Dans la province du Xinjiang, l’une des cinq régions autonomes de la République populaire de Chine où vit une importante communauté musulmane issue des minorités ouïghoure et kazakhe, le Parti communiste chinois poursuit sa répression.

Près 1,5 million de musulmans Ouighours, hommes et femmes, ont été ou sont encore détenus dans des "camps de rééducation". Des femmes, ex-détenues, témoignent au compte-goutte des tortures subies lorsqu'elles étaient emprisonnées. D'autres femmes, libres mais dont le mari est détenu, sont actuellement surveillées, à leur domicile, par des cadres du Parti, qui s'installent chez elles, dînent à leur table et dorment dans leur lit.

Stérilisées à leur insu 

"Nous devions passer la main par une petite ouverture dans la porte", explique à France 24 Gulbahar Jalilova, Ouïghoure de 54 ans, détenue 15 mois à Urumqi, la capitale de Xinjiang. "Nous avions vite compris qu'après les injections, les femmes n'avaient plus leurs règles", poursuit-elle. 

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Nous avons vite compris qu'après les injections, les femmes n’avaient plus leurs règles

Une autre femme, Mehrigul Tursun, 30 ans, a témoigné lors d'une conférence organisée par Amnesty d'une expérience similaire, lors de sa détention, en 2017. Elle raconte s'être sentie "fatiguée pendant environ une semaine, déprimée" et avoir "perdu ses souvenirs", après qu'on lui ait fait prendre un cocktail de drogues. Diagnostiquée comme malade mentale, Mehrigul Tursun a été libérée, après plusieurs mois d'emprisonnement. Elle vit désormais aux États-Unis, et ce sont des médecins américains qui lui ont appris qu'elle avait été stérilisée.

D’autres encore se sont fait implanter des dispositifs contraceptifs contre leur volonté pendant leur détention, d'après l'enquête du Washington Post, publiée en octobre dernier.

Avortements forcés

"La population ouïghoure actuelle représente moins de 1% de la population totale de la Chine. Limiter et contrôler la croissance naturelle d'une population de cette taille dans n'importe quel pays, c'est l'anéantir", a réagi l'ONG Population Research Institute.

"Par conséquent, la politique chinoise de contrôle des naissances prévoyant l'avortement forcé et la stérilisation des Ouïghours n'est pas une politique visant à garantir la qualité globale de la population ouïghoure, condamne l'organisation. Au contraire, il s’agit de les exterminer progressivement en imposant tous les moyens et les restrictions politiques, économiques et sociaux." Car d'autres ex-détenues, qui vivent aujourd'hui dans des pays occidentaux, ont affirmé avoir subi un avortement forcé, y compris à un stade avancé de leur grossesse.

Humiliations sexuelles 

D'autres femmes détaillent l'horreur vécue au moment des douches. Celles-ci étaient filmées. Des piments mélangés à de l'eau dans des petits pots en verre étaient distribués aux femmes avant la douche commune, rapporte le Washington Post.

Une fois nues, les détenues étaient contraintes, sous l'ordre des gardiennes, de s'appliquer le mélange sur leurs parties génitales. "Ça a brûlé comme du feu", se souvient l'une d'elle, dans l'article du Washington Post.

Forcées à partager leur lit avec des hommes du régime

Quand elles ne sont pas détenues dans des "camps de rééducation", les femmes ouïghoures sont surveillées à domicile. Le Parti communiste chinois envoie ses cadres au Xinjiang, dans les foyers, auprès des femmes dont les maris sont emprisonnés.

Tous les deux mois, ils s'installent environ une semaine dans la maison familiale, partagent les repas et enseignent leur idéologie politique, comme l'explique un cadre du Parti à Radio Free Asia : "Ils aident [les familles] avec leur idéologie, en apportant de nouvelles idées. Ils leur parlent de la vie, et pendant cette période, ils développent des sentiments l'un pour l'autre."

La propagande et la répression jusqu'au coucher. Ces cadres, selon le programme qu'ils exécutent, doivent littéralement dormir dans le même lit que les femmes qu'ils surveillent. Des "pratiques d'assimilation forcée profondément envahissantes" qui "violent les droits fondamentaux", dénonce l'ONG Human Rights Watch. Dolkun Isa, président du Congrès mondial ouïghour, s'indigne de ce programme qui a "transformé les maisons des Ouïghours en prisons dont il est impossible de sortir".