Alerte

L'Observatoire international des prisons menacé de fermeture

Privé de plusieurs subventions, l'OIP pourrait disparaître. Il lance une campagne d'alerte ce mercredi pour éviter de mettre un peu plus en danger les droits humains.
par Alexandra Pichard
publié le 6 novembre 2019 à 11h37

Après presque trente ans de veille au respect des droits, parfois menacés, en milieu carcéral, l’Observatoire international des prisons (OIP) est en danger. En cinq ans, il a perdu 66% de ses subventions publiques, alors que la surpopulation dans les prisons, elle, augmente. Un désengagement de l’Etat alarmant dans un contexte où le contre-pouvoir que représente l’OIP paraît plus que jamais nécessaire.

Déjà touché par une suppression des subventions régionales ou de certains organismes publics en 2014 et 2015, et une baisse de plus de 50% des dons de fondations privées au titre des avantages fiscaux après la suppression de l'ISF en 2018, l'OIP craint cette fois de mettre la clé sous la porte. Au cours des dernières semaines, le ministère des Outre-Mer et le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), l'un des plus anciens soutiens de l'organisme, ont à leur tour retiré leurs financements. «Officiellement, on ne rentre plus dans les critères. Officieusement, de manière progressive, les pouvoirs publics font le choix de ne plus soutenir les associations qui représentent un contre-pouvoir», dit à Libération Cécile Marcel, directrice de la section française de l'OIP.

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L’OIP est un véritable pilier dans le paysage carcéral depuis sa création en 1990 à Lyon. Intermédiaire entre les prisonniers et la société, il a pour mission d’informer sur les conditions de détention, de pointer du doigt les dysfonctionnements et d’alerter sur les atteintes aux droits et les violences pénitentiaires. Nourrissant le débat public sur la prison et la justice pénale, l’OIP tient alors souvent un discours critique sur les politiques publiques. En pointant notamment du doigt les réformes trop timides de l’Etat au moment des discussions sur la réforme de la Justice en 2018 et 2019. Face à cela, des revendications fortes : une véritable promotion des alternatives à l’emprisonnement, limiter la construction de nouvelles prisons et des mesures pour réduire la surpopulation carcérale.

Une perte de sens de l’emprisonnement

Les records d'emprisonnement en temps de paix ont été battus en 2019, en frôlant les 72 000 détenus. «Dans un contexte où on a jamais autant incarcéré, paradoxalement on a jamais financé aussi peu l'OIP», poursuit Cécile Marcel. Un signal inquiétant envoyé par les pouvoirs publics. Ces conditions de détention mènent à une perte de sens de l'emprisonnement, selon la directrice : «Quand les prisonniers sont enfermés à trois dans une cellule 22 heures sur 24, sans activités, peu d'interactions avec l'extérieur ou de possibilités de travail, une difficulté d'accès aux dispositifs qui permettent de monter un projet de réinsertion, cette peine est contre-productive, même pour la société. Les problèmes ne sont pas résolus à la sortie des détenus, s'ils ne sont pas aggravés.»

La situation actuelle des prisons devient-elle une nouvelle «humiliation pour la République» ? Il y a vingt ans déjà, cette expression utilisée par les sénateurs dans une commission d'enquête sur l'état des prisons avait permis un sursaut politique. «Vingt ans plus tard, la situation reste identique, et témoigne du peu d'intérêt porté aux personnes détenues et aux conditions de détention en France», se désole la directrice de la section française de l'OIP. Avec une campagne de mobilisation lancée aujourd'hui, l'Observatoire espère un nouveau sursaut citoyen mais aussi politique. Dans le cas contraire, la disparition de l'organisme marquerait un véritable recul de la veille aux droits humains.

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