Nord. Brûlures, coups, humiliations : un détenu raconte son calvaire en cellule

Un détenu d’une prison de Lille a subi des sévices de la part de deux hommes qui partageaient sa cellule. Il a raconté « son horreur » aux assises du Nord ce mardi.

Photo d’illustration.
Photo d’illustration. (FRANÇOIS DESTOC/LE TÉLÉGRAMME)

« Ils s’acharnaient sur moi ! » : un ancien détenu d’une prison lilloise a raconté mardi aux assises du Nord les multiples sévices, « brûlures », « coups », brimades et « tentative de viol », infligés pendant plusieurs jours en 2013 par deux hommes qui partageaient sa cellule, pourtant « trop petite » pour trois. « Je hurlais de douleur, je me débattais (…) J’avais l’impression qu’ils n’arrêteraient jamais », lance Bachir, 25 ans, encore plein de « rage » à la barre de la cour d’assises de Douai (Nord). Face à lui, les deux accusés Driss El-B. et Driss A., poursuivis pour « torture, actes de barbarie » et « tentative de viol », gardent les yeux au sol.

Incarcérés ensemble en avril 2013 au sein de la maison d’arrêt de Lille-Sequedin dans une cellule normalement conçue pour deux, les trois détenus âgés de 18, 19 et 20 ans ont au départ de « bons » rapports, assure Bachir. Driss El-B., ancienne « connaissance du quartier », à Roubaix, qui exécute huit mois de prison pour des délits liés aux stupéfiants, « dort sur le lit superposé ». Driss A., quatre mois de prison pour vol, échange avec Bachir le lit du bas et le matelas au sol, « une semaine sur deux ». Lorsqu’ils s’ennuient, les codétenus se prêtent à des « jeux de lutte », en « corps à corps ». « Mais petit à petit, ils se sont mis à deux contre moi, c’est devenu plus intense, plus dur », dénonce Bachir. À coups de pieds, de poings, les combats laissent des marques visibles sur le corps du jeune homme, qui « ne sort plus » en promenade.


Humiliations, insultes homophobes et menaces


Mais les faits de torture « ont vraiment commencé avec la bouteille d’épices. Driss A. me tenait, Driss El-B. a essayé de l’introduire dans mon anus », affirme Bachir en dénonçant une « tentative de viol ». Les dates, causes et circonstances restent floues. Pudique, Bachir peine à raconter, atteint dans « son honneur ». La Cour revient sur l’épisode d’un « strip-tease », exécuté « pour rire » par Bachir à la demande d’un codétenu et décrit pendant l’instruction comme un moment de bascule. « Ça m’a fait péter les plombs », avait dit Driss El-B aux enquêteurs. Pendant une dizaine de jours, les accusés infligent alors à Bachir de nombreuses brûlures, dont une de 12 cm de long administrée à l’aide d’une casserole bouillante, d’autres sur le torse et les bras avec des capuchons de stylo fondus ou encore sur les parties génitales avec des allumettes.

Selon l’enquête, Driss El-B., souvent décrit comme le « meneur », va jusqu’à appliquer de l’eau de Javel sur les plaies encore à vif, disant vouloir les « désinfecter ». Bachir subit aussi des humiliations, insultes homophobes et menaces mais n’entend « pas parler » et veut « régler ça » lui-même. C’est la sœur de Bachir, inquiète après avoir vu son frère « plein de sang » au parloir, qui appelle finalement à l’aide un ex-éducateur puis l’administration pénitentiaire, malgré les « menaces » de plusieurs « amis de Driss El-B. », déclenchant ainsi la procédure judiciaire.


« Un épisode de plus des violences carcérales »


« Pardonne-moi, même moi, je ne comprends pas pourquoi j’ai fait ça », lâche Driss El-B. depuis le box des accusés. Actuellement incarcéré pour d’autres faits, il dit désormais « vouloir assumer » après avoir longtemps nié. « J’ai tout fait », balbutie-t-il : « pour la bouteille, je ne sais pas si c’est arrivé, je n’ai jamais voulu le violer ». Comparaissant libre, Driss A. nie de son côté toute participation et charge son co-accusé. « J’aurais dû parler » mais « j’allais sortir de prison. J’avais peur », « je n’ai pensé qu’à moi », lâche-t-il.

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Appelés à la barre, des experts soulignent « l’immaturité » des codétenus, la personnalité violente de Driss El-B. et « l’effet de groupe » devenant « engrenage » dans le « huis clos de la cellule ». « Ce sont des violences innommables, portées à un degré supérieur à ce qu’on voit habituellement », commente l’avocat de Bachir, Charles Cogniot, y voyant toutefois « un épisode de plus des violences carcérales ».

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