"Un chèque en blanc de 1,6 milliard d’euros à la grande distribution" et un "chèque en bois pour les agriculteurs". La Confédération paysanne et UFC Que Choisir ont la dent dure contre la loi alimentation, un an après sa publication. Et ils ne sont pas les seuls. Plus d’une vingtaine d’organisations ont publié un bilan d’étape. Pour elles, "le compte n’y est pas" avec cette loi issue des États généraux de l’alimentation dont le but était de rendre accessible à tous une alimentation saine et durable et d’améliorer l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole dont les producteurs pâtissent.
Le groupe de suivi de cette loi au Sénat a publié un rapport sans ambiguïté le 5 novembre. "La loi Egalim a suscité un espoir immense dans nos campagnes pour régler le problème du revenu de l’agriculteur, tout en ne concernant qu’une petite partie de ses recettes annuelles", explique Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. "Elle a troqué une hypothétique hausse des recettes au bon vouloir des industriels et de la grande distribution contre une augmentation certaine des charges des exploitants".
Les PME touchées de plein fouet
Les PME sont particulièrement touchées par les effets pervers de la loi. L’encadrement des promotions, censé atténuer la pression sur les prix, "créé un biais anticoncurrentiel au détriment des PME positionnées sur des marchés dominés par des grands groupes", note le Sénat. "Une PME ne peut pas se payer un spot publicitaire en prime time !", explique le rapporteur Michel Raison. De même, la hausse de 10 % du seuil de revente à perte (SRP) n’a pas l’effet escompté.
Le mécanisme défendu par le gouvernement semblait pourtant logique. Aujourd’hui, les produits d’appels comme le Coca-Cola ou le Nutella par exemple sont vendus sans marge. Pour compenser, les produits agricoles sont surmargés. Le gouvernement voulait imposer à la distribution d'augmenter ses marges sur les produits d’appels et faire baisser celles des produits agricoles. Mais la hausse de prix s’est traduite par une baisse des tarifs sur les produits d’appels de marques de distributeurs et non les produits agricoles, déplaçant seulement la guerre des prix au lieu d’y mettre un terme.
L'expérimentation poursuivie pour un an
Le principal syndicat agricole, la FNSEA, qui avait défendu ces dispositifs met en garde contre les conclusions hâtives. "La FNSEA rappelle que l'ensemble des outils ne sont disponibles que depuis la fin du mois d'avril et la publication des dernières ordonnances", note le syndicat. "L'enjeu est donc bien de transformer l'essai durant la phase de négociations commerciales qui vient de s'ouvrir. Plus aucune excuse ne peut être brandie pour ne pas appliquer la loi."
Les outils de cette loi doivent de toute façon être expérimentés pendant deux ans. Mais pour limiter la casse et "éviter que des entreprises alimentaires ne ferment avant fin 2020", les sénateurs ont déposé une proposition de loi. Quant à Didier Guillaume, le ministre de l’Agriculture, il a menacé de renforcer les contrôles pour surveiller les comportements pendant les négociations commerciales qui fixent les prix pendant une année.
"Quand un éleveur vend son litre de lait à 34 centimes et qu’il est en vente à un euro en grande surface, les 70 centimes vont bien dans la poche de quelqu’un", a-t-il relevé sur France Inter. La loi prévoyait d’ailleurs que la construction du prix se fasse à partir du coût de production donc en partant de l’amont pour remonter jusqu’aux distributeurs. Mais sur le terrain, la Confédération paysanne a noté que le prix de revient calculé par les producteurs n’avait jamais été pris en compte par les industriels ou distributeurs.
Marina Fabre, @fabre_marina
Publié le 8 novembre 2019
La loi alimentation cumule les échecs. Un an après sa publication, un rapport sénatorial liste les effets pervers de ses mesures phares, notamment sur les PME. Alors que l'objectif était de mieux rémunérer les agriculteurs, ce sont les distributeurs qui semblent en profiter. L'expérimentation doit encore se poursuivre une année, mais les sénateurs ont déjà proposé des mesures d'urgence pour éviter que certaines PME ne mettent tout simplement la clé sous la porte.
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