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Grâce à une Américaine de 6 ans, les figurines militaires compteront des femmes dans leurs rangs

Une petite fille a adressé une lettre à des fabricants de jouets pour leur demander pourquoi il n’existait aucune soldate en plastique. L’un d’entre eux a décidé de réparer cette injustice.

Publié le 30 octobre 2019 à 11h29, modifié le 30 octobre 2019 à 12h14 Temps de Lecture 4 min.

Prototype d’une femme soldate présenté par BMC Toys.

C’est bien connu, les « poupées c’est pour les filles, les voitures pour les garçons ». Enfin, en théorie. Car les jouets genrés ont du souci à se faire, et pas seulement en France, où vient d’être signée une charte pour promouvoir « une représentation mixte des jouets ». Aux Etats-Unis, Vivian Lord, 6 ans, a écrit une lettre pleine de fautes d’orthographe qui a eu le mérite de mettre les pieds dans le plat. Cette fillette qui vit à Little Rock, capitale de l’Arkansas, a pris sa plume pour dénoncer ce qu’elle a perçu comme une injustice : l’absence de figurines de femmes soldates.

C’est au cours de l’été que Vivian Lord a fait cette découverte. Alors qu’elle passait ses vacances en famille, en Alabama, elle a gagné quelques figurines en plastique dans une salle de jeux vidéo. « Elle était hypnotisée [par ses figurines], qu’elle alignait pour jouer », a raconté sa mère, Brittany Lord, dans l’Arkansas Democrat Gazette. Puis Vivian a demandé : « Pourquoi n’y a-t-il pas de figurines de soldats filles ? » Sa mère a avoué ne s’être jamais posé la question.

16 % de l’armée américaine

Pourtant, les femmes représentent 16 % des forces armées américaines : elles sont ou ont été pilote de chasse, comme Martha McSally ou Amy McGrath ; l’une d’elles dirige la 40e division d’infanterie de la garde nationale ; une autre une section d’infanterie dans les marines ; le New York Times a consacré un article à « quarante femmes qui racontent leur vie dans l’armée »

Vivian Lord a donc décidé d’en toucher deux mots aux fabricants américains de figurines militaires. Quelques recherches lui ont permis d’en identifier plusieurs – dont BMC Toys, en Pennsylvanie –, à qui elle a adressé une lettre :

« Pourquoi ne faites-vous pas des petits soldats filles ? La mère de mon ami est aussi dans l’armée, alors pourquoi vous ne la faites pas aussi ? J’ai vu les [soldats] roses, mais ce ne sont pas des filles, et les gens de l’armée ne portent pas de rose. Certaines filles n’aiment même pas le rose. Alors s’il vous plaît, pourriez-vous faire en sorte qu’[elles] ressemblent à des femmes ? Je jouerais avec elles tous les jours et mes amis aussi. Merci. »

A Jeff Imel, le président de BMC Toys, ce courrier en a rappelé un autre : en 2018, JoAnn Ortloff, une officier de la marine américaine, lui avait déjà écrit pour lui demander pourquoi il n’y avait pas de figurines de soldates. « J’ai grandi en jouant avec les soldats en plastique de mon frère, a-t-elle écrit. Mes 3 petites-filles sont jeunes. Je veux qu’elles jouent avec des soldates en plastique, mais il n’y en a pas. » Mme Ortloff siège aussi sein du comité consultatif pour les femmes militaire au sein du département de la défense.

De fait, depuis que les figurines militaires en plastique existent, elles n’ont pas vraiment changé, raconte le New York Times. Inventées à la fin des années 1930, ces figurines dont la taille varie entre quelques millimètres et quelques centimètres ont d’abord été produites en couleur « armée américaine » et moulées dans une variété de poses censées refléter la réalité. La demande pour ces « petits hommes verts » a explosé dans les années 1950 grâce à l’essor de la fabrication du plastique et au détriment des soldats en plomb, rendus moins attrayants par la crainte d’une intoxication.

Rapidement, ces figurines ont pris de la couleur : aux soldats américains en plastique vert olive se sont ajoutés les soldats allemands, moulés en gris, puis japonais en jaune, anglais en beige, etc. Ils ont voyagé dans le temps et l’espace, représentant les Romains, les guerres napoléoniennes, les cow-boys et les Indiens, les astronautes. En 2011, Time Magazine les a fait entrer dans son top 100 des jouets les plus populaires depuis le début du XXe siècle. Ils apparaissent aussi dans trois des films de la suite Toy Story.

Figurines livrables en 2020

Jeff Imel a donc fait ses devoirs. Il a découvert que dans l’histoire des figurines militaires en plastique, il y avait eu quelques exemples féminins : des Japonaises, à talons, et des infirmières militaires. Il a prévenu Mme Ortloff qu’il allait explorer l’idée, mais que préparer de nouveaux moules coûtait cher. La lettre de Vivian Lord, les multiples reportages de médias locaux puis nationaux sur la demande de cette petite fille et l’avalanche de courriers qui ont suivi ont toutefois accéléré le mouvement.

Courriers reçus par BMC pour l’encourager à produire des figurines de femmes soldates.

Le patron de BMC Toys a compris qu’il fallait réagir : « La plupart des figurines en plastique ont été fabriquées dans les années 1950 et 1960 et s’inspirent des soldats américains de la seconde guerre mondiale et de la guerre froide, époques auxquelles les femmes n’étaient pas autorisées à combattre, reconnaît-il auprès du Monde. Les figurines en plastique d’aujourd’hui sont faites avec ces vieux moules, ou des copies (ou des copies de copies) des figures plus anciennes. »

Il a donc changé son fusil d’épaule, mis ses équipes au travail, présenté des esquisses lors d’un salon du jouet en septembre, à Chicago. Les premiers prototypes sont une militaire debout, tenant une arme de poing et une paire de jumelles ; une autre tirant debout au fusil ; une autre, à genoux, tirant au fusil ; une autre allongée, tirant au fusil ; et une cinquième à genoux, tirant avec un bazooka. Le PDG de BMC va lancer une campagne de financement participatif avant d’entamer la production, pour des figurines livrables pour Noël en 2020. « Il faut un an pour développer une série », précise M. Imel.

Le jeu vidéo qui a détrôné les petits soldats a été plus prompt à mettre des personnages féminins à l’honneur, de Lara Croft (Tomb Raider) à Cortana (Halo) en passant par Ellie (The Last of Us). Même les franchises du jeu de tir à la première personne comme Battlefield et Call of Duty s’y sont pliés, provoquant l’ire de ceux qui affirment que pendant la seconde guerre mondiale, les femmes étaient cantonnées à des rôles de soutien. Oskar Gabrielson, directeur général de DICE, le studio qui développe Battlefield, n’en a cure : « Les personnages féminins sont là pour durer. »

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