon un rapport sénatorial de 2012, l'île de Tromelin est elle âprement revendiquée par la République de Maurice. En cause : le contrôle des eaux environnantes, soit 280 000 km2 de zone économique exclusive (ZEE), avec les routes de commerce, les droits de pêche et les sous-sols afférents. 

La valeur économique et stratégique de ces eaux et de ces îles surveillées par 14 légionnaires, un gendarme et des météorologues, est déterminante. Ainsi que leurs richesses naturelles. 

Tortues, oiseaux, requins, coraux : des sanctuaires d'une biodiversité exceptionnelle

Les îles Glorieuses accueillent dans leurs eaux plus de 2 900 espèces marines, dont une forte proportion inscrite comme en danger critique d'extinction sur la liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). C'est le cas des holothuries (concombres de mer), des requins citron, pointe noire ou pointe blanche. 

Mais la plus emblématique de ces espèces est la tortue verte, dont 2 500 pontes sont enregistrées chaque année sur Grande Glorieuse.  

Les tortues des îles Éparses. Emission "Continent Sciences" de Stéphane Deligeorges, du 27 août 2007

58 min

Pour afficher ce contenu Youtube, vous devez accepter les cookies Publicité.

Ces cookies permettent à nos partenaires de vous proposer des publicités et des contenus personnalisés en fonction de votre navigation, de votre profil et de vos centres d'intérêt.

L'archipel compte aussi des colonies d'oiseaux marins. Emmanuel Macron a profité de sa visite pour annoncer le classement en réserve naturelle des Glorieuses, dès 2020, et pour vanter son action de protection de la biodiversité. De déclarer que "Vis-à-vis de nos partenaires dans l'océan Indien, la présence et la souveraineté française ont permis d'éviter l'exploitation prédatrice des mers (...). La France peut être un partenaire plutôt qu'un rival".

Pour afficher ce contenu Twitter, vous devez accepter les cookies Réseaux Sociaux.

Ces cookies permettent de partager ou réagir directement sur les réseaux sociaux auxquels vous êtes connectés ou d'intégrer du contenu initialement posté sur ces réseaux sociaux. Ils permettent aussi aux réseaux sociaux d'utiliser vos visites sur nos sites et applications à des fins de personnalisation et de ciblage publicitaire.

Aujourd'hui, selon le ministre des Affaires étrangères malgache, toujours sur RFI, "l'enjeu environnemental est le plus important" dans la zone. Avec la volonté de préserver un "environnement maritime unique et, très probablement, d'aboutir à la création d’aires maritimes protégées ou éventuellement à l’encadrement de contrats pétroliers ou gaziers."

Les scientifiques souhaitent une présence scientifique beaucoup plus permanente et renforcée sur place, car "pour la biodiversité, il faut avoir des données à long terme". Plusieurs scientifiques attendaient le Président français dans ce paysage idyllique, dont Bruno David, président du Muséum d'histoire naturelle, Isabelle Autissier, présidente du WWF France, ou encore Françoise Gaille, ancienne chercheuse au CNRS et vice-présidente de la Plateforme océan Climat. Le WWF espère un classement en réserve naturelle de l'ensemble des îles Éparses.  

Perdus sur Tromelin : histoire d'une survie invraisemblable

Certains ont découvert les îles Éparses par l'incroyable aventure des esclaves oubliés de l'île de Tromelin. En 1761, le vaisseau négrier français L’Utile y fait naufrage et des esclaves malgaches sont abandonnés par leurs geôliers français sur ce qui s'appelait alors l'île de Sable. Un confetti aride à 470 kilomètres de la première terre émergée, très peu élevé - cinq mètres au-dessus du niveau de l’océan – et battu par les cyclones. Pendant quinze ans, ils réussissent à survivre. En 1776, le chevalier Maurice de Tromelin abordera l’île et recueillera les derniers survivants : sept femmes et un bébé.

Il y a quelques années, une expédition a tenté de comprendre comment ce fut possible. Et nous vous avons proposé de nombreux programmes à ce sujet, dont un documentaire en 2017 et une vidéo à l'occasion de la récente exposition que lui a consacré le Musée de l'Homme.

L'Heure du documentaire
55 min

Avec AFP