Zineb El Rhazoui : "On ne peut pas lutter contre le terrorisme en disant qu'il n'a rien à voir avec l'islam"
Zineb El Rhazoui, l'ancienne journaliste de Charlie Hebdo qui est aujourd'hui la femme la plus protégée de France, est l'invitée des pages "Débats" de La Libre. Elle livre une analyse sans concession de "l'idéologie islamique", des soutiens qu'elle trouve en France, et des difficultés qu'a l'État pour la combattre. Entretien.
- Publié le 20-10-2019 à 08h01
- Mis à jour le 28-02-2020 à 16h37

Zineb El Rhazoui, l'ancienne journaliste de Charlie Hebdo qui est aujourd'hui la femme la plus protégée de France, est l'invitée des pages "Débats" de La Libre. Elle livre une analyse sans concession de "l'idéologie islamique", des soutiens qu'elle trouve en France, et des difficultés qu'a l'État pour la combattre. Entretien.
Bio express
C'est accompagnée de policiers et de gardes du corps que l'ancienne journaliste de Charlie Hebdo est arrivée à La Libre. Rescapée de l'attentat du 7 janvier 2015 qui avait tué plusieurs membres de la rédaction du journal satirique (elle était au Maroc ce jour-là), cette diplômée de sociologie née en 1982 à Casablanca fait aujourd'hui l'objet de plusieurs fatwas de mort pour ses critiques envers l'islam et l'islamisme. Cela lui vaut d'être depuis cinq ans la femme la plus protégée de France. Elle quitte Charlie en 2016 suite à des désaccords avec la direction et publie, la même année, un livre sur l'attaque subie par l'hebdomadaire. Zineb (de son nom de plume) poursuit désormais son travail journalistique pour lutter inlassablement contre l'islamisme. Sa voix est forte, ses propos aiguisés tout autant que critiqués, alors que son point de vue est charpenté à partir de son athéisme et d'une laïcité intransigeante. Elle était présente le 10 octobre dernier pour les 50 ans de la laïcité organisée en Belgique, et est signataire de "L'appel de Liège" promulgué à l'occasion.
L'interview
L'attentat commis le 3 octobre dernier à la préfecture de police de Paris par un policier radicalisé vous a-t-il étonné ?
Avant tout, je rappelle que je n'aime pas le mot de radicalisation, car il n'est pas précis et ne veut donc rien dire. C'est un terme qui contribue à aseptiser le débat et à ne pas nommer les choses par leur nom. Moi, je parle d'islamisme. Pour en revenir à votre question, le fait qu'il y ait une infiltration par l'idéologie islamiste de la police ou d'autres appareils de l'État en France est un fait documenté. Ce qui est inouï ici, c'est que l'attentat touche la Direction du renseignement de la Préfecture, c'est-à-dire le service censé combattre l'islamisme. Les policiers n'ont donc pas vu que sous leur nez grandissait ce qu'ils appellent un radicalisé. Or, c'est justement parce qu'ils l'appellent de la sorte qu'ils n'ont pas vu les nombreux signaux qui permettaient pourtant de comprendre que cet homme était touché par l'idéologie islamiste. Cet attentat est donc une humiliation pour le renseignement français, et j'espère qu'il engagera une profonde réforme de ces services. Car, si l'auteur de l'attentat n'a pas été détecté, ce n'est pas tant dû à un problème de dysfonctionnement interne, qu'à un problème de doctrine.
Que voulez-vous dire ?
L'État français a une doctrine qui consiste à lutter contre le terrorisme, mais pas contre l'islamisme. Et quand il lutte contre le terrorisme, il lutte contre l'individu qui est en train de passer à l'acte, ou contre les possibilités de passage à l'acte. Mais il ne lutte pas contre toute la chaîne de production de cette idéologie d'endoctrinement des masses. Ni contre tout le discours qui ne nous permet pas d'interroger l'islam, et accuse qui le fait d'islamophobie. Or, on ne peut pas prétendre lutter contre le terrorisme, tout en disant qu'il n'a rien à voir avec l'islam.
