Les députés ne sont pas prêts. Le 24 octobre, l'Assemblée nationale a rejeté un amendement visant à taxer les nitrites dans les charcuteries. Ces conservateurs sont utilisés pour lutter contre le botulisme, mais sont considérés comme cancérigènes probables par l'Organisation mondiale de la santé. Si la taxe était surtout un avertissement, certains industriels, comme Fleury Michon, proposent plutôt de détaxer les produits sains, au nom de la transition juste. 

Les industriels de la charcuterie l’ont échappé belle. En Commission des Affaires sociales, les députés avaient adopté une taxe sur les nitrites et ce, contre l’avis du gouvernement. "Consciemment, on est en train de faire courir un risque aux Français", avait défendu le député Modem Richard Ramos. Concrètement, les boudins, andouilles, rillettes, saucisses, tripes, lardons, jambon et autres charcuteries qui contiennent des additifs nitrités devaient être taxés à hauteur de 0,10 centime d’euros par kilo.
En cause, le soupçon de cancérogénicité qui pèse sur les nitrites. Mais ces bénéfices sont mis en avant par beaucoup d’industriels. Ces conservateurs servent en effet à lutter contre le botulisme et permettent d’allonger la durée de conservation. De même, ils accélèrent la maturation de la viande pour les fabricants, réduisant considérablement les coûts.
La charcuterie, un secteur en berne
Finalement, jeudi 24 octobre, l’Assemblée nationale n’a pas donné son feu vert à cet amendement après avoir reçu un avis défavorable de la ministre de la Santé Agnès Buzin. Un soulagement pour le secteur. Le rayon charcuterie accuse une baisse des ventes et souffre d’une mauvaise réputation auprès des consommateurs. Entre les préconisations de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) qui recommande de ne pas manger plus d’une demi-tranche de jambon par jour, la classification de la charcuterie comme cancérogène probable pour l’être humain par l’Organisation mondiale de la santé en 2015 et les émissions comme Cash Investigation qui mettent en avant les risques du nitrite dans ces produits… le secteur ne voit plus la vie en rose.
"Notre première réaction a été de considérer cette taxe comme une bonne nouvelle car elle aurait pu permettre de réduire le prix entre un jambon zéro nitrite et un conventionnel", indique David Garbous, directeur du marketing stratégique de Fleury Michon. Le fabricant a lancé il y a six mois une gamme sans aucun sel nitrité ajouté. Logiquement, la durée de conservation de ce jambon est de 8 jours au lieu des 21 habituels. Surtout, il est grisâtre, et non rose, c’est l’ajout de nitrite qui donne habituellement cette couleur.
Détaxer les produits sains, une alternative plus juste  
Ce qui n’empêche pas cette gamme d’avoir une très forte croissance dans le rayon. Une tendance qui se vérifie chez Herta et sa gamme sans nitrite ou encore chez Monique Ranoux. Les consommateurs répondent favorablement à ces offres. "Si les industriels cherchent des alternatives, c’est qu’ils savent qu’il y a un danger", notait devant la Commission Richard Ramos. "En réalité cette taxe a un impact financier très faible", mais elle porte un message aux industriels : "Si vous n’allez pas dans le sens de la santé et du bien-manger, alors on augmentera la taxe", prévenait le député.
Problème : les États généraux de l’alimentation visaient à rendre accessible à tous une alimentation saine et durable. Or, en augmentant le prix de la charcuterie, les classes populaires en seraient particulièrement impactées. "Après réflexion, il faudrait mieux détaxer les produits sains qui répondent à des critères comme le bio, le A sur le classement Nutriscore, le sans additif… ", avance David Garbous. "On sait que le frein pour l’État serait le manque de rentrée fiscale. Mais sur le long terme, si les produits sains sont plus accessibles, les maladies liées aux malnutritions seront réduites et donc le coût pour la sécurité sociale également", assure-t-il.
Marina Fabre, @fabre_marina

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