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Les crimes de guerre se regar­dent en direct aujour­d’hui, filmés par ceux qui les commettent.

Déjà, il y a 80 ans, dans l’Est de l’Eu­rope, les troupes SS fil­maient leurs mon­stru­osités et archivaient le géno­cide. Le tri­bunal de Nurem­berg s’en servit et ces images mirent des années à être dif­fusées. Aujour­d’hui, le monde entier y a accès en un clic. La veu­lerie poli­tique, les trahisons, la lâcheté devant les crimes n’en est que plus abjecte.

Par Tamer Dursun Savaş, ve tavşan terlikli kadınlar

La guerre et des femmes aux chaussons en lapin

Parmi une dizaine de soldats, une femme, anxieuse. La soldatesque rit. Sur leur visage, la fierté d’avoir capturé une “ennemie”. Ils sont à la fois militaires, et hommes. Ils ont des armes à la main, des grades sur leurs épaules.
La femme est confuse.
La femme est seule.
La femme est désespérée.
Cet état de la jeune femme, donne de l’appétit à la horde entassée sur sa tête. Que se passe-il dans leurs têtes ?
Prendre des selfies avec elle, les envoyer à leurs familles…
Ou bien, la tuer.
Peut être la violer, avant de la tuer…

crime de guere

Un détail attire mon attention particulièrement.
Les mules à tête de lapin…
La femme porte aux pieds, des mules avec des lapins.
Cette innocence en plein milieu de la guerre, me gifle.
Au milieu de plein d’hommes dont la bave coule, dont le doigt est sur la gâchette, une femme avec des pantoufles à tête de lapin.
Et les yeux de la femme.
Ses pupilles.
Ils me racontent tellement de choses.
Je dois m’enfoncer six pieds sous terre et je ne dois jamais ressortir de là.
Les animaux…
Les enfants…
Les femmes.…
Un amas silencieux qui gémit sous la persécution de mes congénères qui, avec leur verge et armes, chient dans la bouche de la Terre.
La cruauté, le sang, la souffrance a infecté le monde.
Nous ne pouvons plus nous remettre.
Qui sait, peut être, ce serait la victoire des femmes portant des pantoufles à tête de lapin, contre les hommes armés et galonnés, et nous pouvons respirer un peu.
Qui sait…
Tamer Dursun

Le 21 octo­bre, à 21h, la com­bat­tante YPJ, Çîçek Kobanê, a été blessée à la jambe et est tombée entre les mains de dji­hadistes sup­plétifs d’Erdoğan, à Mişre­fa dans la région d’Ayn Issa (Serê Kaniyê).

L’im­age à la Une, est extraite d’une vidéo partagée comme images de vic­toire, par les dji­hadistes, qui ont cap­turé Çîçek Kobanê.

SOHR, l’Ob­ser­va­toire des Droits Humains de Syrie a annon­cé que le dji­hadiste présent sur cette vidéo, qui tout en riant aux éclats, men­ace Çîçek Kobanê de l’ ”égorg­er” et la définit comme “un porc du PKK”, est Yas­er Abdul Rahim, fon­da­teur du groupe de gang Failaq Al Majd, fondé par El Sham Corps, proche des Frères Musul­mans. Cet homme a par­ticipé égale­ment aux opéra­tions “Boucli­er de l’E­uphrate” et “Rameau d’O­livi­er” menées par la Turquie, mem­bre de l’OTAN…

Depuis, il n’y a aucune nou­velle de Çîçek Kobanê. Les YPJ, déclar­ent que la vie de cette jeune femme est men­acée, elles appel­lent à réa­gir.

Et pen­dant ce temps là, le même dji­hadiste, déjà accusé de crimes de guerre, est invité sans sour­ciller par la chaîne Al Jazeera, à l’an­tenne, en direct !

 

Ajout du 26 octobre 22h30 :

Il sem­blerait que grâce à la médi­ati­sa­tion et la mobil­i­sa­tion inter­na­tionale, la “pris­on­nière” YPJ Çîçek Kobanê n’ait pas été lais­sée par Erdoğan à la bar­barie de ses sup­plétifs dji­hadistes. Elle serait vivante et trans­férée en Turquie pour être jugée (selon les médias turcs).
Via Roja­va France sur Twit­ter, que vous pou­vez d’ailleurs suiv­re ! @RojavaFrance)

Nous atten­drons d’en savoir davan­tage pour une cam­pagne de sou­tien con­tre son incarcération.

Mise à jour du 30 novembre

Selon une agence de presse, Çiçek Kobanê a été emmenée à Riha (Urfa),  où elle a été opérée. Elle a été emmenée de l’hôpi­tal il y a qua­tre jours vers le départe­ment anti-ter­ror­iste du départe­ment de police. Elle a un broche dans le pied, ne peut se lever ni pren­dre soin d’elle seule.

Selon la même agence, Mak­bule Sünger, autre com­bat­tantE du YPJ, serait depuis trois jours au siège de la police mil­i­taire de Riha. Les deux femmes seront trans­férées à la cour pour “appar­te­nance à une organ­i­sa­tion ter­ror­iste” et incarcérées.

Mise à jour 2 juin 2020

Une audi­ence s’est tenue le 2 juin à d’Urfa. Hidayet Emek, l’av­o­cate, a exigé de par­ler à pro­pos de l’ar­resta­tion et de ses con­di­tions par­ti­c­ulières, non men­tion­nées au dossier. Elle a entre autre demandé : “Faisons la clarté  à pro­pos du groupe de l’Armée syri­enne libre qui l’a blessée et arrêtée. De quel droit  l’ASL tient-elle le pou­voir d’ar­rêter pour un tri­bunal turc ? La déten­tion devient illé­gale, et doit être men­tion­née dans l’acte d’accusation. Notre cliente vient de Raqqa, en Syrie. Compte tenu des accu­sa­tions dirigées con­tre elle, il est essen­tiel de com­pren­dre par qui elle a été illé­gale­ment arrêtée. Nous deman­dons égale­ment l’identification des per­son­nes impliquées dans son arresta­tion et leur men­tion dans le dossier.”
Le tri­bunal d’Ur­fa, après avoir repoussé les deman­des, a cepen­dant décidé la pro­lon­ga­tion de la détention.
Prochaine audi­ence le 28 juillet.

Mise à jour 23 mars 2021

Le Tri­bunal vient de ren­dre un juge­ment de per­pé­tu­ité aggravée, après avoir refusé de recon­naître que la juri­dic­tion turque n’é­tait pas com­pé­tente pour juger une per­son­ne syri­enne arrêtée illé­gale­ment en ter­ri­toire syrien par des mil­ices, blessée, puis enlevée en Turquie.


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Naz Oke
REDACTION | Journaliste 
Chat de gout­tière sans fron­tières. Jour­nal­isme à l’U­ni­ver­sité de Mar­mara. Archi­tec­ture à l’U­ni­ver­sité de Mimar Sinan, Istanbul.