Vous parlez de l'idéologie islamiste. Mais comment la définissez-vous ?
Le fascisme islamique est une pensée totalitaire, impérialiste, qui voue une profonde aversion aux femmes et aux homosexuels, aux arts, à la littérature, aux droits de l'homme et à la liberté. Il veut imposer la pensée unique, la haine de l'altérité, la terreur par les armes, et museler la liberté.
Vous combattez les trois "i" que sont l'islamisme, l'indigénisme et l'intégration. Que sont ces deux derniers, et que sont leurs dangers ?
Si les islamistes étaient une masse isolée qui ne bénéficiait d'aucune complicité idéologique, politique ou logistique, nous pourrions les vaincre très facilement. Les complices et les collaborateurs du fascisme islamique prennent plusieurs visages, mais je pense en priorité à la pensée indigéniste, décoloniale et intersectionnelle qui gangrène les universités.
Qu'est-ce qu'un indigéniste ?
C'est un racialiste qui pense que nos opinions, nos destins et nos prises de position sont déterminés par la couleur de notre peau. Ainsi, une femme noire aura toujours raison sur un homme blanc qui porte éternellement la culpabilité de ses ancêtres identifiés comme les seuls ancêtres dominants dans le monde. C'est donc une pensée qui passe sous silence les différents mécanismes de domination. Car si l'on prend une femme saoudienne ou une femme africaine excisée et mariée à 8 ans, je ne suis pas certaine que ses problèmes quotidiens soient liés aux mâles blancs occidentaux. Les indigénistes, sous prétexte de faire de la lutte antiraciste, inversent donc le racisme en disant qu'il faut se venger des blancs, et que ces derniers ne peuvent s'exprimer au nom des autres. Ces indigénistes sont aujourd'hui les grands complices des islamistes en refusant que l'on critique l'islam qui serait une religion minoritaire et persécutée en Occident. Enfin, les inclusifs sont ceux qui veulent inclure dans l'espace public ce qui relève de la foi, et donc de la vie privée. Ils ont les ennemis des valeurs laïques de la France.
Néanmoins, alors que certains à l'extrême droite récupèrent certains de vos propos, où commencent l'islamophobie et le racisme ? Par quels mots, par quelles formulations ?
Étymologiquement, l'islamophobie est la peur irrationnelle de l'islam, et non des Musulmans. Je pense qu'il y a beaucoup de gens, et j'en fais partie, qui ont peur de l'islam. Mais je pense tout autant que cette peur est rarement irrationnelle. Oui, moi j'ai peur aujourd'hui de l'islam, parce que le Coran dit qu'il faut tuer les gens comme moi. Je considère donc ma peur comme rationnelle et légitime. Et quiconque vient m'enjoindre de ne pas craindre une religion qui me condamne à mort et m'aliène, je lui rentre dedans. La peur de l'islam est une peur justifiée ; il y a quand même du sang qui coule au nom de cette religion.
Mais qui pose problème ? L'islam ou les islamistes qui pervertiraient la religion ?
L'islam est un ensemble de préceptes rédigés par des Bédouins dans le désert d'Arabie il y a quinze siècles. Je ne pense donc pas que l'islam puisse apporter des réponses majeures aux défis d'aujourd'hui. Par ailleurs, l'ayant étudié, je refuse de dire que l'islam est une religion de paix et d'amour. Le mot amour, en tant qu'amour universel ou amour de son prochain n'apparaît pas dans le Coran. Le terme y est, mais pour dire que dieu n'aime pas les mécréants, ou qu'on aime comme on aimerait manger de la salade. Jamais il n'évoque l'amour universel. L'amour universel est d'ailleurs interdit en islam selon lequel on n'a pas le droit d'aimer les non Musulmans. [Voir ci-dessous]
Mais revenons à la question : au-delà de la critique de l'islam, où commence le racisme contre les Musulmans ?
