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Les voitures électrifiées restent rares en Europe et réservées aux pays riches

L'électrification des voitures reste encore très faible en Europe, pointe une étude. Et elle reste concentrée sur les pays riches. Mais comment les constructeurs vont-ils alors éviter les amendes prévues par les instances de l'Union? C'est la quadrature du cercle entre les visions politiques des élites bruxelloises et... la réalité des marchés.

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Recharge d'une Volkswagen Golf électrique

FRANCOIS LENOIR

Il va falloir faire très vite. Les amendes vont commencer à pleuvoir dès 2021 sur les constructeurs qui dépasseraient les plafonds draconiens d’émissions de CO2 instituées par Bruxelles. Ces pénalités seront calculées sur les rejets moyens des voitures de chaque constructeur dès l’an prochain. Pour réussir l’examen de passage, les ventes de véhicules électrifiés neufs (zéro émission et hybrides rechargeables) devront croître fortement. PSA veut carrément que ses modèles électrifiés, lancés à partir de janvier, représentent 7% de ses volumes en 2020. Le problème est que l’on part de très, très bas !  Et encore les émissions sont-elles censées encore chuter de 37,5% entre 2021 et 2030, selon les voeux des instances bruxelloises! Un volontarisme qui néglige les réalités des marchés. Une preuve du divorce entre des élites politiciennes et le niveau de vie réel des populations?

Une affaire de pays riches

Le taux d'électrification dans l’Union était de 2% l’an dernier, selon la dernière étude de l'ACEA (Association des constructeurs européens d'automobiles) diffusée ce mardi. C’est certes le double du score de 2015. Mais ça reste très faible. Le champion sur le Vieux continent est d'ailleurs un pays non membre de l’Union : la Norvège, où la part des voitures électrifiées (100% électriques et hybrides rechargeables) atteint les 49% du marché des véhicules neufs. La Suède atteint des records dans l’Union, avec un taux de... 8%, suivie des Pays-Bas (6,7%), de la Finlande (4,7%), du Portugal (3,4%), de l’Autriche et de la Grande-Bretagne (2,5%), la Belgique (2,4%),  la France et du Danemark (2,1%), de l’Allemagne (2%) qui dispose pourtant du plus grand nombre de points de charge pour 100 kilomètres (11,9, contre 2,3 en France).  Logique : ces Etats (sauf le Portugal) sont les... plus riches.

En revanche, les pays de l’Est ont globalement un taux extrêmement bas. Les modèles électriques et hybrides rechargeables représentent 0% en Croatie (mais aussi à Malte, Chypre et étonnamment au… Luxembourg), 0,2% en Pologne, 0,3% en Slovaquie, 0,4% en Lettonie et République tchèque, 0,5% en Estonie et Roumanie, 0,6% en Bulgarie et Lituanie. Pourtant, la Roumanie est le pays qui octroie les plus fortes subventions publiques à l’achat d’un rechargeable (jusqu’à 11.500 euros, contre 6.000 en France). Mais le niveau de vie roumain étant très bas, ces incitations ne compensent guère le surcoût et le manque de praticité de ces véhicules. La Hongrie culmine à 1,5%. Les pays du Sud (sauf le Portugal) ont aussi des niveaux d’électrification très bas, comme l’Italie (0,5%) ou l’Espagne (0,9%).

 

Cette étude, qui reprend en les amplifiant les données de celle parue en mai dernier, établit donc l’étroite corrélation entre électrification et niveau de richesse. Les pays les plus pauvres de l'Union sont globalement ceux où la part d'électrification est la plus faible! La Pologne et la Slovaquie ont respectivement des PNB par habitant de 12.200 et 16.600 euros seulement. Celui de la Norvège atteint, en revanche, 73.200 euros par personne. L'Allemagne a un PNB par habitant de 41.000 euros, la France de 36.200 euros.

