Il est 21 h 30. Une centaine de personnes sont attroupées devant une vitrine de la rue Olei Tzion, à Jaffa [dans l’agglomération de Tel-Aviv]. Nous sommes au Yaffa Knafeh, une adresse désormais incontournable. On m’informe que, si je veux être servi, je dois m’adresser à Abed, qui assure l’accueil à la porte, tablette informatique en main. Je suis le n° 24 sur la liste d’attente. Je lui demande si c’est toujours comme ça. Il lève le nez de sa tablette et jette un coup d’œil alentour : “C’est un peu mou aujourd’hui. D’habitude, la file d’attente fait toute la rue.”

La folie de la knafeh a vraiment pris cette année en Israël. De quoi s’agit-il ? D’un gâteau cuit dans des poêlons passés au four, à base de fromage salé, de pâte et de sirop de sucre qui, depuis quelque temps, connaît un incroyable succès. On sort le soir exprès pour en manger, il s’ouvre chaque jour un nouveau restaurant proposant un menu déclinant toutes sortes de knafehs, et le concept de “bar à knafeh”, qui hier encore aurait semblé absurde, s’impose de plus en plus facilement.

Au bout d’une petite demi-heure, mon téléphone vibre : “Nous sommes prêts à vous servir. Veuillez vous présenter à l’hôtesse d’accueil.” J’attends encore une dizaine de minutes que l’hôtesse se libère, je paie mes 25 shekels [6,40 euros] et vingt minutes plus tard, un nouveau message tombe sur mon portable : “La commande n° 498 est prête. Veuillez vous présenter au comptoir.”

Douceur branchée

J’avance vers le comptoir, et je n’ai plus que quelques minutes à patienter avant que l’on me tende enfin deux barquettes d’aluminium. Dans l’une, une mince part de knafeh toute chaude, de 15 centimètres de diamètre ; dans l’autre, un cube de crème glacée. Ce n’est pas mauvais, mais trop sucré à mon goût. J’adore la knafeh, mais celle-ci ne méritait pas une heure de queue dans une rue commerçante animée près du Marché aux puces. Je me demande d’ailleurs si un quelconque plat justifie une heure de queue.

Cette balade nocturne à Jaffa m’a appris deux choses. Premièrement, que la technologie a déjà envahi un nouvel aspect du quotidien, et deuxièmement, que la knafeh est branchée. C’était autrefois une douceur que l’on trouvait à tous les coins de rue dans la vieille ville de Jérusalem, la pâtisserie la plus artisanale et low-tech qui soit, comme l’évoque [le chanteur et compositeur israélien] Ehud Banai dans sa chanson Haknafeh Metuka :

La knafeh est sucrée / Un léger parfum d’encens flotte dans l’air / La knafeh est sucrée / Je me rappelle la douce lumière.”

À Jaffa, j’ai vécu une expérience high-tech. Depuis cette banale part de gâteau avalée sur un banc de la rue Olei Tzion, j’ai goûté de la knafeh dans plusieurs autres endroits aux quatre coins du pays. Certaines étaient très nettement meilleures, d’autres moins bonnes, mais jamais je n’ai eu à refaire la queue, fort au contraire. Presque partout, j’ai été accueilli par des sourires, on m’a offert de l’eau ou de la limonade fraîche, invité à m’asseoir, à me détendre et à respirer.

Esprit de sacrifice

J’ai lu un jour que le chef Haïm Cohen passait pour “le prophète de la knafeh locale”. Cela l’a beaucoup amusé quand je lui en ai parlé. “Je n’ai pas plus inventé la knafeh qu’Eyal Shani [chef israélien star, célèbre pour ses pitas fusion, qui a ouvert deux restaurants à Paris, le Miznon, dans le Marais, et le Miznon Canal, quai de Valmy] n’a inventé la pita. Ça a toujours existé – à Jaffa, à Jérusalem, à Nazareth. Il est vrai qu’on en trouve maintenant dans de grands restaurants israéliens, à commencer par le mien, le Yaffo Tel-Aviv”, concède-t-il.

“C’est un phénomène intéressant, que j’ai constaté lors de la dernière saison de [l’émission de

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Moshe Gilad
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