"J’ai fait semblant de m’évanouir pour qu’ils arrêtent": ces parents et enfants victimes de harcèlement scolaire brisent le silence

Dans le cadre de la Journée de lutte contre le harcèlement à l’école, des mamans et des victimes brisent le silence. À Menton comme dans l’arrière-pays, le fléau est bien réel. Et commence dès l’école primaire.

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Stéphanie Wiélé et Rachel Dordor Publié le 07/11/2019 à 10:45, mis à jour le 07/11/2019 à 10:45
Attaques verbales, physiques ou psychologiques... Le harcèlement est une violence répétée sur une longue période rendant la vie de l’enfant infernale. Photo Michael Alesi, Frédéric Cirou et DR

Intimidations, menaces, moqueries, bousculades. Cette barbarie des temps modernes peut se dérouler sur le chemin de l’école, dans le bus, à la cantine, dans les couloirs ou même par SMS et sur la toile...

De l’école au collège en passant par le lycée, le harcèlement scolaire est présent partout. Menton, Roquebrune et les villes alentour ne sont pas épargnées par ce fléau.

À l’occasion de la Journée de lutte nationale contre le harcèlement à l’école, organisée ce jeudi, des mamans et des victimes témoignent et alertent sur ces agissements hostiles et sournois du quotidien.

Car le phénomène a gagné du terrain surtout avec l’apparition du cyber-harcèlement. L’inspection d’académie prend le problème "très au sérieux" et considère qu’il s’agit d’une "priorité". Même si de nombreuses actions de prévention sont menées et que la parole se libère davantage, il reste encore un long chemin à parcourir...

Gisèle: "Ma fille se faisait traiter de poubelle, de débile"

"Pour ma fille Isabelle, ça a débuté en CM1. C’est une excellente élève qui a commencé à détester l’école à cause d’une camarade", témoigne Gisèle.

Il y a quelques années, la Mentonnaise a dû faire face au harcèlement quotidien de son enfant. L’enfer aura duré deux longues années.

"Une fille a commencé par la perturber durant les évaluations, à mettre des coups de pied dans sa chaise et sa table. Un jour, elle a dit à Isabelle qu’elle “était sur sa liste” et qu’elle voulait l’embêter “pour qu’elle ait des mauvaises notes”."

Mais le harcèlement ne s’est pas arrêté là. Le bourreau d’Isabelle profite de la moindre occasion pour lui tirer les cheveux, la pincer, lui chanter des chansons d’insultes ou lui faire des grimaces en classe.

"Ma fille se faisait traiter de poubelle, de débile et de blonde", poursuit Gisèle. La jeune harceleuse finit même par échafauder un plan pour que sa victime se retrouve sans amis.

"Cette fille disait à tout le monde qu’Isabelle était mauvaise et méchante et que c’est ma fille qui l’avait frappée!" En fin d’année, la Mentonnaise demande au responsable de l’école que son enfant soit éloignée de son agresseur en classe supérieure.

"On m’avait assuré qu’elles seraient toutes les deux dans des classes différentes. Finalement, elles se sont retrouvées ensemble en CM2! Isabelle a vécu une nouvelle année de cauchemar... Elle pleurait tous les soirs et me disait qu’elle était bonne à rien. J’ai vraiment eu la sensation de n’a pas être écoutée par la direction de l’école et j’ai décidé de changer d’établissement."

En 6e, l’adolescente est inscrite dans un collège éloigné de son agresseur.

"Aujourd’hui, ça se passe bien. Néanmoins, ces années de terreur en primaire l’ont grandement fragilisée. Et Isabelle a toujours cette angoisse de retrouver cette fille un jour en classe de seconde."

Aurore: "Ma fille a assisté à des attouchements"

Violence verbale, physique... le harcèlement peut aller encore plus loin dans l’horreur. "Ma fille Manon a assisté l’année dernière aux actes de harcèlement scolaire avec attouchements d’une de ses camarades de classe", témoigne Aurore. La Mentonnaise déplore le peu d’information liée à cette grave agression. "En tant que maman, j’ai beaucoup regretté que personne n’ait pris la peine de m’informer de la gravité de la situation de harcèlement à laquelle ma fille avait assisté. Plutôt que de vouloir rassurer les parents, il vaut mieux les informer clairement et immédiatement."

Farid: "Je pensais que c’était de ma faute"

Farid a voulu se suicider. Mourir. "Pour que tout le monde soit tranquille..." En 2015, le jeune garçon a été harcelé durant deux mois. C’était en classe de 6e.

"Un jour, je me suis fait sortir de classe par un surveillant. Un garçon de 4e m’a repéré et c’est comme ça que tout a commencé."

Il y a d’abord eu les insultes et les bousculades. Puis, l’agresseur l’a fait tomber dans les escaliers.

"Un jour, il a pris mon cartable et a cassé les stylos, les feutres... Je ne savais pas quoi faire et je pensais que c’était de ma faute." Puis, le harceleur s’en est pris physiquement à Farid.

"Un jour, avec ses copains, il m’a donné des coups de poing. J’ai fait semblant de m’évanouir pour qu’ils arrêtent." À la cantine, son tortionnaire le saisit à la gorge.

Désespéré, le garçon décide de se confier à son professeur de taekwondo, Anthony Malvault explose en larmes.

Sa mère, Magalie porte plainte et décide de changer son fils d’établissement après deux mois de torture.

"À son arrivée dans son nouveau collège, Farid avait perdu confiance envers les adultes et il était devenu presque “harceleur”. Il a fallu faire un gros travail avec l’équipe pédagogique pour qu’il ne retombe pas dans un cycle de violence. De plus, cette situation a fait des dommages collatéraux sur toute la famille."

Trois ans plus tard, Farid a réussi à se reconstruire. Petit à petit.

"Je regrette de ne pas avoir su me défendre. Désormais, je ne veux plus jamais être rabaissé."

L’an dernier, l’adolescent a même réussi à partager son expérience dans le cadre de la Journée de lutte contre le harcèlement scolaire. "Je ne m’en sentais pas capable. Et pourtant... Aujourd’hui, j’ai envie d’aider d’autres jeunes qui ont subi le harcèlement."

Catherine: "Il m’a fallu du temps pour me reconstruire"

Âgée de 29 ans, Catherine (le prénom a été changé, NDLR) a été harcelée au collège et au lycée par une camarade. "Au début, c’était une copine. Elle profitait de moi et elle se moquait. Elle me disait “tu n’auras jamais de copain”, “tu sers à rien”. Mais elle s’excusait à chaque fois et je lui pardonnais.", confie la Roquebrunoise.

Mais en seconde, la perversion a franchi un seuil. "Les insultes, les menaces et les moqueries ont continué et un jour, elle m’a même poussée dans les escaliers et giflée!" Malgré les alertes répétées de Catherine, personne ne prête attention à cette violence répétée qui se déroule à la vue de tous.

"Au lycée, tout le monde s’en fichait! Mais moi, j’avais sans arrêt mal au ventre et à la tête à cause d’elle et mes notes ont vraiment baissé." Les agressions vont perdurer jusqu’à la terminale.

Puis, Catherine prend son envol et déménage sur Nice. "Là, j’ai pu vraiment respirer et oublier cette période horrible. Néanmoins, il m’a fallu du temps pour me reconstruire. Heureusement ma famille m’a aidé à reprendre confiance en moi."

Aujourd’hui, la jeune femme se sent épanouie.

"J’ai déjà croisé dans la rue cette fille qui m’a tant fait souffrir... Un jour, je pense que j’aurais envie de lui dire que “non”, elle n’a pas réussi à me détruire."

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Nice-Matin

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