PROCESSix mois de prison avec sursis requis contre le «journaliste "gilet jaune"»

Six mois de prison avec sursis requis contre le « journaliste "gilet jaune" » jugé pour harcèlement

PROCESMarc Rylewski était jugé, ce mercredi, pour avoir harcelé durant plusieurs mois la journaliste Audrey Crespo-Mara
Le nouveau Palais de justice de Paris aux Batignolles. (Illustration)
Le nouveau Palais de justice de Paris aux Batignolles. (Illustration) - CHAMUSSY/SIPA
Thibaut Chevillard

Thibaut Chevillard

L'essentiel

  • Se présentant comme « journaliste de rue » ou « journaliste "gilet jaune" », Marc Rylewski était jugé ce mercredi pour « harcèlement moral ».
  • Durant plusieurs mois, il a importunité la journaliste Audrey Crespo-Mara qu’il attendait chaque semaine à la sortie de son travail.
  • La procureure a requis six mois de prison avec sursis et mise à l’épreuve durant deux ans. La décision sera rendue le 4 décembre.

A la barre, Marc Rylewski sourit. « Quelque part, ce n’est pas un procès très intéressant. Je regarderai votre jugement, ça sera intéressant de voir ce que la justice française pense de cette affaire », lance, très sûr de lui, le « journaliste de rue » au président. Ce cinquantenaire aux cheveux grisonnants comparaît, ce mercredi, devant la 10e chambre du tribunal correctionnel de Paris pour avoir harcelé, entre janvier et mai 2019, la journaliste Audrey Crespo-Mara. « Ce qu’on me reproche, c’est ma façon de poser des questions », se défend celui qui est fier d’avoir « interviewé près de 300 personnes ». Des vidéos qu’il poste ensuite sur sa chaîne YouTube. « Mais avec elle, ça a coincé… Est-ce de ma faute ? ! »

Le 7 mai, Audrey Crespo-Mara franchit la porte du commissariat du 15e arrondissement de Paris. Au policier qui recueille sa plainte, elle raconte être harcelée depuis quatre mois par un homme qui, plusieurs fois par semaine, l’attend devant son travail. Il est « agressif », « inquiétant », lui pose des questions et la filme avec son téléphone portable. Il lui fait « peur », ne sait plus comment faire pour l’éviter quand elle quitte les locaux de ses employeurs, TF1 et Europe 1. « Une fois j’ai dû me cacher dans la voiture de l’une de mes chroniqueuses », a-t-elle aussi raconté à l’agent qui l’écoutait. Ses collaborateurs la sentent « stressée », la voient parfois sangloter. Son mari, l’animateur Thierry Ardisson, confie aux policiers qu’elle vit un « cauchemar ».

« C’est vous qui avez trouvé ce surnom ? »

Audrey Crespo-Mara a reconnu son harceleur. Il s’est fait connaître en diffusant sur Internet une vidéo dans laquelle il tente d’interviewer un autre journaliste, Jean-Michel Apathie. Se présentant comme « journaliste “gilet jaune” », il avait interpellé le chroniqueur dans la rue pour lui poser des questions sur le traitement par Europe 1 du mouvement. Elle découvre ensuite qu’il a posté sur sa chaîne YouTube quatre vidéos de quelques minutes dans lesquelles elle apparaît. L’une d’elle est titrée : « Crespette, Darmanin ». « C’est vous qui avez trouvé ce surnom ? », demande le président. Réponse affirmative du prévenu, amusé. Dans une autre vidéo, elle s’énerve. « Vous êtes épuisant, ça fait trois semaines que vous me harcelez en bas de chaque endroit où je suis ! »

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Face aux magistrats, Marc Rylewski affirme ne pas vraiment savoir ce qu’il fait là. « Je ne pense pas que j’ai une agressivité particulière pour elle », clame-t-il en se frottant les mains. Avant d’ajouter : « Un jour, Ruquier m'a agressé et je n’ai pas déposé plainte pour autant. » Selon lui, Audrey Crespo-Mara devrait « faire autre choses » si la « top journaliste de TF1 » ne peut pas répondre aux questions qu’il lui pose. Lui, à l’en croire, est en passe de révolutionner la presse avec son audacieuse technique d’interview. Aux personnalités qu’il croise, il pose des « questions éclairées ». Contrairement aux journalistes qui ne peuvent « se permettre de critiquer l’Etat », ce dernier finançant « les journaux qui perdent de l’argent ».

« La loi est vague »

Pourtant, son expérience dans les médias est plus que limitée. « J’ai été photographe, j’ai bossé pour une chaîne de télé hongroise, j’ai fait des documentaires, j’ai la carte de presse internationale. » Peu importe qu’Audrey Crespo-Mara se soit fait délivrer par les médecins qui l’ont examinée une ITT (Incapacité totale de travail) de plusieurs jours. Marc Rylewski ne croit pas vraiment que la plaignante, absente à l’audience, ait pu être affectée par son attitude. « Face à moi, j’ai eu une femme forte qui n’a jamais voulu répondre à mes questions. Elle ne m’a pas donné l’impression que je lui faisais du tort, qu’elle n’avait pas les capacités de se défendre. » Mais le fait de l’importuner à plusieurs reprises, alors qu’elle lui a clairement dit qu’elle ne souhaite pas lui parler, n’est-ce pas du harcèlement ? « La loi est vague », ose le prévenu.

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Flirtant avec la théorie du complot, il sous-entend même qu’il a été placé en garde à vue à cause de Thierry Ardisson qui aurait, dit-il, soufflé à sa femme ce qu’elle devait déclarer précisément aux policiers pour qu’il soit arrêté. « Ce n’est pas elle qui décide du placement en garde à vue », tente de lui rappeler le magistrat, précisant qu’il avait filmé sa garde à vue avec une caméra cachée. Durant l’audience, le prévenu n’a exprimé aucun regret, ni demandé pardon à la journaliste. Bien au contraire. Estimant que son contrôle judiciaire l’a empêché de travailler à Paris depuis six mois, il lui réclame 15.000 euros.

Une « obsession » pour la journaliste

« C’est parce que c’est une personnalité publique qu’il a été donné suite à sa plainte », plaide son avocate, Me Emmeline Plets-Duguet, demandant la relaxe de son client. « Les paparazzis sont des enfants de chœur à côté de lui », estime pour sa part Me Jean Ennochi, réclament 5.000 de dommages et intérêts et l’interdiction pour Marc Rylewski de rentrer en contact avec sa cliente.


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Une analyse partagée par la procureure. Selon elle, celui qui « se proclame journaliste » a eu un « comportement de harceleur » envers la journaliste pour laquelle il a développé une « obsession ». Elle requiert six mois de prison avec sursis et mise à l’épreuve durant deux ans. La décision sera rendue le 4 décembre.

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