La grogne gronde aux quatre coins du monde

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La grogne gronde aux quatre coins du monde

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Manifestation à Bassorah, en Irak. Ce dimanche, des milliers d'Irakiens ont encore envahi les rues de Bagdad et de villes du sud du pays. Depuis le 1er octobre, la contestation a fait au moins 330 morts, en majorité des manifestants.
Manifestation à Bassorah, en Irak. Ce dimanche, des milliers d'Irakiens ont encore envahi les rues de Bagdad et de villes du sud du pays. Depuis le 1er octobre, la contestation a fait au moins 330 morts, en majorité des manifestants.
© AFP - Hussein Faleh

Une vingtaine de pays connaît, en ce moment, de vastes manifestations populaires. Comme par exemple depuis vendredi soir en Iran, avec au moins deux morts et l'accès à internet coupé. Quelles sont les similitudes et les différences entre ces mouvements ?

Hong Kong, Santiago, Bagdad, Alger, Khartoum, ou désormais Sirjan et d'autres villes en Iran, partout dans le monde, les habitants descendent dans la rue, souvent depuis plusieurs mois, pour protester. Chaque Etat a ses problèmes et les revendications dans les cortèges peuvent différer, mais tous les pays qui affrontent ce mécontentement populaire de longue durée sont traversés par la même hostilité à l’égard de leurs dirigeants. Globalement, les manifestations qui éclatent aujourd’hui dans le monde sont de deux ordres : des mouvements socio-économiques et des mouvements politiques pour changer le pouvoir en place. Et très souvent, en Europe, en Afrique, en Amérique latine, au Moyen-Orient et en Asie, le détonateur qui a mis le feu aux poudres et qui a entraîné des millions de citoyennes et de citoyens dans les rues est l’annonce de mesures qui touchent directement la vie quotidienne des gens, à commencer par des hausses de prix. Puis, de manifestations en manifestations et de mois en mois, les revendications se sont élargies. 

L'Invité(e) des Matins
43 min

En Europe, après les "gilets jaunes", quelques manifestations subsistent 

Les mouvements en Europe qui avaient emboîté le pas à la France et ses "gilets jaunes" se sont essoufflés, à quelques exceptions près. A Athènes et à Thessalonique, pour protester contre de nouvelles restrictions d’austérité, des coupes dans les retraites, et des hausses d’impôts, des dizaines de milliers de Grecs sont sortis cette année pour manifester. Depuis quelques jours, les étudiants protestent contre les décisions du gouvernement grec en matière d’éducation et d’asile, ainsi que contre les violences policières. Mais ce dimanche, la commémoration du soulèvement du 17 novembre 1973, malgré un contexte tendu, a eu lieu dans le calme.

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Les Bulgares manifestent également contre la rigueur budgétaire et la cherté de la vie. Mais début novembre, les mécontentements se sont focalisés contre le pouvoir en place, et notamment la nomination du procureur général, l’une des figures les plus puissantes du pays. Les manifestants reprochent à l’unique candidat, Ivan Guechev, d’être "lié à l’oligarchie". Le Président bulgare a fini par imposer son veto sur cette élection controversée. Un veto qui n’a pas servi puisqu’Ivan Guechev sera élu quelques jours plus tard.

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Il y a un an, les Néerlandais et les Italiens s'étaient mobilisés contre les tarifs du carburant et la hausse des taxes, tout en y ajoutant les problèmes de corruption et d'europhobie. Les Belges ont protesté de leur côté contre la politique d'austérité et contre l'extrême droite. 

En Espagne, en octobre, des manifestations parfois violentes ont été provoquées par les condamnations à 9 et 13 ans de prison de neuf dirigeants indépendantistes catalans pour désobéissance, sédition et malversation de fonds publics.  

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Les contestations ont gagné d'autres pays plus éloignés, notamment en Amérique latine

A Santiago, c’est l’augmentation de près de 4% du prix du ticket de métro qui a été l’élément catalyseur. Les premières manifestations éclatent mi-octobre et pendant trois semaines les Chiliens ont défilé contre les inégalités et contre la politique libérale du gouvernement de Sebastián Piñera. Plus d’un million de personnes ont protesté dans la capitale et dans plusieurs régions. Un mouvement social sans leader dont la répression a été violente : au moins 20 morts. Dans la nuit de dimanche à lundi, le Président Piñera a pour la première fois admis qu'il y avait eu "un recours excessif à la force".

