Et si l'obsolescence programmée partait d'une bonne intention ? En 1932 le promoteur immobilier Bernard London publie un ouvrage dans lequel il défend l'idée de réduire la durée de vie des objectifs pour sortir de la crise économique dans lequel le pays est enlisé depuis le krach boursier de 1929. Soutenir l'activité des entreprises en renouvelant fréquemment nos biens de consommation, voilà la recette miracle qui paraît aujourd'hui totalement loufoque. 

Un téléphone qui tombe en panne au bout de 10 mois d’utilisation seulement, un collant qui se file après une seule utilisation, une machine à laver qui fuit et dont la pièce de rechange est introuvable… L’obsolescence programmée est devenue un des maux de notre société. Elle pousse les citoyens à une boulimie d’achats désormais intégrée à nos modes de consommation. Or ces impacts économiques et environnementaux sont majeurs. Et pourtant, à l’origine, ce concept partait d’une bonne intention.
Les éditions Allia viennent en effet de republier, en août 2019, un ouvrage datant de 1932 et intitulé "L’obsolescence programmée des objets". Son auteur, Bernard London, y défend l’idée que réduire la durée de vie des objets permettra de sortir de la crise économique dans lequel le pays est alors enlisé depuis le krach boursier de 1929. L’auteur applique la logique du "plus les citoyens épargnent, moins ils consomment, moins les usines tournent" aux objets, vêtements, électroménagers… que les citoyens conservent participant indirectement au chômage de masse.
Pénaliser les citoyens qui conservent trop longtemps leurs objets
"Il n’a sûrement pas conscience d’inventer un nouveau concept et de désigner une troisième forme d’obsolescence, à côté de l’obsolescence technique et de l’obsolescence symbole ou psychologique (mode)", indique l’économiste Serge Latouche dans la revue du Mauss. "Ce dont il parle, c’est de la nécessité de renouveler les biens d’usage plus fréquemment pour soutenir l’activité des entreprises. On ignore s’il a inventé l’expression ou si elle était déjà utilisée dans le monde des affaires : toujours est-il qu’avec lui, elle entre dans le débat public". 
Pour Bernard London, il ne s’agit pas de tromper les citoyens comme l’aurait fait le cartel Phoebus. Ce cartel réunissait plusieurs fabricants d’ampoules qui auraient volontairement diminué la durée d’éclairage des ampoules. Au contraire, cet agent immobilier new-yorkais prône l’effort citoyen. Il va même jusqu’à proposer de pénaliser les citoyens qui garderaient trop longtemps leurs objets. "Ma proposition mettrait le pays entier sur les rails du redressement économique et permettrait de retrouver des conditions de travail normales et une prospérité durable", écrit-il.
Aujourd’hui, ce discours est totalement anachronique. L’urgence écologique a changé la donne. "L’obsolescence programmée est une absurdité à laquelle le projet de loi anti-gaspillage s’attaque", prévenait d’ailleurs en septembre la secrétaire d’État à la transition écologique Brune Poirson. "Nous allons créer un indice de réparabilité des produits dès 2021 : un produit non réparable, aux pièces collées, non disponibles… vous sera signalé très prochainement", assure-t-elle. 
Marina Fabre, @fabre_marina

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