Une étude innovante sur les fossiles de l’ère post-apocalyptique suivant l’extinction des dinosaures permet de montrer à quel point la planète a été résiliente pour s’en remettre rapidement. Les mammifères en ont bénéficié.

L’extinction massive des dinosaures est essentiellement expliquée par l’impact d’un astéroïde, il y a de cela 66 millions d’années. La fin du règne de ces géants a été rapide et brutale. Au final, c’est bien 75 % des espèces de la planète qui se sont éteintes. Mais des êtres ont survécu, des mammifères, ce qui a permis finalement à l’humanité de prospérer des millions d’années plus tard.

Un important article de recherche publié dans Science, ce 25 octobre 2019, et sous-titré « Rise of the mammals », éclaire cette période de l’histoire terrestre où une catégorie d’espèce a pu être suffisamment résiliente pour survivre à l’extinction — et continuer à évoluer.

La période qui suit cet impact est relativement pauvre en fossiles, mais le paléontologue Tyler Lyson, qui dirige cette recherche, a eu l’idée de changer entièrement sa façon de percevoir les fouilles. Avec son équipe, il a arrêté de rechercher les classiques ossements nus, pour porter plutôt son regard sur les concrétions : des roches qui se forment sur des matériaux organiques comme les os. Une décision-clé, puisque grâce à cela ce sont des centaines de fossiles pertinents qui ont été retrouvés dans le Colorado, dont de nouvelles espèces, à la fois de mammifères vertébrés et de plantes. La datation de ces découvertes a permis aux paléontologues de retracer une chronologie post-extinction.

Petit marsupial. Les mammifères de l'époque des dinosaures ne dépasait pas cette taille. // Source : Flickr/CC/BiodiversityHeritageLibrary

Petit marsupial. Les mammifères de l'époque des dinosaures ne dépasait pas cette taille.

Source : Flickr/CC/BiodiversityHeritageLibrary

La chronologie post-extinction retracée

Avant le cataclysme, la zone étudiée était une forêt dominée par des dinosaures. Les mammifères de l’époque ne pesaient pas plus de 8 kg, soit l’équivalent d’un raton laveur ou d’un petit marsupial. Puis, juste après l’impact, il ne restait plus que des mammifères d’à peine 1 kg, dans un environnement recouvert essentiellement des mêmes fougères. Jusque-là, rien de plus normal qu’une biodiversité affaiblie. Mais ce qui impressionne les scientifiques, c’est la rapidité avec laquelle l’écosystème a ensuite fait preuve de résilience.

Dans les 100 000 ans qui ont suivi l’impact de l’astéroïde, les mammifères avaient retrouvé leur taille d’origine de 8 kg et les forêts avaient repoussé sous forme de palmiers. Avançons encore un peu jusqu’à 300 000 ans après l’impact, et on retrouve la diversité originelle de la forêt… ainsi que des mammifères qui ont grandi, atteignant 25 kg.

Il reste une dernière période-clé : à partir de 700 000 après l’extinction de masse, il y a ce que  Lyson appelle le « moment des barres protéinées ». Les premiers légumes apparaissent, ainsi que des arbres à noix, apportant suffisamment de calories pour permettre aux animaux survivants de continuer à évoluer en taille. Résultat, on retrouve des mammifères herbivores pesant jusqu’à 50 kg — l’équivalent en poids d’un gros chien.

Voici Taeniolabis taoensis, l'un des gros mammifères que l'on pouvait retrouver 700 000 ans après l'extinction des dinosaures. // Source : Nobu Tamura

Voici Taeniolabis taoensis, l'un des gros mammifères que l'on pouvait retrouver 700 000 ans après l'extinction des dinosaures.

Source : Nobu Tamura

La planète est résiliente face à l’extinction

Si nous savions évidemment déjà que les mammifères avaient grandi après l’extinction des dinosaures, nous ne savions pas comment. Cette découverte est donc historique, puisqu’elle comble un vide. D’autant qu’un élément supplémentaire a pu être trouvé dans les concrétions : chacune des trois périodes déterminantes que nous avons évoquées était reliée à une augmentation de la température (d’environ 5 degrés à chaque fois). Les paléontologues peuvent maintenant établir une corrélation dans l’évolution durant cette ère post-apocalyptique, entre la taille des mammifères, la diversité et la nature des plantes, ainsi que les conditions climatiques.

Concrètement, plus le climat était tropical, plus les plantes pourraient grandir et se diversifier, et ainsi apporter plus de nourritures (et de protéines) aux mammifères, leur permettant de prospérer et de grandir. C’est un système global, où plusieurs facteurs comptent et se combinent. En plus d’un apport au savoir paléontologique, le travail de ces chercheurs est donc déterminant pour mieux saisir la capacité de la planète à être résiliente après une extinction, un effondrement massif. Elle peut être particulièrement rapide à s’en remettre, car 100 000 à 700 000 ans, ce n’est rien à l’échelle terrestre.

Cette étude lève le voile sur le passé… et sur le futur. Nous vivons en effet une ère où une sixième extinction massive serait en marche. Comprendre les mécanismes de résilience de la planète peut aider les chercheurs à comprendre plus en détail ce qui est en train de se passer et l’avenir des écosystèmes.


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