L’actrice Adèle Haenel accuse un réalisateur «d’attouchements» alors qu’elle était mineure

L’actrice aux deux Césars accuse le réalisateur Christophe Ruggia d’«attouchements» et de «harcèlement sexuel» lorsqu’elle était âgée de 12 à 15 ans, dans un témoignage à Mediapart.

 La comédienne avait entre 12 et 15 ans lorsque Christophe Ruggia l’aurait harcelée sexuellement. Le cinéaste conteste « catégoriquement » les faits.
La comédienne avait entre 12 et 15 ans lorsque Christophe Ruggia l’aurait harcelée sexuellement. Le cinéaste conteste « catégoriquement » les faits. LP/Fred Dugit

    C'est une nouvelle bombe dans le petit monde du cinéma français. L'actrice française aux deux Césars Adèle Haenel accuse le réalisateur de son premier film, Christophe Ruggia, de l'avoir « harcelée sexuellement » et « d'attouchements » pendant et surtout après le tournage de « Les Diables », entre 2001 et 2004. Elle accuse donc Christophe Ruggia de comportements sexuels inappropriés, alors qu'elle était âgée de 12 à 15 ans, et lui de 36 à 39 ans. La comédienne à succès détaille son drame personnel dans un témoignage au site d'investigation Mediapart ce dimanche soir.

    Dans cette enquête de cinq pages, qui comprend plus de 33 témoignages, l'actrice vue dans « Les Combattants » décrit le processus d'emprise que le metteur en scène aurait opéré sur la petite fille de 12 ans qu'elle était, et qui aurait conduit à l'époque le réalisateur à commettre des actes répréhensibles sur une mineure.

    Christophe Ruggia nie catégoriquement

    Son témoignage est notamment corroboré par plusieurs proches du cinéaste et autres anciens collaborateurs. Cependant, Christophe Ruggia a réfuté « catégoriquement avoir exercé un harcèlement quelconque ou toute espèce d'attouchement sur cette jeune fille alors mineure » selon ses avocats, qui ont communiqué auprès du site d'information en ligne.

    C'est véritablement après le tournage, achevé le 14 septembre 2001, que la relation exclusive du cinéaste, âgé de trente-six ans, née pendant le tournage avec l'actrice de douze ans, aurait « glissé vers autre chose », affirme Adèle Haenel à Mediapart.

    Selon son témoignage très factuel, des « attouchements » auraient eu lieu à l'occasion de rendez-vous réguliers, le week-end, dans l'appartement parisien du réalisateur. Les souvenirs d'Adèle Haenel qu'elle livre à Mediapart sont précis : « Je m'asseyais toujours sur le canapé et lui en face dans le fauteuil, puis il venait sur le canapé, me collait, m'embrassait dans le cou, sentait mes cheveux, me caressait la cuisse en descendant vers mon sexe, commençait à passer sa main sous mon T-shirt vers la poitrine. Il était excité, je le repoussais mais ça ne suffisait pas, il fallait toujours que je change de place », confie ainsi l'une des actrices françaises les plus douées de sa génération.

    La « peur » qui la « paralysait »

    « Il cherchait à avoir des relations sexuelles avec moi », assure-t-elle. Elle souligne ne pas se souvenir « quand s'arrêtaient les gestes » du cinéaste, et explique que ses « caresses étaient quelque chose de permanent ». Elle raconte la « peur » qui la « paralysait » dans ces instants : « Je ne bougeais pas, il m'en voulait de ne pas consentir, cela déclenchait des crises de sa part à chaque fois », dans le registre de la « culpabilisation », affirme-t-elle encore. Christophe Ruggia, que nous avons contacté, n'a pas répondu à nos sollicitations.

    La comédienne de talent a coupé les ponts avec le réalisateur en 2005, et s'en est suivie une longue période de traumatisme où elle a même arrêté complètement le cinéma. Elle a ensuite passé, toujours selon son témoignage, dix années « à bout de nerfs », où elle ne tenait « presque plus debout ».

    « Je me suis sentie si sale à l'époque, j'avais tellement honte, je ne pouvais en parler à personne, je pensais que c'était de ma faute », explique l'actrice, qui craignait aussi de « décevoir » ou de « blesser » ses parents. « Le silence n'a jamais été sans violence. Le silence est une immense violence, un bâillonnement. »

    « Ce n'est pas parce qu'on est victime qu'on doit porter la honte, qu'on doit accepter l'impunité des bourreaux »

    Malgré la qualification d'actes pédophiles qui pourraient caractériser ses faits présumés, Adèle Haenel ne souhaite pas porter plainte, ne faisant pas confiance à la justice française : elle « condamne si peu les agresseurs » et « un viol sur cent ». « La justice nous ignore, on ignore la justice », affirme-t-elle dans cette enquête de Mediapart qui a duré sept mois.

    Toutefois, elle a précisé le but de sa démarche « militante ». « Ce n'est pas pour brûler Christophe Ruggia » mais pour « remettre le monde dans le bon sens », « pour que les bourreaux cessent de se pavaner et qu'ils regardent les choses en face », « que la honte change de camp », « que cette exploitation d'enfants, de femmes cesse », « qu'il n'y ait plus de possibilité de double discours ».

    Ces accusations d'Adèle Haenel font suite à d'autres affaires devenues publiques après l'émergence du mouvement #MeToo dans le prolongement de l'affaire Weinstein.

    Notamment les accusations de viols portées par la comédienne belgo-néerlandaise Sand Van Roy contre le réalisateur français Luc Besson depuis 2018 et pour lesquelles une information judiciaire a été rouverte en octobre dernier. Cette dernière a d'ailleurs soutenu l'actrice de « Portrait de la jeune fille en feu » sur le réseau social Twitter, ce dimanche.