Sylvain Tesson : "Le face-à-face avec l’animal, c’est la véritable expérience de l’Altérité"

Une panthère des neiges (7 janvier 2010, Banham Zoo, Norfolk, Royaume Uni) ©Getty - Jamie McDonald / Employé
Une panthère des neiges (7 janvier 2010, Banham Zoo, Norfolk, Royaume Uni) ©Getty - Jamie McDonald / Employé
Une panthère des neiges (7 janvier 2010, Banham Zoo, Norfolk, Royaume Uni) ©Getty - Jamie McDonald / Employé
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Comment rester à l'affût de la beauté? Avec "La panthère des neiges" (Gallimard, octobre 2019), Sylvain Tesson délivre un voyage poétique et géographique aux confins du Tibet et questionne le mode de vie de nos sociétés développées.

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Connu pour ses récits de voyage en Asie Centrale, en Sibérie, en Inde et, dernièrement, en France, l'écrivain Sylvain Tesson s’est rendu cette fois sur les hauts plateaux aux confins du Tibet, en plein hiver et à 5 000 mètres d’altitudes, avec le photographe Vincent Munier, sur les traces de la panthère des neiges. Prendre de la hauteur, regarder autrement, et attendre que l’un de ces derniers grands fauves apparaisse.

Son dernier livre, La panthère des neiges vient de paraître chez Gallimard. Cette quête quasi-mystique d’un animal longtemps cru disparu soulève de façon poétique des enjeux politiques et écologiques. Elle marque peut-être un tournant dans la démarche de l’auteur qui se se décrit avec humour comme un ancien "agité du Baïkal" et qui, après avoir frénétiquement parcouru le monde, fait l’éloge de l’attente, de l’espérance et de la patience suite à sa découverte de la méthode de l’affût qu’il érige au rang de philosophie_._

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Lorsque je voyage et que les choses sont conformes à ce que j'imaginais, c'est un voyage raté. L'affût vous mène à une forme de modestie : vous pensiez que la nature vous était donnée et elle recèle de chatoiements dont vous n'aviez pas idée. La patience est la vertu de l'affût. On s'installe dans la géographie au lieu de la parcourir. J'ai été amené à repenser mon usage du monde.      
(Sylvain Tesson)

L'idée de ce voyage est née de l'invitation du photographe Vincent Munier qui l'accompagne tout au long de cette aventure. Bien que sa démarche soit aussi politique, Vincent Munier n’est pas un vindicatif. Il opère un travail silencieux de mise en valeur, voire de restitution, de preuve par l’image. Plutôt que de montrer des océans pollués tel un lanceur d’alerte, il juge plus pertinent de montrer la beauté de ce qui peut se perdre et de ce qui peut se conserver.

C’est un texte conservateur, non pas au sens du réactionnaire politique mais au sens du conservateur de musée qui cherche à maintenir la beauté des œuvres. Pour Sylvain Tesson, nous vivons dans le plus beau des musées et nous sommes en train de le détruire. L’homme, obsédé par l’invention de nouvelles techniques et de nouvelles technologies, en oublierait de préserver ce qui est.

La beauté n'est plus un problème. Plus personne ne s'y intéresse. Certains siècles ont placé la beauté au pinacle. Aujourd'hui, on veut réduire le monde en nombres, en statistiques. Le vivier de formes vivantes du monde recule. C'est une des pires nouvelles que nous ayons entendue depuis longtemps.      
(Sylvain Tesson)

A plusieurs reprises, Sylvain Tesson compare l’apparition de la panthère à la mise en présence d’êtres chers disparus. Cette façon d’invoquer le souvenir par une sensation présente se nomme l’analogie par synesthésie et participe d’une démarche proustienne. Ces deux êtres chers que convoque la panthère sont sa mère, disparue en 2014, et une femme qu’il a aimée. Le texte est d’ailleurs dédié "A la mère d’un lionceau".

La première fois que je l'ai vue, j'ai cru voir ma mère défunte. Elle ressemblait à un chat.      
(Sylvain Tesson)

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