Les véhicules électrifiés sont en effet fort chers, avec des contraintes sévères d'utilisation (recharge, autonomie limitée). Les électriques purs constituent ainsi souvent les deuxième ou troisième voiture d'un ménage aisé. Il faut compter en effet 32.100 euros (prix client) au minimum pour acquérir la toute nouvelle citadine Peugeot 208 électrique (hors aides de l’Etat), soit 11.400 euros de plus en France que la version à essence équivalente !  Pas donné. Une Renault Zoé zéro émission (à partir de 34.000 euros) est… 11.800 euros plus chère que la Clio thermique comparable et autrement plus polyvalente. Côté hybrides rechargeables, il y a aussi un écart de tarifs significatif. La future Peugeot 3008 HYbrid sera vendue 43.800 euros (version Allure), contre 36.500 pour la déclinaison à essence de 180 chevaux. Et encore, le constructeur accepte, pour lancer la machine, de ne pas gagner d’argent, voire d’en perdre, sur les premiers exemplaires en ne répercutant pas le vrai surcoût au client ! Il faut en effet compter 8 à 10.000 euros de coût rien que pour la batterie d'une Peugeot 208 électrique, selon PSA.

L'Italie favorise le gaz naturel

Certains pays favorisent du coup d'autres solutions alternatives à l'essence ou au diesel. L'Italie privilégie ainsi les voitures roulant au gaz naturel, nettement moins polluantes que les modèles à essence ou diesel. Pour un surcoût nettement plus modeste. Le taux de 2% de véhicules neufs au gaz naturel y est le plus élevé d’Europe. Certains Etats prisent le GPL (gaz pétrole liquéfié) et l’éthanol, moins polluants que les véhicules à essence et diesel et au surcoût encore plus modéré. Ces modèles pèsent 6,5% des volumes en Italie. Preuve que ce pays, peu électrifié, favorise pourtant d’autres solutions alternatives, nettement moins onéreuses que l’électrification... mais aussi moins efficaces !

D’autres spécificités sont aussi à noter, comme le taux de modèles hybrides (essence avec appoint de l’électrique, mais non rechargeables et de 7 à 10.000 euros moins chers qu'un hybride rechargeable). Celui-ci est relativement important en France (4,2%, grâce notamment à la Toyota Yaris fabriquée à Valenciennes), en Espagne (5,7%), en Lituanie (7,2%), en Finlande (9,8%). Quant à l’hydrogène, encore expérimental et dont les coûts sont encore bien plus importants que ceux des électriques et hybrides rechargeables, le moins que l’on puisse dire est qu’il reste anecdotique : 154 ventes de véhicules à pile à combustible l’an dernier seulement en Allemagne, 36 en France et en Grande-Bretagne, 13 aux Pays-Bas.

Rebond des émissions

La gageure de 2021 sera donc difficile. Les émissions de CO2 en Europe ressortent encore à 120,8 grammes au kilomètre (en 2018), pour un objectif de 95 en 2021. L’Europe vient certes de 145 il y a dix ans. Mais les émissions ont ré-augmenté légèrement l’an dernier et en 2017, par rapport au creux de 2016 (+2,1%). Comment s’explique cette hausse inattendue et mal venue ? Par les campagnes anti-diesel ! Car la baisse des ventes de modèles à gazole - qui rejettent 15% à 20% de CO2 en moins par rapport aux véhicules à essence -, est nocive à la lutte contre le supposé réchauffement. Les diesels neufs s’octroyaient l’an dernier 35% des ventes de voitures de l’Union, contre un pic de 55% en 2011.

La France se situe parmi les bons élèves européens en émissions moyennes de CO2 des véhicules  (112,2 grammes de CO2 par kilomètre en 2018), grâce justement à un taux de diéselisation qui demeure nettement supérieur à celui des autres pays, mais aussi parce que le matraquage fiscal des véhicules favorise les mini-voitures ! La France fait donc logiquement mieux en CO2 que l’Allemagne (129,9 grammes) ou la Grande-Bretagne (124,8 grammes), paradis des grosses voitures.

 

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