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Taiwan

Ces jeunes Taïwanais qui se mobilisent pour Hong Kong

Sur l'île de Taïwan, indépendante de fait mais revendiquée par Pékin, la jeunesse multiplie les initiatives de soutien aux protestataires hongkongais. Reportage.

Chin-Chung, représentant des étudiants de l'Université nationale de Taïwan (NTU), devant le "Lennon Wall" de sa faculté.
Chin-Chung, représentant des étudiants de l'Université nationale de Taïwan (NTU), devant le "Lennon Wall" de sa faculté. RFI/Adrien Simorre
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De notre correspondant à Taïwan,

« Hong Kong aujourd’hui, Taïwan demain » : la formule résume à elle seule l’état d’esprit de la jeunesse taïwanaise. Rédigée en caractères chinois sur un post-it fluorescent, l’inscription se fond parmi les centaines de messages qui composent le « Lennon Wall » de la prestigieuse Université nationale de Taïwan (NTU). Comme dans plusieurs facultés taïwanaises, l’espace a été installé par les étudiants pour recueillir les messages de soutien à destination des démocrates hongkongais. Les petites phrases de solidarité y côtoient des adresses ouvertement hostiles à l’égard du pouvoir communiste chinois.

Car depuis Taïwan, la Chine est un voisin de palier qui se fait aussi de plus en plus menaçant. Les deux territoires partagent une langue commune, le mandarin, mais évoluent indépendamment depuis 70 ans. Taïwan est aujourd'hui un État souverain et démocratique, mais continue d’être revendiqué par Pékin. À force de pression diplomatique, seuls quinze pays reconnaissent cette île grande comme les Pays-Bas en tant qu’État indépendant.

Depuis les premières manifestations, c’est donc spontanément que la jeunesse taïwanaise s’est identifiée au combat mené par les démocrates hongkongais. « Le dirigeant chinois Xi Jinping veut appliquer à Taïwan le principe d’un pays, deux systèmes, comme à Hong Kong, expose Chin-Chung, représentant des étudiants de la NTU. Si nous ne soutenons pas Hong kong et que nous ne défendons pas Taïwan aujourd’hui, nous pourrions faire un jour face à la même situation. » Pour ne rien améliorer à la méfiance ambiante, un couple de touristes chinois a arraché début octobre les post-it du « Lennon Wall » de la NTU. Les images ont fait le tour des réseaux sociaux, mais n’ont pas empêché les inscriptions de fleurir à nouveau.

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Du matériel de protection envoyé à Hong Kong

Dans le hall de l’église presbytérienne de Che-Lam, dans le centre de Taipei, le jeune Ko Chi-An fait partie de son côté des rares Taïwanais à aider directement les protestataires hongkongais. Lunettes rectangulaires et tee-shirt flanqué d’un tableau du peintre américain Jean-Michel Basquiat, cet étudiant en aménagement urbain à la NTU réceptionne et empaquette quotidiennement du matériel à destination de l’ancienne colonie britannique. « Les Hongkongais se battent aussi pour Taïwan, défend-il avec fermeté. Un jour, je pense que Taïwan sera confronté au même problème. »

L'église de Che-Lam réceptionne et envoie les kits de premiers secours, les tenues de protection et les masques à gaz achetés par des donateurs. « L’église favorise l’organisation, mais c’est avant tout une question de valeurs, explique Ko Chi-An, fermant le dernier des cinq cartons qui partiront ce jour-là. Une partie des Taïwanais pensent encore que nous pouvons faire partie de la Chine ou veulent simplement faire du business avec eux. Mais pour nous les jeunes, c’est de notre futur qu’il s’agit ! »

Ko Chi-An scelle les cartons emplis d'équipements de protection à destination des manifestants hongkongais
Ko Chi-An scelle les cartons emplis d'équipements de protection à destination des manifestants hongkongais RFI/Adrien Simorre

►À lire aussi : Hong Kong: ces tactiques développées par les manifestants pour contrer la police

Un soutien qui reste avant tout symbolique

Depuis le début de la contestation hongkongaise, les Taïwanais ont battu le pavé à plusieurs reprises, mais les réactions de leurs dirigeants ont été plus timorées. Faute de mieux, la cheffe de l’État s’est contentée de déclarations réprobatrices à l’égard de la Chine. Malgré ce constat d’impuissance, la société civile taïwanaise poursuit les démonstrations de soutien. Zi How-Ko, quadragénaire en survêtement aux tempes grisonnantes et aux yeux rieurs, est l’organisateur d’un concert de soutien à Hong Kong, qui se tiendra ce dimanche 17 novembre. « Aujourd’hui il fait beau, ironise-t-il, pointant du doigt le ciel azur de Taipei. Mais quand nous voyons notre voisin qui gagne en puissance et la répression à Hong Kong, l’inquiétude monte ».

