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L'avenir de l'Inde suspendu à l'issue d'un scrutin hors norme

•Plus de 800 millions d'Indiens vont élire leurs députés à partir d'aujourd'hui et jusqu'au 12 mai.•Un scrutin très complexe à l'issue incertaine.•En jeu : la stabilité du pouvoir et la capacité à réformer.

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Par Patrick de Jacquelot (Correspondant en Inde - Son blog : www.frenchjournalist.com)

Publié le 7 avr. 2014 à 01:01Mis à jour le 6 août 2019 à 00:00

C'est, tout simplement, la plus grande élection que le monde aura jamais connue : 815 millions d'Indiens se rendent aux urnes à partir de ce lundi pour élire leurs représentants à la Lok Sabha, la Chambre basse du Parlement. Lors du scrutin de 2009, ils n'étaient « que » 715 millions... De quoi justifier amplement le qualificatif de « plus grande démocratie du monde », dont l'Inde s'enorgueillit.

Faire voter 815 millions de personnes sur un territoire comprenant désert, forêt vierge et hauteurs de l'Himalaya, exposé parfois à de graves risques de sécurité (Cachemire, guérilla maoïste), suppose une colossale logistique. Même s'il est à un seul tour, le scrutin se déroule en neuf phases sur plus d'un mois. Les premières zones votent ce lundi 7 avril, les dernières le 12 mai. Entre chaque journée de vote, le personnel, les machines à voter et les forces de sécurité se déplacent en caravanes d'une région à l'autre. Stockés sous haute sécurité, les votes seront dépouillés d'un seul coup le 16 mai.

Le plus extraordinaire dans cette invraisemblable mécanique, c'est qu'elle fonctionne. Les résultats sont peu contestés et les incidents recensés ici ou là ne remettent pas en cause leur validité. C'est largement l'oeuvre de la Commission électorale, qui « terrorise les politiciens », comme le dit la journaliste politique Sushma Ramachandran. « Aucune erreur n'est permise, nous devons être d'une impartialité absolue, d'une transparence totale », explique H.S. Brahma, l'un des trois commissaires.

Si la mécanique des élections fonctionne bien, le processus démocratique n'est pas pour autant sans reproche. Le paradoxe, expliquait H. S. Brahma lors d'une conférence fin mars, « c'est que nous avons la démocratie et la liberté, mais aussi la pauvreté, l'illettrisme et la mauvaise gouvernance ». Et le commissaire électoral de dénoncer « les liens entre les dirigeants politiques et les criminels », ainsi que le pouvoir de l'argent, qui fausse le jeu électoral. Une analyse des 60.000 candidats aux élections entre 2003 et 2013 a montré que 20.000 avaient des antécédents criminels, selon H.S. Brahma ! Chaque député représente en moyenne 1,5 million d'électeurs, vingt fois plus qu'en France. Les circonscriptions sont donc immenses et le coût des campagnes électorales, faramineux.

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Comme le candidat arrivé en tête est élu aussitôt même si les votes sont éparpillés sur quinze candidats, il suffit d'un très faible déplacement de voix pour faire basculer le résultat. Celui-ci est donc extraordinairement difficile à prévoir, d'autant que les sondages n'ont guère de fiabilité. En outre, aucun parti ne pouvant obtenir la majorité absolue au Parlement, l'issue réelle des élections dépend de la constitution d'une coalition autour du parti arrivé en tête, ce qui se négocie après coup.

Plusieurs hypothèses

Cette fois-ci, « la seule chose certaine c'est que le BJP (principal parti d'opposition) sera numéro un. Au-delà, toutes les hypothèses sont possibles », analyse le politologue Balveer Arora. Si personne ne croit aux chances du Parti du Congrès, mené par Rahul Gandhi, d'arriver en tête, sa défaite annoncée ne garantit pas une majorité forte au BJP. Le meilleur scénario en termes de stabilité serait celui où le BJP, tiré par son dirigeant Narendra Modi (« Les Echos » du 27 février 2014), obtiendrait seul une grande partie des 272 députés qui font une majorité, et compléterait sans mal avec quelques alliés. Mais si le BJP avait par exemple moins de 200 députés, il pourrait peiner à trouver suffisamment de partenaires, tant le profil ultranationaliste hindou de Modi peut en rebuter certains. Dans le pire des cas, ni le BJP ni le Congrès ne pourraient former une coalition stable, ce qui ouvrirait la voie à des rassemblements de circonstance entre grands partis régionaux, un gage d'instabilité politique.

Or, l'Inde a besoin de retrouver de la stabilité, alors que nombre de réformes (dans les infrastructures notamment) sont bloquées dans l'attente du scrutin et que l'administration est grippée (lire ci-dessous). En jeu : le développement d'un pays dont la croissance est notamment insuffisante depuis des années.

Les chiffres clefs

sont appelés aux urnes pour élire les parlementaires, du 7 avril au 12 mai 2014.

vont voter pour la première fois en 2014.

devraient être le montant du coût global de l'organisation des élections législatives.

sont affectées aux élections (hors sécurité) qui se tiendront dans 930.000 bureaux de vote.

ont été réservés aux basses castes et aux tribus.

de machines de vote électroniques seront utilisées.

seront représentés par un député.

Correspondant à New Delhi Patrick de Jacquelot

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