Impeachment de Donald Trump : la bataille de l'opinion

Gordon Sondland à Bucarest en septembre 2019 ©AFP - Daniel MIHAILESCU
Gordon Sondland à Bucarest en septembre 2019 ©AFP - Daniel MIHAILESCU
Gordon Sondland à Bucarest en septembre 2019 ©AFP - Daniel MIHAILESCU
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Ce mardi, un témoin-clé de l'enquête en destitution de Donald Trump a modifié sa déposition, reconnaissant que la Maison Blanche s'était bien livré à un chantage auprès de la présidence ukrainienne : pas d'aide militaire US si vous ne nous aidez pas à salir la réputation du démocrate Joe Biden.

Nous lisons ce matin la presse américaine, qui fait ses grands titres sur l'enquête en destitution contre Donald Trump. 

Vous l'avez entendu dans nos journaux, cette enquête lancée par les démocrates du Congrès américain en vue d'un possible impeachment du président  a connu un premier tournant la semaine dernière : les élus de la Chambre des représentants ont voté pour que les travaux de la commission d'enquête soient rendus publics, que les auditions de collaborateurs de Donald Trump se fassent au grand jour, et que les comptes-rendus des témoignages déjà recueillis soient eux aussi publiés in extenso. Ca change beaucoup de chose, et on en eu la preuve pas plus tard qu'hier. 

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Hier donc, nous dit le New York Times, le témoin-clé Gordon Sondland, actuel ambassadeur américain auprès de l'Union européenne et grand mécène de la campagne Trump 2016, a demandé à ce que son témoignage devant la commission soit modifié. Et pas n'importe quelle modification : elle concerne le coeur-même de ce qui est reproché au chef de l'Etat. Sondland, pendant son audition le mois dernier à huis-clos (mais qui a donc été publiée hier) avait fait mine de tout ignorer de ce qu'on appelle dans cette enquête le "quid-pro-quo" ( qui ressemble bien à un faux ami en français et qu'on pourrait tout simplement traduire par "chantage") à savoir le fait que l'administration Trump ait conditionné le versement de l'aide militaire américaine à l'Ukraine (un peu plus de 350 millions d'euros) au déclenchement par la justice ukrainienne d'une enquête sur les affaires dans ce pays du fils de Joe Biden, lequel est pressenti pour être le candidat des démocrates à la présidentielle de l'an prochain.  

En gros, "si vous ne nous donnez pas des infos compromettantes sur notre adversaire politique, nous ne vous donnons pas les armes dont vous avez besoin pour vous défendre en pleine guerre larvée avec la Russie". C'est ça le "quid-pro-quo" dont on parle tant dans les journaux américains depuis quelques semaines ; et hier, donc, dans la version modifiée de son témoignage, l'ambassadeur Sondland a expliqué qu'il "s'était souvenu" de conversations sans équivoque sur le sujet, que "ça lui était revenu en mémoire" alors qu'il "n'y avait pas pensé" lors de sa première déposition pourtant réalisée sous serment. 

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La peur du parjure avec lequel on ne plaisante pas aux Etats-Unis, voilà donc qui, selon Politico, semble avoir poussé Gordon Sondland à se rafraîchir la mémoire et à reconnaître l'existence du fameux "quid-pro-quo". Il admet avoir lui-même dit, texto, à un conseiller du président ukrainien Volodomir Zelensky que non, l'aide militaire ne serait pas débloquée tant que Zelensky n'auraient pas officiellement communiqué sur la procédure anti-corrpution à l'encontre de Biden fils "comme cela a déjà été discuté ces dernières semaines" entre les deux administrations présidentielles.  

On est donc face à un témoin majeur qui change sa version des faits, et plus largement l'entourage de Donald Trump qui change de stratégie de défense dans cette enquête en destitution. C'est l'analyse qu'en fait David A. Graham dans The Atlantic : les Républicains reconnaissent désormais le quid-pro-quo, la diplomatie parallèle du chantage... mais ils estiment qu'il était en quelque bien intentionné, qu'il s'agissait de lutter contre la corruption et de confondre un homme d'affaire américain dans un business de l'énergie ukrainiennne qui serait forcément suspect. 

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En aucun cas donc les hommes du président n'auraient détourné les moyens de la diplomatie américaine à des fins politiciennes et personnelles, à savoir salir la réputation d'un concurrent pour la prochaine présidentielle.  Cette thèse ne tient pas, selon David Graham : les transcriptions des premières auditions (celle de Sondland mais pas seulement) prouvent que Trump et son avocat Rudolph Giuliani nourrissaient une "obsession" contre Joe Biden et son fils et que c'est clairement à fin de leur nuire qu'ils ont fait pression sur la présidence ukrainienne.

D'ailleurs, même le quotidien conservateur The Washington Examiner reconnait qu'il devient difficile de défendre Trump dans cette affaire. Car il y a une nuance de taille : vouloir demander à l'Ukraine de participer à une enquête lancée aux Etats-Unis contre un  citoyen américain, c'est une chose, mais forcer l'Ukraine à enquêter sur un rival politique alors qu'aucune procédure n'est lancée en Amérique, c'est clairement "insidieux, inapproprié... et illégal", selon Quinn Hyllier à lire donc dans le Washington Examiner.  

Que l'on se rassure : tout ça n'empêche pas Donald Trump de nier en bloc, de critiquer l'enquête, ni de redire qu'il est victime d'une chasse aux sorocières partisane. Citée par Politico, sa porte-parole à la Maison-Blanche déclarait hier encore que, malgré la publication des témoignages, cette enquête en impeachment n'était qu'un "simulacre de mise en accusation illégitime" vide de toute preuve.  Et de toute façon Mitch McConnel, le chef de file des républicains au Congrès, a lui aussi redit que "même si un procès, aujourd'hui, aboutissait à la destitution de Donald Trump, le sénat à majorité républicaine y mettrait son véto"

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Intéressant d'ailleurs de voir qu'il dit "si ça se passait aujourd'hui"... mais qu'en sera-t-il dans quelques mois ? L'enquête se fait désormais au grand jour, et ses révélations sont chaque jour un peu plus compromettantes pour la présidence. Dans le Washington Post, Mark A. Thiessen confirme que désormais c'est une bataille de l'opinion qui se joue ; et s'ils ont peu d'espoir de convaincre leurs adversaires républicains, les élus démocrates savent qu'ils peuvent gagner des électeurs avec toute cette affaire. Ne pas forcément chasser Trump de la Maison Blanche, mais en tous cas s'assurer, par la voie des urnes, qu'il ne sera pas réélu pour un second mandat. C'est encore très loin d'être gagné. 

Journal de 22h
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