Agroalimentaire : la multiplication des applis contraint les industriels à réagir

Alors que les consommateurs utilisent de plus en plus les applications qui notent les produits en rayons, les fabricants commencent à reformuler leurs recettes et s’engagent à être plus transparents.

 L’application Yuka est devenue incontournable dans les supermarchés.
L’application Yuka est devenue incontournable dans les supermarchés. LP/Olivier Arandel

    Ce « carmin cochenille E120 », qui donne à la charcuterie sa jolie couleur rouge? Disparu, et remplacé par des extraits de betterave. Ces acides gras qui saturaient certains hachis parmentiers? Éradiqués, au profit d'extraits de levure. Voilà deux exemples parmi d'autres de recettes reformulées par Intermarché, qui a annoncé revoir, d'ici à la fin 2020, pas moins de 900 de ses produits, bannissant au passage 140 additifs. Le motif invoqué par l'enseigne a de quoi faire réfléchir tout le secteur de l'agroalimentaire : ils étaient mal notés sur l'application Yuka!

    La start-up a publié en septembre une liste de produits dont elle se targue d'avoir fait changer la recette. On y trouve ainsi les pizzas Fraich'Up de Buitoni ou encore les sorbets bio de Carte d'or, respectivement produits par Nestlé et Unilever. Deux géants de l'agroalimentaire…

    Si les applis du type Yuka et le Nutri-Score sont clairement en train d'accélérer la prise de conscience des industriels, les choses prennent du temps. Il y a une décennie, Intermarché avait été précurseur. « Nous avions reformulé 1 000 produits, sur la base de ce qu'on appelait alors le Nutripass », rappelle Thierry Cotillard, le président d'Intermarché. Pour ce patron charismatique, la vraie nouveauté est ailleurs : « le consommateur ne regarde plus seulement l'impact de ses choix sur sa santé, mais aussi sur l'environnement et sur la société, la rémunération des agriculteurs, le bien-être animal, etc. »

    Partant du même constat, un autre distributeur, Carrefour, a lancé en 2018 son programme Act for Food : plus de 100 matières controversées, notamment, seront supprimées. « Il y a une préoccupation incroyable des citoyens pour la nutrition, mais aussi pour le gaspillage, le plastique et bien sûr le bio », décrypte Bertrand Swiderski, directeur développement durable de Carrefour. L'enseigne a par ailleurs annoncé qu'elle afficherait d'ici peu le Nutri-Score sur plus de 7 000 produits…

    Quant à Danone, où, « chaque année, 20 % des recettes sont rénovées » pour contenir moins d'additifs et de sucre, il s'est engagé à rendre public sur son site, fin 2020, toutes ses recettes.

    «Ce mouvement doit s'opérer sans impact sur les prix»

    Mais dans ce louable effort de mieux-disant alimentaire et de transparence, distributeurs et fabricants se heurtent à deux problèmes majeurs. Le premier tient à la fiabilité des données. « Si les informations de Yuka sont de plus en plus justes, ce n'est pas forcément le cas des autres applis », regrette Sandrine Blanchemanche, de l'Association nationale des industries agroalimentaires. L'ANIA planche donc sur une base de données « fiable et mise à jour », codeonlinefood, qui sera abondée par les industriels et mise à disposition des applications. Le projet sera abouti d'ici à quelques mois.

    L'autre souci, et non des moindres, est économique : revoir les recettes peut avoir un coût. Or, relever le tarif de certains produits peut faire perdre des parts de marché. « S'il y avait des répercussions financières sur des articles alimentaires, nous nous engageons à baisser le prix des shampoings ou des lessives pour que le ticket moyen des ménages reste le même », promet Thierry Cotillard, d'Intermarché.

    Une préoccupation partagée par Carrefour : « ce mouvement doit s'opérer sans impact sur les prix, confirme Bernard Swiderski. Notre objectif, c'est la transition alimentaire pour tous. »