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Interview

« L'absence de femmes dans certaines professions est un danger pour tous »

Chiara Corazza, la directrice générale du Women's Forum, qui prend à bras-le-corps la mission ministérielle dont l'a chargée Marlène Schiappa, entend sensibiliser tous les milieux et alerter les parents de filles sur le fait qu'une carrière scientifique leur donnera, outre un emploi bien payé, une confiance en elles, une autonomie et le sentiment d'être utiles. Et bien sûr mettre en avant des modèles qui font rêver les jeunes filles ainsi qu'impliquer davantage les hommes dans cette démarche.

Par Laurance N'Kaoua

Publié le 19 nov. 2019 à 07:01

Début octobre, la ministre Marlène Schiappa vous a confié une mission pour renforcer la place des femmes dans les métiers d'avenir et nourrir le projet de loi pour l'émancipation économique des femmes en 2020. En quoi consiste-t-elle ?

Ma mission est à la fois d'évaluer l'impact des actions pour féminiser les métiers dits « STEM » ou scientifiques, techniques, d'ingénierie et de mathématiques, mais aussi de déconstruire en profondeur les stéréotypes sur les femmes et les sciences et de susciter l'intérêt des jeunes filles pour ces carrières. Il s'agit d'offrir aux femmes les mêmes opportunités qu'aux hommes de participer à la transformation d'un monde en plein bouleversement. Or les femmes sont moins de 28 % à être actives dans les STEM. Et ce chiffre ne cesse de chuter.

En Europe, 900.000 postes dans le numérique sont déjà à pourvoir. De la data à l'intelligence artificielle, la technologie va bouleverser 80 % des emplois de demain et les femmes n'y sont pas assez associées ! Exclues des métiers du futur, elles risquent d'autant plus de perdre leur emploi que l'automatisation frappera, en premier lieu, les tâches moins nobles. En Europe, réduire l'écart femmes-hommes dans les filières scientifiques augmenterait le PIB de 610 à 820 milliards d'euros d'ici à 2050. L'absence des femmes dans ces professions est aussi un danger pour tous, car les algorithmes de l'intelligence artificielle, qui régissent notre vie quotidienne, sont conçus à 82 % par des hommes, et multiplient les biais : une étude du MIT a révélé que la reconnaissance faciale était plus fiable pour les visages d'hommes que de femmes.

Est-ce le cas partout dans le monde ? Certains pays sont-ils moins en retard ?

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Le paradoxe est qu'en Iran ou en Arabie saoudite, où elles ont moins de droits, les femmes représentent 60 % des ingénieurs diplômés, car les compétences numériques, dont leur pays a besoin, sont pour elles un chemin vers l'émancipation. En Asie, gagner leur vie comme ingénieures permet aux jeunes filles d'échapper aux mariages forcés. Le Kazakhstan et la Malaisie abritent 53,3 % et 48,6 % de femmes chercheurs, alors que la moyenne mondiale est de 28,8 % ! Résultat, à la tête de la Bourse et de la Banque centrale de Malaisie, il y a deux femmes. Dans les pays où les disparités sont moindres, les femmes ressentent moins la nécessité de choisir des carrières scientifiques.

Comment comptez-vous procéder ?

Les disparités démarrent dès l'école maternelle. Il faut changer les mentalités. Une étude au Royaume-Uni montre que l'intérêt des filles pour les STEM passe de 72 % à l'âge de 11 ans à 19 % lorsqu'elles ont 18 ans. Il faut encourager les femmes et vaincre les résistances, en premier lieu dans l'éducation nationale, en incitant, par exemple, les petites filles à coder. Je veux sensibiliser tous les milieux, alerter les parents de jeunes filles sur le fait qu'une carrière scientifique leur donnera, outre un emploi bien payé, une confiance en elles, une autonomie et le sentiment d'être utiles, ce que recherchent 70 % des adolescentes. Pourquoi ne pas, par ailleurs, concevoir des formations sur-mesure pour les femmes déjà actives ? Nous devons aussi mettre en avant des modèles qui font rêver et impliquer davantage les hommes dans le changement. Dans le cadre du Women's Forum qui débute le 20 novembre, à Paris, un hackaton sera organisé pour mettre en valeur de jeunes startuppeuses qui s'impliquent pour avoir un impact social positif. Le groupe de travail Women & STEM, piloté par Google, réfléchit justement à des solutions innovantes pour rendre attractifs les métiers d'avenir aux femmes. Il s'agit notamment de repérer les meilleures pratiques internationales, de fédérer les initiatives qui ont le mieux fonctionné et de permettre aux femmes d'apporter leur valeur ajoutée car c'est une source de progrès pour tous.

Laurance N'Kaoua

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