Lafarge en Syrie: la justice française annule les poursuites pour «complicité de crimes contre l'humanité»
Le groupe reste mis en examen pour «financement du terrorisme», «violation d'un embargo» et «mise en danger de la vie» d'anciens salariés de son usine de Jalabiya.
La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a annulé jeudi la mise en examen du cimentier Lafarge pour «complicité de crimes contre l'humanité» en Syrie mais a maintenu d'autres charges, notamment pour «financement du terrorisme», a-t-on appris auprès de différents avocats impliqués dans le dossier. Le groupe français reste également mis en examen en tant que personne morale pour «mise en danger de la vie d'autrui» et «violation d'un embargo», autant de chefs retenus en juin 2018 par les juges d'instruction.
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Les associations Sherpa et ECCHR (European center for constitutional and human rights) vont se pourvoir en cassation pour tenter d'obtenir le rétablissement des charges liées à la «complicité de crimes contre l'humanité», a précisé leur avocate, maître Marie Dosé, jointe par Reuters.
En annulant ce chef d'inculpation, la cour d'appel a «corrigé une décision totalement infondée» et reconnu que l'entreprise n'avait «jamais participé ni de près, ni de loin à un crime contre l'humanité», ont pour leur part réagi les avocats de Lafarge SA, Christophe Ingrain et Rémi Lorrain, dans une déclaration commune. LafargeHolcim, le groupe né en 2015 de la fusion entre Lafarge et le suisse Holcim, a fait savoir dans un communiqué qu'il «pren(ait) note» de cette décision et exprimait par la même occasion ses «regrets» au sujet des «erreurs inacceptables commises en Syrie».
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Dans cette affaire, Lafarge SA, propriétaire de Lafarge Cement Syria (LCS), est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via cette filiale, près de 13 millions d'euros à des groupes djihadistes, dont l'organisation Etat islamique (EI), afin de maintenir l'activité de son site en Syrie, alors que le pays s'enfonçait dans la guerre. Le groupe, qui assure avoir toujours eu pour «priorité absolue» d'«assurer la sécurité et la sûreté de son personnel», est également suspecté d'avoir vendu du ciment de l'usine au profit de l'EI et d'avoir payé des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de factions djihadistes.
Dans le cadre de l'information judiciaire, ouverte en juin 2017 après des plaintes de Bercy et de plusieurs associations, dont l'ONG Sherpa, huit cadres de Lafarge au total ont été mis en examen, pour «financement d'une entreprise terroriste» et/ou «mise en danger». Le groupe cimentier, qui a fusionné en 2015 avec le suisse Holcim, se voyait reprocher de son côté des faits de «financement du terrorisme», «violation d'un embargo», «mise en danger de la vie» et donc de «complicité de crimes contre l'humanité».
«Décisions politiques»
Quelles responsabilités précises ont eu l'entreprise et ses dirigeants dans les versements à des groupes terroristes? Si l'existence de remise de fonds à des «groupes armés» est ressortie d'un rapport d'enquête interne, Lafarge SA a toujours contesté sa responsabilité dans la destination de ces paiements. Lors de l'audience devant la chambre de l'instruction, le 20 juin, la défense du cimentier a ainsi attaqué la fiabilité des investigations, effectuées à partir de sources ouvertes, notamment des rapports de l'ONU, et rejeté les accusations de «complicité de crimes contre l'humanité».
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«Aucun document expliquant précisément les éléments constitutifs» de ces crimes n'a été fourni et «aucune enquête susceptible de réunir les preuves nécessaires» à leur caractérisation n'a été établie, ont fait valoir les avocats de l'entreprise. Des arguments appuyés par l'avocat général, qui a estimé dans ses réquisitions écrites qu'il n'existait «aucun indice grave et concordant» montrant que les anciens salariés parties civiles «auraient été victimes» de la «complicité des crimes contre l'humanité» reprochée à Lafarge.
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Pierre DOYEN
le
Les suspects de complicité d'un crime sont poursuivis sous la même qualification infractionnelle que les auteurs dudit crime. Aussi ne peut-il y avoir de complicité de crime contre l'humanité, si les auteurs de l'infraction ne sont pas eux-mêmes poursuivis qualifiés de criminels contre l'humanité !
Aucun auteur d'acte de terrorisme d'inspiration coranique n'est poursuivi et condamné pour crime contre l'humanité, bien qu'en vertu de la loi en vigueur c'eût été la seule qualification adéquate et pertinente que pût recevoir la commission d'un tel forfait. Si en l'état la SA LAFARGE ainsi que ses acteurs sont présumés innocents, comme toute personne poursuivie, cela ne dispense pas les juges de qualifier correctement les faits. LA SA LAFARGE, personne morale, financière du terrorisme, cela signifie qu'en son sein des personnes physiques ont in concreto remis des fonds de la société aux terroristes. Tous ces remettants de fonds sociaux doivent être poursuivis sous la qualification idoine du chef de complicité de terrorisme.
Pierre DOYEN
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Les suspects de complicité d'un crime sont poursuivis sous la même qualification infractionnelle que les auteurs dudit crime. Aussi ne peut-il y avoir de complicité de crime contre l'humanité, si les auteurs de l'infraction ne sont pas eux-mêmes poursuivis qualifiés de criminels contre l'humanité !
Aucun auteur d'acte de terrorisme d'inspiration coranique n'est poursuivi et condamné pour crime contre l'humanité, bien qu'en vertu de la loi en vigueur c'eût été la seule qualification adéquate et pertinente que pût recevoir la commission d'un tel forfait. Si en l'état la SA LAFARGE ainsi que ses acteurs sont présumés innocents, comme toute personne poursuivie, cela ne dispense pas les juges de qualifier correctement les faits. LA SA LAFARGE, personne morale, financière du terrorisme, cela signifie qu'en son sein des personnes physiques ont in concreto remis des fonds de la société aux terroristes. Tous ces remettants de fonds sociaux doivent être poursuivis sous la qualification idoine du chef de complicité de terrorisme.