En Turquie, les réfugiés au cœur du jeu politique

Avec près de 3,6 millions de réfugiés syriens vivant sur son sol, la Turquie est devenue le premier pays d’accueil au monde. Un moyen de pression pour le président Erdogan, qui a menacé l’Europe « d’ouvrir les portes ». Quelle réalité derrière la provocation ? Notre reportage à Istanbul et Izmir.

 A Istanbul, le 17 octobre 2019, rue de la petite Syrie dans le quartier conservateur de Fatih près du Grand bazar, plusieurs magasins sont tenus par des Syriens.
A Istanbul, le 17 octobre 2019, rue de la petite Syrie dans le quartier conservateur de Fatih près du Grand bazar, plusieurs magasins sont tenus par des Syriens. LP/Yann Foreix

    Le regard craintif, l'adolescent rentre sa tête dans les épaules, en attendant que l'orage passe. « Tu dégages! », tonne le patron de ce bar d'Izmir, où ce jeune garçon syrien avait des velléités d'écouler quelques paquets de mouchoirs. « T'as deux mains, alors soit tu vas bosser, soit, encore mieux, tu vas faire la guerre », fulmine le commerçant, alors que le vendeur de rue prend la tangente. « Pendant ce temps-là, ce sont nos soldats qui vont mourir au front », peste le commerçant comme pour lui-même, en référence à l' opération militaire « Source de paix », qui se joue alors à la frontière sud du pays.

    Lentement, mais sûrement, la Turquie s'éloigne du temps où les Syriens étaient ses « invités. » Ceux qui maîtrisent le turc le parlent désormais dans la rue, plutôt que l'arabe, pour mieux se fondre dans le paysage. « Dans mon université, j'ai vu des collègues assumer de saquer des étudiants syriens du fait de leur origine », regrette une enseignante française. Un racisme et une discrimination qui, désormais, s'expriment de plus en plus ouvertement, même s'ils restent « bien en deçà de ce que qu'ils pourraient être », juge Hakan Bilgin, président de Médecins du monde Turquie.