Violences faites aux femmes : «Alcool et psychotropes, deux fléaux occultés»

Dans une tribune au Parisien-Aujourd’hui en France, des médecins, experts et proches des malades alcooliques réclament que la consommation d’alcool et de psychotropes soit mieux prise en compte dans la lutte contre les violences faites aux femmes.

 Le mois dernier, une manifestation spectaculaire, symbolisant des féminicides, était organisée par des associations à Paris, place de la République, pour alerter sur les violences conjugales.
Le mois dernier, une manifestation spectaculaire, symbolisant des féminicides, était organisée par des associations à Paris, place de la République, pour alerter sur les violences conjugales. AFP/Dominique Faget

    Les professeursMichel Reynaud, Laurent Bègue, Bernard Basset, Amine Benyamina, Mickaël Naassila et Jean-Michel Delile (pour les professionnels) ; Betty Morisset, Françoise Gaudel, Felix Le Moan et Jean-Claude Tomczak (pour les patients et les proches).

    « Lancé à grand renfort dans les médias, le Grenelle des violences conjugales, qui va se conclure vendredi prochain, ne pourra que décevoir au regard de la quasi-absence de propositions des travaux préparatoires. Nous, médecins, experts et proches des malades alcooliques, avions souligné, dans des lettres ouvertes publiées le 21 octobre dernier, le rôle majeur de l'alcool et des psychotropes dans les violences conjugales. Rappelons que l'analyse des morts violentes au sein du couple survenues en 2018, et plus particulièrement des 121 féminicides, publiée par la délégation d'aide aux victimes, montre que dans 55 % des cas, au moins l'un des deux, auteur ou victime, est sous l'emprise d'une substance (alcool, stupéfiants, etc.).

    Nous avions proposé des mesures efficaces, cohérentes, faciles à mettre en œuvre et surtout reposant sur les connaissances scientifiques qui font consensus. Ces mesures visaient à prévenir ces violences, à en réduire la fréquence et les conséquences, à aider les victimes, à intervenir auprès des personnes violentes consommant de l'alcool et des psychotropes, et à former les policiers, les équipes de soins et les associations d'entraide.

    Nous avons ensuite été reçus par les responsables du programme au sein du ministère de la Santé. Malgré une écoute bienveillante et l'assurance que nos propositions seraient prises en compte, le document présentant leurs propositions à partir des retours des groupes de travail ne retient qu'une seule de nos propositions, concernant « l'analyse systématique des consommations d'alcool et de psychotropes en cas de plainte ». Si nous nous félicitons que le phénomène des violences liées à l'alcool et aux psychotropes soit mieux observé, nous déplorons qu'aucune mesure sur la prévention, l'aide aux victimes ou la prise en charge spécifique des auteurs n'ait paru digne d'attention.

    Malheureusement, nous pouvons aisément comprendre ce qui bloque. La prévention de ces violences spécifiques supposerait, pour le gouvernement, d'agir sur la consommation d'alcool. Dans notre pays, la moindre mesure, aussi justifiée soit elle, touchant à la consommation d'alcool, devient un problème politique paralysant les décisions. Et dans la foulée, le gouvernement oublie les mesures de soins que nous avions proposées. Il se condamne donc à l'inefficacité. La protection des victimes de violences liées à l'alcool et aux psychotropes attendra, le gouvernement se contentant de mieux observer. Nous, patients, proches et professionnels, demandons donc solennellement aux ministres et secrétaires d'Etat, mesdames Marlène Schiappa, Agnès Buzyn et Christelle Dubos, de ne pas occulter une cause majeure des violences contre les femmes et d'y répondre avec l'engagement et l'énergie qu'elle mérite. »