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Chute du Mur de Berlin : la rocambolesque "évasion" d'une prof d'allemand amoureuse d'un Normand

Elle avait 20 ans en 1971 et, avec son fiancé français, Marion Winter-Baucher a fui l'Allemagne de l'Est cachée dans le coffre d'une voiture. Trente ans après la Chute du Mur de Berlin, devenue professeur d'allemand à Caen, elle raconte sa fuite rocambolesque et son destin incroyable.

C'est dans la cachette spécialement aménagée derrière la banquette arrière d'une voiture que Marion Winter-Baucher a pu s'évader d'Allemagne de l'Est en 1971. C'est dans la cachette spécialement aménagée derrière la banquette arrière d'une voiture que Marion Winter-Baucher a pu s'évader d'Allemagne de l'Est en 1971.
C'est dans la cachette spécialement aménagée derrière la banquette arrière d'une voiture que Marion Winter-Baucher a pu s'évader d'Allemagne de l'Est en 1971. - Photo transmise par Marion Winter

En 1969, un jeune Normand vient étudier à Leipzig, en ex-Allemagne de l'Est et tombe amoureux d'une jeune femme, Marion Winter. Le jeune couple décide de se marier, mais une loi est-allemande interdit l'union. Les jeunes gens vont alors préparer une évasion rocambolesque. Trente ans après la chute du Mur de Berlin, Marion Winter, devenue professeure d'allemand à Caen, raconte  son histoire ce vendredi 8 novembre 2019 sur France Bleu Normandie (écouter l'interview)

Une prise de conscience vers l'âge de 15 ans

"Je préfère employer le verbe évader à celui de fuir, explique Marion Winter, parce que j'étais prisonnière dans ce pays. On pouvait certes y circuler librement. Mais il était entouré de frontières et de murs infranchissables". Son enfance est baignée dans l'idéologie communiste, en témoignent les manuels scolaires qu'elle a gardés (voir plus bas), "où à n'importe quelle page, vous tombez sur des jeunes pionniers, des soldats de l'armée est-allemande, des soldats russes. C'est comme ça qu'on a appris dans toutes les matières". Mais vers l'âge de 15 ans, elle prend conscience de la privation de liberté. "On se rend compte qu'on ne peut pas partir, qu'on ne peut pas dire ou penser ce qu'on veut". Et dans ce pays, il faut se méfier de tout le monde. "Dans chaque groupe, chaque entreprise, on savait qu'il y avait forcément des espions". 

Cachée dans la voiture

Avec son fiancé normand, ils envisagent une évasion dès 1969. "Mais il aurait fallu que je traverse le Danube à la nage, alors que je ne savais pas nager, c'était donc une idée complètement folle !" Son futur mari repart en Normandie où ses parents, agriculteurs dans le Bessin, ont fait aménager une cachette dans leur voiture par un maréchal ferrant, entre le coffre et la banquette arrière. Et "l'évasion" peut commencer. 

Le jeune homme repart en Hongrie au volant de sa voiture discrètement réaménagée. Marion Winter quitte, elle, la RDA en train et ils se rejoignent à Budapest. Direction la Yougoslavie. Pour franchir la frontière, elle se glisse dans la cachette. Mission accomplie quelques heures plus tard à Belgrade, elle pénètre à l'intérieur du consulat de l'Allemagne de l'Ouest. En une heure, elle obtient un passeport de la RFA. 

Marion Winter, devant la cachette aménagée dans la voiture de ses beaux-parents.
Marion Winter, devant la cachette aménagée dans la voiture de ses beaux-parents. - Photo transmise par Marion Winter

Marion est arrivée en France en 1972 , elle s'est mariée et a obtenu automatiquement la nationalité française. Elle a appris le français et est devenue professeur d'allemand au lycée Malherbe de Caen. Le 9 novembre 1989, elle a assisté en direct à la chute du Mur de Berlin dans son appartement caennais. "On avait acheté une antenne parabolique au mois de septembre, parce qu'on sentait qu'il se passait des choses". 

À aucun moment, je n'ai regretté d'être partie, j'ai pris racine ici.

De l'Allemagne de l'Est où elle est retournée, elle garde beaucoup de souvenirs, un attachement à ses amis, "mais à aucun moment à aucune seconde, je n'ai regretté d'être partie. Je n'ai jamais eu le mal du pays, j'ai pris racine ici. Je suis parfaitement bien !" Elle s'interroge sur les scores que réalise l'extrême-droite en ex-Allemagne de l'Est, auprès de jeunes notamment. "Peut-être parce qu'ils n'ont rien d'autre contre quoi se révolter ?"

Pour commémorer les 30 ans de la chute du Mur, elle n'a rien prévu de spécial. "Mais ce qu'il faut se dire, et ne jamais l'oublier, c'est que la démocratie est un bien précieux et fragile. Rien n'est jamais acquis pour l'éternité." Celle qui témoigne aujourd'hui n'a pourtant jamais parlé de son extraordinaire destin à ses élèves. "Ce n'était pas un secret, j'en parle volontiers, mais je ne m'affiche pas avec cette histoire, je ne la porte pas comme un étendard". Et elle se souvient que 1.245 personnes n'ont pas eu sa chance, tuées en essayant de franchir la frontière entre les deux Allemagnes entre 1961 et 1989. 

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