Depuis que la Chine a fermé ses frontières, les filières de recyclage sont bouleversées. Après les plastiques, c'est le papier-carton qui se retrouve dans l'impasse. La France, dont l'industrie papetière est en berne depuis des années, était très dépendante des pays voisins pour exporter son surplus. Mais avec les restrictions chinoises, l'Europe se trouve elle aussi en excédent. Face à cet embouteillage, les professionnels craignent une chute du taux de récupération : un mauvais signal envoyé au citoyen à l'heure de l'urgence climatique.

Ça déborde dans les centres de tri de la filière papier-carton. En 2018, en France, l’excédent représentait 1,6 million de tonne sur les près de sept millions de tonnes collectées et triées. Un excédent particulièrement difficile à écouler. "On ne consomme pas autant qu’on collecte, du coup, les centres de tri sont en excédent de stock et presque tous dépassent les niveaux autorisés", constate Pascal Genneviève, président de la branche papiers-cartons de Federec. Ce qui était déjà vrai pour le papier, en chute libre avec l’essor du numérique, vient de toucher le carton. Et ce, malgré le développement du e-commerce et la vague de colis qu’il entraîne.
La France, qui a subi une vague de fermeture de papeteries il y a dix ans, dépend énormément des pays voisins (notamment l’Allemagne et l’Espagne) pour écouler ses papiers-cartons triés. Mais ces-derniers sont eux aussi saturés et l’Europe se retrouve avec huit millions de tonnes de papier-carton excédentaires sur les bras. "On ne peut pas fermer les robinets après avoir mis des années à éduquer les citoyens, ce serait un très mauvais signal" prévient Pascal Genneviève. "Nous voulons absolument éviter la fermeture des centres de tri."
Un taux de récupération en baisse
Dans son rapport sur le marché du recyclage en 2018 (1), publié fin octobre, Federec estime ainsi que "compte tenu de ces difficultés d’évacuation, il est probable qu’une partie des fibres n’a pas été extraite des déchets en mélange et qu’une autre a été évacuée avec les refus de tri." Une manière alambiquée de dire que tout le papier-carton qui aurait dû être recyclé ne l’a pas été. Le tonnage de collecte/tri de la filière a ainsi reculé de 4,6% en 2018 pour la première fois depuis de nombreuses années. Et il pourrait encore reculer en 2019.
Pour réguler, Federec va "sans doute privilégier la qualité au détriment de la quantité, ce qui va entraîner une hausse du refus de tri", explique Pascal Genneviève. "Nous sommes en train d’alerter les autorités pour demander des dérogations sur nos capacités de stockage mais il va falloir faire un choix : soit décider d’envoyer un camion sur cinq ou sur dix à l’incinération, soit trouver des solutions de stockage en attendant que ça redémarre."
Le tournant de la fermeture asiatique
Dans le cadre de sa lutte contre la pollution de l’air, la Chine a décidé de fermer les petites usines de recyclage qui étaient alimentées au charbon. En 2019, le marché chinois s’est ainsi totalement fermé aux flux européens de papiers-cartons. Pendant quelque temps, les usines papetières du sud-est asiatique ont pu consommer une partie des excédents européens et américains mais elles ont rapidement été saturées à leur tour, participant à l’engorgement mondial. 
La Chine continue d’inonder l’Europe avec ses biens de consommation emballés dans du carton, que nous ne pouvons plus leur renvoyer. L’Ademe estime à 730 000 tonnes l’ensemble des emballages qui viennent de biens importés, majoritairement de Chine. Or, au lieu d’importer nos papiers-cartons recyclés pour les transformer en bobines sur place comme elle le faisait auparavant, la Chine se fournit désormais directement en bobines dans les pays voisins d’Asie du Sud-Est, qui proposent des prix et des délais plus concurrentiels.  
Ouvrir une usine de carton en France
L’espoir de la filière française repose sur l’implantation d’une usine qui puisse fabriquer ces bobines de carton pour alimenter directement la Chine. Le finlandais UPM a annoncé en septembre la mise en vente de sa papeterie de la Chapelle Darblay en Seine-Maritime, d’une capacité annuelle de 240 000 tonnes de production de papier. "Nous espérons qu’un repreneur réoriente la production vers le carton, ce qui offrirait un débouché français", commente le responsable de la branche papier carton de Federec.
À partir de 2020, la création de nouvelles capacités en Europe et la structuration des marchés asiatiques hors Chine devraient également offrir de nouveaux débouchés et permettre d’absorber une partie des excédents européens et français. Mais à quel prix ? Ces-derniers ont été divisés par deux pour le carton et le chiffre d’affaires du secteur s’est effondré de 26 % en 2018 par rapport à l’année précédente.  
Concepcion Alvarez @conce1
(1) Voir "Les chiffres du recyclage pour 2018" de Federec

Découvrir gratuitement l'univers Novethic
  • 2 newsletters hebdomadaires
  • Alertes quotidiennes
  • Etudes