Paris : les street artistes aussi célèbrent Léonard de Vinci

Le nouveau centre d’art urbain flottant Fluctuart rassemble une vingtaine de street artistes pour une expo clin d’œil, « Veni, Vidi, Vinci ».

 Fluctuart, port du Gros Caillou (VIIe), ce lundi. Cyrille Gouyette, auteur de l’exposition qui rassemble une vingtaine d’artistes, héritiers parfois insoupçonnés de Léonard de Vinci.
Fluctuart, port du Gros Caillou (VIIe), ce lundi. Cyrille Gouyette, auteur de l’exposition qui rassemble une vingtaine d’artistes, héritiers parfois insoupçonnés de Léonard de Vinci. LP/Elodie Soulié

    Au Louvre une exceptionnelle rétrospective, en bord de Seine un écho totalement inédit, et un réjouissant voyage à travers le temps, l'histoire de l'art mais aussi des sciences et des inventions : Léonard de Vinci, dont le Musée du Louvre célèbre le génie à l'occasion du 500e anniversaire de sa disparition, aurait assurément adoré le street-art.

    Il se serait reconnu dans les œuvres de « Veni, Vidi, Vinci », l'exposition qui s'ouvre ce vendredi sur la barge Fluctuart, premier centre d'art urbain flottant ouvert en France, gratuit et ouvert à tous, 7 jours sur 7 en contrebas du pont des Invalides (VIIe).

    Des liens entre l'art ancien et le street-art

    Graffeurs, spécialistes du pochoir, du collage, du détournement d'œuvres, de l'installation monumentale : à chacun sa technique et son support, mais à tous un héritage parfois insoupçonné de Vinci. Un héritage que l'auteur de l'exposition, l'historien d'art Cyrille Gouyette, passionné par les liens entre l'art ancien et le street art, a réveillé et mis en scène.

    Il en résulte un parcours d'oeuvres clins d'œil à Vinci le peintre, l'anatomiste, l'inventeur, le scientifique, et finalement l'inspirateur qu'il reste pour les artistes d'aujourd'hui, de Speedy Graphito à Blub, Ozmo, Pang, Madame, Faith 47, Swoon, Ristori, Bom. K et autres Logan Hicks…

    Vinci incarnait « la créativité débridée »

    « Aujourd'hui c'est l'art urbain qui porte l'élan créatif et apporte ce vent de changement qu'apportait Léonard de Vinci à son époque, estime Cyrille Gouyette. Il incarnait l'innovation artistique, la créativité débridée, la curiosité pour le monde qui l'entoure ! Chacun des artistes que j'ai voulu réunir ici aborde de près ou de loin une question de l'œuvre de Vinci, et tous sont dans le faire, comme l'était Léonard de Vinci en permanence. Ils sont tous issus de cet héritage ancien, qui continue à résonner dans leurs œuvres ». D'ailleurs pour Cyrille Gouyette, « le regard contemporain de ces artistes sur les œuvres anciennes les rafraîchit ».

    Incontournable Joconde

    Le public découvrira ainsi une sélection inhabituelle de l'incontournable Joconde. Un prétexte pour aborder « la question du sourire, et du statut du chef-d'œuvre, de l'authenticité », explique l'historien. Numérisée et pixelisée par l'un, incroyablement floutée par un autre, affublée d'un masque de plongée, reproduite et adjointe d'un faux sac de luxe en bronze, en pied et de dos, soulevant sa robe pour nous montrer ses fesses… à Fluctuart, entre hommages et parodie parfois provocatrice, la Joconde passe à la moulinette des temps et par toutes les techniques, en gardant malgré tout son énigme et son statut iconique.

    « Les détournements de la Joconde ont été nombreux au XXe siècle, de Marcel Duchamp à Andy Warhol, rappelle Cyrille Gouyette. Les street-artistes se sont approprié l'œuvre ».

    Plusieurs artistes se sont carrément installés à Fluctuart pour y réaliser « in situ » des œuvres monumentales en vue de l'exposition. Ainsi l'Italien Andrea Ravo Mattoni, qui a choisi la technique très ancienne du quadrillage pour transposer en fresque monumentale sa vision du génie florentin.

    Célèbre pour sa spécialité, la copie d'œuvres classiques de façon ultramoderne… au spray, ce street artiste à la fois académique et inventif a ainsi reproduit des Delacroix ou des Georges de La Tour sur des murs, des immeubles du monde entier. Ici, maniant ses sprays comme un magicien qui s'amuse, il fait sortir la Belle Ferronnière et le portrait de Saint Jérôme de la tête de Vinci.

    A partir de vendredi, du mercredi au dimanche de midi à minuit, 2 port du Gros-Caillou (VIIe).

    L’Italien Andrea Ravo Mattoni est devenu célèbre par ses copies au spray de chefs-d’oeuvre des musées./   LP/Elodie Soulié
    L’Italien Andrea Ravo Mattoni est devenu célèbre par ses copies au spray de chefs-d’oeuvre des musées./ LP/Elodie Soulié LP/Elodie Soulié

    150 000 VISITEURS DEPUIS 4 MOIS

    Lieu pionnier, ouvert à tous les publics, 7 jours sur 7 et gratuitement, Fluctuart était le pari un peu fou, lancé par des passionnés désireux de « mettre l'art urbain à la portée de tous les publics ».

    Quatre mois après son ouverture, le 4 juillet en contrebas du quai d'Orsay et du pont des Invalides (VIIe), le paradis flottant de 1 000 m2 dédiés au street-art a trouvé son public : 150 000 visiteurs en ont passé le pont, une fréquentation que n'osait espérer si vite Nicolas Laugero-Lasserre, directeur artistique et cofondateur de Fluctuart. « 4 000 personnes chaque samedi en moyenne, plus de 2 500 le dimanche, c'était inattendu et nous sommes vraiment heureux de cet engouement ! » s'enthousiasme-t-il.

    Fluctuart, projet à 4 M€ sans un centime d'argent public, montre aussi que « c'est possible d'être privé et gratuit », en faisant au moins aussi bien que les musées publics.