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Cinq pléonasmes insoupçonnés à bannir

Rue des Archives/©Rue des Archives/BCA

«Prévenir d’avance», «don gratuit»... Les formulations redondantes fourmillent dans la langue française. Si certaines peuvent être utiles, d’autres sont fâcheuses. Florilège.

L’usage. Oui, c’est l’usage qui aura toujours le dernier mot. Alors, peut-être que ces «je monte en haut», «au jour d’aujourd’hui», «petite fillette» et autres pléonasmes que nous faisons aujourd’hui n’en seront plus demain. Mais pour l’heure, ces formulations redondantes sont souvent fâcheuses. Le Figaro revient sur cinq d’entre elles.

● Prévenir d’avance

«Je vous préviens d’avance, j’ai peur de l’avion!» La prévenance de cette personne est entendue et la redondance de cette phrase, sûrement voulue. En ce disant, autrui insiste sur le fait qu’il craint fortement de voler. Toutefois, si l’on se veut strictement précis, on évitera d’employer le verbe avec «d’avance». Comme le note Le Trésor de la langue française, le mot «prévenir» vient du latin praevenire «prendre les devants, devancer, surpasser». De fait, il signifie «précéder ; devancer quelqu’un dans l’accomplissement d’une action». Prévenir quelqu’un de quelque chose se suffit donc à lui-même. Nul besoin de redoubler les avances...

● Oubli involontaire

Il ne manquerait plus qu’il soit volontaire. Imaginez la scène. Vous rejoignez des amis dans un café. Tout le monde a un paquet sous le bras, sauf vous. Vous demandez: «On fête quelque chose?». Et c’est alors qu’on vous répond: «L’anniversaire de ta meilleure amie.» Oups! Tandis que la reine de la soirée fait son entrée et reçoit ses petits paquets, vous vous exclamez «Je suis désolé, j’ai laissé le mien à la maison. C’est un oubli involontaire». L’excuse est reçue. Mais enfin, fallait-il ajouter l’adjectif «involontaire»? La précision est pour le moins pléonastique! Le Trésor de la langue française précise toutefois que le contraire est acceptable. Un oubli peut tout à fait être volontaire. Lorsque par exemple, vous n’appréciez pas quelqu’un et que vous avez malencontreusement oublié de le prévenir d’un changement de lieu pour la réunion de ce jour...

● Don gratuit

Chacun connaît l’adage: «Donner, c’est donner ; reprendre, c’est voler.» Ainsi en va-t-il du pléonasme «don gratuit». Accoler l’adjectif «gratuit» au mot «don», c’est sous-entendre que le «don» puisse être monnayable. Or, le terme issu du latin classique donum signifie «action de donner, de céder gratuitement et volontairement la propriété d’une chose». Il est par définition un bien désintéressé, qui s’offre. Pas question donc de lui donner une valeur commerciale. Ce, à moins de considérer que tout se paye et tout s’achète... Y compris la charité.

● Comme par exemple

C’est parfois le détail qui fait la phrase. Et subséquemment, sa réussite ou son échec. Pas question donc de rater le coche, aussi infime la précision soit-elle. La formulation «comme par exemple» en est littéralement un exemple. En effet, cette dernière constitue un pléonasme.

«Par exemple» est une locution adverbiale tout à fait correcte. On la retrouve en tout point de la littérature. De la même façon, l’adverbe «comme» peut «servir à introduire un exemple qu’il présente comme conforme (ou quasi-identique) au modèle implicitement envisagé», note Le Trésor de la langue française. Toutefois, dans ce sens-là, il devient un synonyme de «par exemple». Ainsi, il n’est pas besoin de le coller à cette dernière formulation.

● Une opportunité à saisir

C’est une phrase que l’on peut trouver des grands magasins aux rayons alimentaires, en passant par la carrosserie, la poissonnerie ou bien encore la jardinerie. Pourtant, bien que courante, cette formulation n’en demeure pas moins redondante. Le mot, emprunté au latin opportunitas «opportunité, condition favorable», «commodité, avantage», vient de ob «objet» et portus «port». À l’origine, rapporte Jean-Loup Chiflet dans son Petit traité singulier des pléonasmes insoupçonnés, «opportun s’appliquait au vent qui pousse vers le port». C’est plus tard, avec le temps, que le terme prit le sens de «ce qui vient à point, qui arrive à propos».

Puis, avec l’influence de l’anglais (opportunity), le terme opportunité a fini par prendre le sens «d’occasion favorable». Ainsi, associer le verbe «saisir» à «opportunité» constitue aujourd’hui un pléonasme. Pour éviter cette redondance, on préférera la formule moins «franglish»: «occasion favorable».

● Des pléonasmes? Pardon!

On l’a compris, tous les pléonasmes ne se valent pas. Certains peuvent avoir un rôle d’insistance, d’autres, une ambition comique voire poétique (on pense à «voir de ses propres yeux). Dans son livre, Jean Maillet classe ces redondances de la plus impardonnable à la plus excusable. Dans cette dernière catégorie, l’auteur pardonne ainsi «le bref résumé», qui malgré son objectif de concision, n’est pas toujours «court» ; le «tri sélectif», l’usage l’ayant totalement accepté ou bien encore «saupoudrer de sel». À l’origine le verbe est composé de la forme ancienne de sel «sau» et de poudrer. Cela étant, les années ont passé et il est désormais possible de saupoudrer ses plats de sel et ses gâteaux de sucre.

» VOIR AUSSI - Bernard Minier fait face à la dictée du Figaro

Cinq pléonasmes insoupçonnés à bannir

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41 commentaires
  • Francesco2015

    le

    Le "don gratuit" peut être un pléonasme tout à fait délibéré pour bien marquer, de la part de son auteur, l'aspect volontaire (et non forcé) dudit don. Ainsi quand le roi de France PHILIPPE IV LE BEL (1285 - 1314) décida d'imposer le clergé (et les villes franches d'un nouvel impôt sur les transactions commerciales - la "maltôte" en 1292), le clergé et certaines villes décidèrent de qualifier cet impôt de "don gratuit" pour bien marquer à la fois leur réprobation vis-à-vis de cet impôt et le caractère volontaire et exceptionnel de leur contribution.

  • Maja001

    le

    Un don n'est pas toujours gratuit. Pour prendre un exemple, les grands groupes industriels qui font des dons pour la bonne cause, par exemple la reconstruction de Notre-Dame, bénéficient en retour d'une belle ristourne fiscale...

  • Hayduke

    le

    "Positionnement dynamique"
    "Military Intelligence" (chez nos "anglais amis").
    En grec, il est normal de sortir dehors et de monter en haut.