"Les citoyens nous ont réveillés (...) et ce sont eux qui vont décider", a reconnu vendredi avec humilité la porte-parole du gouvernement de droite, Karla Rubilar, quelques heures après la conclusion d'un accord historique des partis politiques sur l'organisation d'un référendum pour remplacer la Constitution héritée de la dictature d'Augusto Pinochet (1973-1990). "La rue a donné une leçon à tous ceux qui (...) sans s'en rendre compte avaient remplacé leur espérance par de la résignation. Le peuple a fait bouger les frontières de la démocratie", a estimé Catalina Pérez, députée du parti Révolution démocratique (gauche) de la ville d'Antofagasta (nord). 

Reportage à Santiago, ce week end, de notre correspondante Justine Fontaine auprès de lycéens, ceux qui ont lancé ce mouvement.

1 min

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Cultures Monde
58 min

De l'Argentine, au Pérou en passant par la Bolivie, la Colombie et l'Equateur, les contestations, bien que différentes dénoncent toutes la précarité, le néo-conservatisme et un ras-le-bol généralisé. A Quito, le Président Lenín Moreno a dû faire marche arrière et retirer le décret qui a provoqué 12 jours de mécontentement au mois d’octobre : la suppression des subventions du carburant. Elle signifiait une augmentation de 50% du prix de l’essence et du gazole, à laquelle s’ajoutaient d’autres décisions gouvernementales comme l’imposition d’une journée de salaire par mois, au Trésor Public, ou la réduction de la moitié des vacances des fonctionnaires. Après de vastes manifestations, les autorités équatoriennes ont décrété l'état d’urgence.

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En Bolivie, des incendies en Amazonie ont d'abord provoqué la colère. Les agriculteurs de la région de Santa Cruz et l’opposition ont accusé le gouvernement d’inaction. Plus de 51 000 km2 sont partis en fumée. Progressivement, les manifestations ont mué en protestations politiques contre le Président Evo Morales, à la tête de l’Etat depuis 2006. En octobre, à l’issue du premier tour de la présidentielle, il déclare être le vainqueur avec 45%, refusant un second tour. Ses opposants rassemblent des milliers de citoyens dans les rues. Le dirigeant bolivien, lâché par l’armée et la police, est obligé de fuir et se réfugie au Mexique. Quatre personnes ont  encore été tuées samedi dans des manifestations dans le pays, portant à au moins 23 morts le bilan depuis fin octobre et le début de la crise, a annoncé la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH).

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Cultures Monde
58 min

Ce sont aussi pour des raisons politiques que les Péruviens ont commencé à protester, fin septembre, contre la dissolution du Congrès et la tenue d’un scrutin législatif. 

En Colombie, les étudiants ont porté un mouvement contre la corruption et le manque de moyens pour l’éducation. Mais les manifestations ont dégénéré en affrontements avec la police anti-émeutes. Au moins 20 personnes ont été blessées.

Enfin, en Argentine, c'est contre la situation générale, la dévaluation du peso, l'inflation galopante, les 12% de chômage, les 40% de pauvres que les Argentins se sont mobilisés. Résultat : le péroniste Alberto Fernández a remporté dès le 1er tour les élections présidentielles contre le chef d'état sortant Mauricio Macri.

Les Enjeux internationaux
10 min

Le Moyen-Orient et l’Afrique bousculés aussi 

Les Irakiens qui revendiquaient "être les premiers à avoir arboré des 'gilets jaunes', dès 2015" battent le pavé depuis le 1er octobre. La goutte d'eau qui a fait déborder le vase était une pénurie d'électricité et d'eau potable. Et les mécontents ont dénoncé pèle-mêle la corruption, une classe politique incompétente, l'abandon des services publics, le chômage. A nouveau ce dimanche, ils étaient des milliers à envahir les rues du pays.

Une manifestation à Bassorah, en Irak, en décembre 2018 contre la corruption.
Une manifestation à Bassorah, en Irak, en décembre 2018 contre la corruption.
© AFP - Hussein Faleh

Au nom de l'ordre public, c'est par la force que les autorités irakiennes ont répondu ces dernières semaines : couvre-feu et tirs à balles réelles. Cette contestation inédite a été émaillée de violences qui ont fait au moins 330 morts et près de 15 000 blessés, en majorité des manifestants. En guise d’apaisement, le gouvernement a fait un petit geste en proposant une série de mesures sociales. A la fin du mois dernier, les manifestations se sont poursuivies, mais sur un tout autre sujet, les connivences entre l'Irak et l'Iran et les milices chiites.