Comme la majorité des actions de soutien à Hong Kong, l’événement est organisé par un collectif de bénévoles déterminés à défendre leurs convictions. « Je parle chinois, mais je me sens Taïwanaise. Et c’est avant tout parce que j’ai une présidente élue et des droits ! », explique sans détour une bénévole au visage partiellement masqué. La jeune femme dit vouloir conserver l’anonymat pour des raisons professionnelles. Pour Taïwan, la Chine demeure en effet le principal partenaire économique de l’île. Malgré la liberté d’expression, le soutien à Hong Kong ne s’affiche donc pas toujours ouvertement.

Zi How-Ko et le leader du groupe "The Chairman", deux figures de la scène musicale taïwanaise indépendantiste, posent devant l'arche où se tiendra le concert de soutien à Hong Kong, dimanche 17 novembre.
Zi How-Ko et le leader du groupe "The Chairman", deux figures de la scène musicale taïwanaise indépendantiste, posent devant l'arche où se tiendra le concert de soutien à Hong Kong, dimanche 17 novembre. RFI/Adrien Simorre

►À écouter aussi : Hong Kong, jeunesse rebelle

À Taïwan, l’embrasement hongkongais ravive aussi des souvenirs encore incandescents. « Pour nous, la crise à Hong Kong nous ramène au passé autoritaire de Taïwan, lorsque tout le monde était surveillé », estime ainsi le chanteur du groupe taïwanais The Chairman, une des têtes d'affiche du concert de soutien. Jusqu’aux années 1990, l’île fut en effet dirigée d’une main de fer par le parti du Kuomintang (KMT), lequel avait trouvé refuge à Taïwan en 1949 après la défaite de Chiang Kai-Shek face aux communistes chinois. Un passé que la nouvelle génération n’a pas connu, mais qui reste à la base de nombreux clivages à Taïwan. « La démocratie et la liberté sont les principaux sujets de mes chansons. J’espère que la jeune génération pourra continuer de les chanter », poursuit-il. Symboliquement, le concert de dimanche aura lieu sur la place de la Liberté de Taipei, point de ralliement historique des mouvements démocrates à Taïwan.

►À lire aussi : Taïwan: manifestations pro-démocratie sur l'île en solidarité avec Hong Kong

La présidente souverainiste renforcée

En janvier, les Taïwanais doivent se rendre aux urnes pour élire leur président et un nouveau parlement. La question du rapport avec Pékin est au cœur des débats. Le KMT, devenu principal parti d’opposition, se démarque par une pirouette de l’histoire en défendant un rapprochement avec Pékin. « On respecte la volonté du peuple de Hong Kong d’obtenir la démocratie et la liberté, mais ces objectifs doivent être poursuivis pas à pas », explique Alex Lee, membre du comité central du KMT.

Mais à en croire les sondages, cette position ambiguë ne convainc pas la majorité des Taïwanais. Dans une gargote du centre-ville de Taipei, Will, Taïwanais d'une quarantaine d'années, a délaissé son bouillon de nouilles (niurou mian) pour suivre les nouvelles télévisées qui traitent aujourd'hui encore des manifestations hongkongaises. Il y a quelques mois, cet ingénieur débonnaire et bavard hésitait encore quant au choix de son candidat. « Je vote pour le parti le plus à même de développer l’économie taïwanaise », explique-t-il. Mais la crise hongkongaise est passée par là. « Le KMT dit que la Chine et Taïwan peuvent être réunis. Mais vu ce qu’il se passe à Hong Kong, on réalise que ce n’est pas le cas. » Will n’est pas le seul à faire ce constat. La présidente au pouvoir, souverainiste convaincue, a vu sa courbe de popularité bondir depuis le début des manifestations à Hong Kong. Elle est désormais donnée favorite pour les élections présidentielles de janvier 2020.

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