Moi, je me réserve le droit de dire exactement ce que je veux sur l'islam. Même la pire insulte. C'est mon droit le plus inaliénable. Ce qui n'est pas admissible par contre dans notre démocratie, c'est de dire "tous les Musulmans sont comme-ci". "Tous les Musulmans pensent cela". "Vous n'allez pas avoir tel droit parce que vous êtes Musulmans." Ça, c'est du racisme, car cela veut dire qu'on refuse une personne pour ce qui est inhérent à elle, et non pour ce qu'elle pense personnellement.
Eric Zemmour qui est au centre des débats en France, où le classez-vous ? Son discours est-il dangereux ?
On peut être d'accord avec Éric Zemmour sur le constat d'un problème de cohésion nationale. Mais ce sont ses solutions que l'on peut refuser. Il propose en effet de revenir à une France d'il y a 60 ans, à une France homogène et aux racines catholiques. Il refuse de voir la nation française pour ce qu'elle est désormais. Or, nous sommes obligés de trouver des solutions pacifiques et démocratiques avec la donne démographique et sociale que nous avons aujourd'hui. Quant à son discours sur la nécessaire assimilation des Musulmans, je ne suis pas contre en soi. Toute la question est de savoir à quoi on veut assimiler. Et c'est là, à nouveau, où je diverge avec Éric Zemmour. Moi, je suis pour une assimilation à la France dans ses valeurs républicaines, universalistes, la France héritière des Lumières. Moi, je suis pour la France de Romain Gary qui n'avait pas une goutte de sang français, mais qui était pourtant un Français remarquable. La France de Missak Manouchian, un des plus grands résistants et qui pourtant était Arménien. La France est aussi celle de ceux qui ont leur propre vécu, mais qui souhaitent honnêtement participer à l'aventure extraordinaire de la nation française. Et ces gens-là, je ne souhaite pas qu'on leur dise d'adhérer à la France blanche, catholique et romaine. La France ce sont des valeurs, et cela a toujours été un melting-pot. Et aujourd'hui, ce n'est pas le fait que la France soit un melting-pot qui pose problème. C'est l'insolubilité de l'idéologie islamiste en France qui pose problème. Et cette idéologie, elle n'est soluble nulle part, et il faut donc la combattre partout et tout le temps.
Note de la rédaction
"Je refuse de dire que l'islam est une religion de paix et d'amour. Le mot amour, en tant qu'amour universel […] n'apparaît pas dans le Coran", explique Zineb El Rhazoui. On ne réglera pas ici le débat. Notons cependant que la lecture du Coran que fait la journaliste est issue d'une interprétation que certains qualifient de littéraliste. D'autres interprétations existent. De nombreux auteurs, mystiques et théologiens, même réputés "orthodoxes", argumentent des lectures divergentes qui ouvrent le croyant à l'altérité. De même, certains noms définissant "Dieu" dans le Coran le qualifient de "celui qui aime d'amour amoureux".
Extraits
"Ça y est, le terme est entré dans le dictionnaire, exactement sous la forme souhaitée par ses partisans : être islamophobe, c'est se montrer hostile, sous quelque forme que ce soit, envers l'islam en tant que religion ou culture, et envers les musulmans […] qu'ils se définissent eux-mêmes comme musulmans ou qu'ils soient perçus comme tel."
"[Dès lors], émettre une critique envers l'Islam c'est se rendre coupable de facto d'un argumentum ad hominem envers des centaines de millions de personnes dans le monde, ainsi réduites à un ensemble humain homogène."
"Le fascisme islamique trouve hélas d'autres complices parmi les défenseurs des droits humains, notamment dans les milieux antiracistes. […] Les femmes en voile intégral sont devenues dans
les discours islamiste et identitaire de braves combattantes de la liberté individuelle et le burkini un habit d'émancipation."
"L'Europe, vaccinée contre les relents du fascisme qui ont détruit les structures politiques et sociales du XXe siècle, se laisse piéger par le fascisme islamique sous prétexte que celui-ci serait inhérent à la culture, donc aux droits d'une communauté ethnique."
Son livre

Détruire le fascisme islamique
Éditions Ring, 2016,
70 pp., 6,9 € environ