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Les Enjeux internationaux
10 min

L'Iran s'agite depuis vendredi contre une hausse soudaine du prix de l'essence, de 50%. Un policier et au moins un civil ont été tués, avec des dizaines d'arrestations. Les autorités ont coupé l'accès à internet et affirmé qu'elles ne toléreraient pas l"insécurité". Le Président Hassan Rohani a justifié cette mesure en expliquant que l'Etat n'avait pas d'autre solution pour aider mieux les "familles à revenu moyen et bas qui souffrent de la situation économique créée par les sanctions" américaines visant l'Iran. A Washington, la Maison Blanche a condamné "l'usage de la force et les restrictions de communications contre les manifestants", ajoutant que "les Etats-Unis soutiennent les Iraniens dans leurs manifestations pacifiques contre le régime qui est censé les diriger".

L'annonce d'une nouvelle taxe téléphonique a donné le jour à des manifestations au Liban le 17 octobre. Bien que les autorités ont reculé sur ce point, les rassemblements se sont étendus dans le pays et les raisons de la colère se sont amplifiées. De la remise en cause des infrastructures au départ de la classe politique au pouvoir, le pas est vite franchi par le mouvement de rues. Au moment où le pays vit sa plus grave crise économique depuis la guerre civile de 1975-1990. Et le président du Conseil des ministres Saad Hariri, bien qu'il annonce des réformes sociales, démissionne le 29 octobre. 

Les manifestants restent toujours mobilisés, comme encore ce dimanche, alors que la crise politique s'est aggravé samedi avec le refus de Mohammad Safadi de devenir le nouveau Premier ministre.

Cultures Monde
58 min

Depuis le mois de septembre, au Caire, des manifestants réclament le départ du président égyptien, le général al-Sissi. 

Scénario identique au Soudan. Les mobilisations populaires se sont focalisées sur le départ d'Omar El Béchir et ont abouti au renversement du chef de l'Etat par l'armée, en avril. Très politisés aussi, les défilés en Guinée. La population s'oppose à un troisième mandat d'Alpha Condé, 81 ans. Tout comme en Algérie. Depuis le mois de février, chaque vendredi, les familles algériennes se rassemblent pour réclamer un changement de système à la tête de l'Etat.

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L’Asie entre dans la partie

La démission de l'exécutif, c'est aussi ce qu'exigent les Hongkongais en colère dans les rues, depuis fin mars 2019. Ces défenseurs de la démocratie avaient commencé par s'opposer à la loi d'extradition vers la Chine, puis ont directement visé le départ de Carrie Lam. Un million de personnes dans la rue, soit un habitant sur sept, et le double lors des manifestations du mois de juin. Malgré la violente répression et la suspension du texte incriminé, les Hongkongais ne renoncent pas et continuent à réclamer que Carrie Lam soit écartée du gouvernement. Pour mieux se faire entendre, les contestataires ont organisé d'importants blocages. Début octobre, la mobilisation a repris de l'envergure après que les autorités ont interdit de manifester avec un masque. Et ces derniers jours, les heurts sont devenus de plus en plus violents : un policier aurait ainsi été blessé par une flèche ce dimanche et pour la première fois, le porte-parole a menacé de tirs à balles réelles. Hong Kong vit sa pire crise politique depuis sa rétrocession à la Chine en 1997.

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L’Indonésie connaît aussi des manifestations et des émeutes, depuis le mois de septembre. Les étudiants se sont mobilisés sur plusieurs îles contre le projet d'une révision du code pénal introduisant notamment des condamnations à des peines de prison pour les relations sexuelles hors mariage ou entre personnes de même sexe, l'interdiction des "insultes" à l'encontre du Président et du vice-président ou encore une loi sur la corruption. Les autorités de Jakarta ont envoyé des dizaines de milliers de policiers et militaires. Des affrontements ont éclaté. Au moins deux personnes ont été tuées et des centaines d'autres blessées.

Sur les îles de Java, de Bali, de Lombok, de Célèbes, des milliers de jeunes ont bravé les forces de l'ordre qui utilisent des gaz lacrymogènes. L'archipel d’Asie du sud-est n'avait pas connu de telles effervescences depuis 1998, date du soulèvement qui a fait chuter le dictateur Suharto. Le président indonésien Joko Widodo a repoussé la réforme du code pénal. 

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La mondialisation des manifestations englobe les différences de nature, d'intérêts ou d'idéologie. Malgré leurs divergences, les protestations aux quatre coins de la terre reposent sur un socle commun et des valeurs universelles, l'équité, la liberté et la dignité.

Avec la collaboration d'Eric Chaverou